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EAN : 9782749140858
256 pages
Le Cherche midi (03/11/2016)
3.79/5   85 notes
Résumé :
Ce livre est un récit d'un genre neuf, celui du style de vie d'un marin considérable doublé d'un poète. "Quand je regarde la mer, je me promène dans le temps du monde." Vous l'ouvrirez à n'importe quelle page, il n'y a pas d'ordre dans les plaisirs, pas de classement dans les enchantements. C'est de ceux-là dont Olivier de Kersauson nous entretient.

Voici donc le catalogue original d'un esthète singulier amoureux de la mer. "Il y a des artistes qui pe... >Voir plus
Que lire après Promenades en bord de mer et étonnements heureuxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Olivier de Kersauson aime la mer, la nature, le monde; il nous emmène dans de courts voyages aux quatre coins de celui-ci et c'est un réel plaisir de l'accompagner. Un livre d'émerveillement tout simple, écrit simplement, qui procure une évasion intemporelle et un très grand plaisir.

Car Kersauson sait parler aussi d'autre chose que de la mer, il parle de la vie, celle de ses amis, de ceux qu'il a admirés et aimés comme Eric Tabarly et Florence Arthaud par exemple. Il regrette leur absence tout en se souvenant avec plaisir des bons moments partagés.
En mer, par calme plat ou dans les tempêtes, il médite, réfléchit, s'interroge sur le passé, comme par exemple à propos de l'île de Pâques, se projette vers l'avenir en confiance, avec sa capacité à s'étonner toujours et à en être heureux.

Et donc, il parsème son livre et sa réflexion souvent philosophique de courtes histoires, de moments intenses vécus qui restent à jamais gravés dans l'âme. Il s'interroge sur une multitude de sujets, souvent liés à la mer.

La mer, c'est sa compagne, celle qui lui offre des victoires, des douleurs quand elle enlève un des siens, des beautés à toutes les heures et par tous les temps et ainsi même lorsqu'il se promène au bord des rivages et voit certaines choses différemment.

Les étonnements de ce grand navigateur, à la personnalité forte et attachante, sont un réel plaisir de lecture.
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Il y a longtemps, très longtemps, à l'époque où l'émission - Les grosses têtes - étaient animée sur RTL par un certain Philippe Bouvard, j'avais été bluffé par un bonhomme complètement iconoclaste que l'animateur surnommait " l'amiral".
Ce marin censé naviguer davantage sur les ondes hertziennes que sur les flots, être plus people que navigateur, était en réalité un des tous meilleurs compétiteurs de l'époque Colas, Monnet, un pur loup de mer formé à l'école de Tabarly ( ils ont fait équipe ensemble pendant 10 ans... ).
Cet après-midi-là, Bouvard avait demandé à chacun de ses invités de lire une page d'un de leurs bouquins préférés.
Lorsque ce fut au tour de "l'amiral", sa lecture captiva ceux qui étaient présents dans le studio, mais également les auditeurs.
Quand Bouvard lui demanda qui était l'auteur de ce bel écrit... "l'amiral" se marra... et montra une page blanche.
En fait, il n'avait rien lu mais improvisé ce que son talent de conteur, son imagination de poète avait porté à ses lèvres.
Depuis lors, j'avais mieux appris à connaître l'inénarrable Olivier de Kersauson, et m'était promis de lire un jour un de ses bouquins.
Car d'évidence, autant que braver l'océan, cet homme était fait pour nous embarquer à bord de ses trimarans littéraires.
Ces jours-ci, entre deux livres "sombres", j'ai eu envie de me plonger dans le verbe de Kersauson : j'ai donc choisi pour passer un moment avec lui - Promenade en bord de mer et étonnements heureux -.
On pourrait se demander ce qu'est ce titre à rallonge.
Il est plus que pertinent, je vous rassure.
Car à travers cet ouvrage, ce sont bien des promenades en bord de mer, sortes de méditations, auxquelles nous sommes conviés.
Et de ces promenades, Kersauson tire comme substantifique moelle, l'épicurien concept "d'étonnement heureux."
À 77 ans, ce marin compétiteur retraité des tours du monde à la voile, des Vendée Globe, des Route du Rhum, de la transat Jacques Vabre, des records de traversée de l'Atlantique et de bien d'autres encore, a conservé une capacité d'émerveillement tout à fait étonnante.
Cet homme qui se lève aux aurores pour contempler les levers de soleil, qui ne rate pas un de ses couchers, qui sait vous décrire les nuances de couleurs de toutes les mers du monde, vous parler comme un gosse des vagues, des marées, de la lune et de ses différentes luminosités, des centaines de variétés de vents, des pluies, des orages, des tempêtes, cet homme qui a passé pendant 40 ans 8 mois par an de toutes ces décennies à sillonner une planète dont les deux tiers sont peuplés par les océans, cet homme vit de tous ces petits étonnements heureux, dont la plupart d'entre nous ou ignorent l'existence ou passent à côté préférant ce que Kersauson appelle l'immédiateté ou le buzz.
Lui vit l'instant, le présent, s'étonne heureux du moindre "rien" dont il fait un grant Tout.
S'il respecte le passé, il se refuse à la nostalgie... il y a algie dans ce mot, et il estime que c'est gâcher le présent que de se complaire dans l'inutile souffrance du passé.
Pareil pour le futur... c'est ici et maintenant qu'est la vie ; chercher à anticiper les tempêtes à venir est inutile et contre-productif.
Ce livre est un hymne à la vie et aux vivants.
Bien que retraité Kersauson continue à s'intéresser sous diverses formes à ce qui est encore sa passion : la mer.
Les instituts de recherche, les écoles qui forment les futurs marins de la marine marchande, l'America's Cup, les compétitions de surf, de paddle, les courses de pirogues.Il manage les Fêtes maritimes de Brest qui réunissent plusieurs centaines de bateaux de toutes sortes, de toutes époques qui évoluent savamment dans la rade de la cité bretonne.
Il voyage, pêche.
Ses voyages lui permettent de s'interroger sur le monde.
Son passé maritime, avec une admiration sans bornes pour Magellan, l'évocation de la construction du canal de Panama, le présent avec ses nouveaux paquebots géants de presque 400 mètres de long et plus de 60 de large ; véritables parcs d'attractions flottants qui embarquent 8000 personnes dans des cabines dont beaucoup ne permettent pas de voir la mer, pour des croisières de quelques jours.
Les porte-conteneurs, usines flottantes qui consomment des tonnes et des tonnes de combustible...
Mais le présent, c'est aussi cette belle folie française qu'est l'Hermione.
Ce sont ces îliens de Polynésie dont il partage la vie depuis presque 20 ans et auxquels il rend hommage... à travers des hommes en lesquels il se reconnaît comme Brel et Gauguin.
Ces terres qui restent des énigmes comme l'île de Pâques ou qui sont des modèles d'obstination et de savoir faire comme Rangiroa où l'on fabrique ( ce qui semblait impossible et impensable ) du vin... 50 000 bouteilles/an sur dix hectares...
Le présent, c'est aussi ces phares qui s'éteignent remplacés par l'électronique, mais c'est aussi l'avènement des hydroliennes.
Kersauson, c'est un fidèle.
Tabarly et Florence Arthaud ont chacun une place au chaud dans le coeur de cet homme qui passe, selon moi, à tort pour un misanthrope.
Avant d'en terminer avec la présentation qui aurait pu être celle de carnets de notes ( pas au sens scolaire... "l'amiral" déteste l'école !) prises lors de voyages, de promenades, d'instants privilégiés, avant de conclure sur ce que sont les étonnements heureux, j'aimerais souligner que ce n'est pour rien le fait du hasard si les mots que l'on retrouve le plus souvent dans cet ouvrage sont : "impressionnant", "émerveillement", "sublime", brillances"... et "je m'explique".
Et puis laissez-moi vous livrer quelques lignes de ces jolies promenades.
"Naviguer, c'est frôler sans cesse
le corps onctueux d'une femme
qui, dès lors, est interminable.
La mer lamée de mauve,
c'est sa peau lascive où la coque s'introduit.
C'est d'un onirisme subtil, onirique, étrange, secret."
.......
"Sur l'eau, un simple changement de lumière,
un nuage qui passe
me suffisent pour atteindre la plénitude.
Au fond, c'est assez difficile à décrire.
Au début, je pensais que ce décor allait s'user.
Au contraire, plus je le regarde et plus je l'aime."
Kersauson, un homme heureux... tout simplement !
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Embarquée sur
Le voilier de ses rêves,
Je fais le tour du monde
en duo et sans escale avec
Olivier de Kersauson,
Surnommé l'Amiral.

Je chavire d'aise,^^
Je traverse le canal de Panama,
Avec lui et je m'émerveille,
De cette coupure de terre
qui relie les mers et qui
permet de s'incruster dans
cette verdure tropicale.
« Une parenthèse d'eau verte
Entre deux océans bleus ».

Il est taiseux et ronchon parfois
Mais « je ne suis pas fiu de lui »
(Expression Polynésienne qui veut dire
Las ou fatigué de quelque chose ou de quelqu'un).

Je fuis ^^ avec lui à l'autre bout du monde et
nous marchons en Patagonie jusqu'à ce panneau
qui indique la « Route de la fin du monde »
où un autre monde commence !

J'aime sa façon de me parler de sa mer*
Celle qu'il a arpenté toute sa vie,
Et dont il écoute le silence,
Dont il sent les vibrations infinies,
Dont il capte la subtilité de l'infini,

J'aime quand il me raconte sa vague ,
Celle qu'il lit,
Qu'il écoute,
Qu'il voit
Dans cette infini transformation d'eau !

J'aime quand il me conte ce vent
Qui fait exister le marin et
Qu'il guette,
Qu'il quête
Dans l'immensité de l'océan,
De cette mer qui efface les traces
De tout passage humai car
elle est mouvante et éternelle,
un perpétuel recommencement.

Quelle leçon de vie.
Rien n'est grave après
Avoir traversé le Cap Horn...
Ce décharnement qui fait
Prendre conscience que la volonté
N'a aucune prise sur l'océan !

Il est dans l'instant présent,
Complètement,
Entièrement.
C'est la vague qui guide:
Ses sens,
Son sens de vie,
Celle d'une acuité totale.

Il a réussi à me transmettre
l'essentiel:
son émerveillement de la vie !!!

Merci pour cet enchantement sans prix!

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Promenades en bord de mer et étonnements heureux ?
Joli programme, on est partis. Hein ? Un bouquin ? de ? de Kersauzon !!!!!
Euh… je te laisse j'ai une course à faire.

Je ne suis pas un bon consommateur (par contre, con sommateur oui, ça m'arrive…parfois…) adepte de la croissance et de ses dommages collatéraux, mais là… il m'a fallu ce bouquin tout de suite, dès que j'ai su.
Pas de l'achat compulsif non non non, du Vital, une bouffée d'oxygène, d'air du grand large, de poésie. La journée commençait bien, lumineuse. C'est bon de savoir qu'un Ami (quelqu'un qui vous veut du bien à travers ses bouquins, pas un pote) a "pensé" à vous, même s'il a peut être été un peu motivé par son éditeur. Et puis quand cet Ami râle et que l'ami est l'Amiral alors là… alors là il ne râle pas et c'est aussi bon.
Ca commence par une pensée émue pour Florence Arthaud mais ça aurait pu commencer par Tahiti, Brest, Paris, la Patagonie ou le parfum d'une fleur. Promenades en bord de mer et étonnements heureux c'est un recueil de pensées, un bric à brac d'émotions liées à la nature, à l'Océan, à l'autre, à la vie. Pas d'ordre chronologique, ça s'ouvre au hasard sans possibilité de se perdre.
D'une Saint Sylvestre où à minuit, il guette la première vague de l'année :
« Et je me disais: est ce que la première vague de l'année sait qu'elle est la première vague de l'année et fait un effort ? Pas du tout ! Pas du tout !
Elle montrait même une indifférence molle, à peine polie, un morceau de trait blanc sur le récif, qui brillait dans le projecteur. Il n'y avait pas ce que j'espérais naïvement, parce qu'il faut être naïf pour espérer autant cette espèce de coquetterie de la vague qui se dit : " je suis la première de votre calendrier, je vais me faire belle." »
Le ton est donné et il ne quittera ces pages qu'à la deux cent quatorzième.
Peut être que certains verront un peu de « c'était mieux avant » mais qui peut vraiment dire que dans le domaine du Vrai et de l'Essentiel, c'est bien aujourd'hui ? Parce que oui, le sujet du bouquin il est là, le sens de la vie. de l'inutilité des choses qu'on nous fait désirer, jusqu'à devenir con au point d'attendre toute la nuit devant le rideau de la fnac pour avoir le nouveau télépomme (les merdes apple quoi, c'est pas dans le bouquin ça, c'est qu'une de mes interprétations :-) ) au bonheur de se rendre compte que respirer est un moment magique à chaque seconde.
Tout ça avec l'Océan comme support.
Ce livre est une ode à la magie de l'instant, cet instant si précieux et perdu à chaque seconde qui passe. Un hymne au beau, à la vie.
J'ai trouvé quelques passages où… ben oui l'eau ça mouille etc, mais en les relisant je me dis que parfois, enfoncer des portes ouvertes ce n'est qu'une expression alibi qui permet de garder ses oeillères.
Si les portes sont ouvertes, on fait tout pour ne pas franchir celles qui mènent vers le Beau. L'amiral nous dis juste que de l'autre coté c'est plutôt pas mal et qu'il s'y trouve bien. J'ai bien envie d'aller le rejoindre même si dans certains cas faut que je me botte le cul.
Merci m'sieur pour cette poésie.

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Au crépuscule de la vie, Kersauson raconte avec des mots simples, des mots à lui, ses 'étonnements heureux qui font tout le bonheur de nos vies'.

Moments fragiles qui viennent de la nature, odeurs, lumières, et pas qu'à Tahiti ou aux Marquises.

Les moments du monde sont là, souvent ignorés parceque gratuits.

'Dépéchez-vous de prendre la lumière du monde' et moi je pense que c'est justement là que nous, lecteurs, excellons!
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critiques presse (1)
Culturebox
20 décembre 2016
Un livre dans lequel il se raconte et évoque les grands qui l'ont marqué comme Tabarly et Arthaud.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Le jour où je vais disparaître, j'aurai été poli avec la vie car je l'aurai bien aimée et beaucoup respectée. Je n'ai jamais considéré comme chose négligeable l'odeur des lilas, le bruit du vent dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable lorsque la mer est calme, le clapotis. Tous ces moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés. Je suis poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux sans cesse renouvelés. Le passé c'est bien, mais l'exaltation du présent, c'est une façon de se tenir, un devoir. Dans notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce que l'on voudrait avoir, on ne s'émerveille plus de ce que l'on a. On se plaint de ce que l'on voudrait avoir. Drôle de mentalité! Se contenter, ce n'est pas péjoratif. Revenir au bonheur de ce que l'on a, c'est un savoir vivre.
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Peut-on remettre cette lettre au vent?
"Et si vous ne reveniez jamais. Qu'il vous prenait l'envie comme cela, sans même dire au revoir, las que vous devez être de balayer la crasse des villes, de disperser les fumées empoisonnées des usines, de secouer des fils électriques et des panneaux de signalisation, pour vous retrouver quelques mètres plus loin à tourbillonner dans l'odeur pestilentielle des décharges, sans compter que vous vous déchirez les rafales sur les milliers d'antennes et de câbles dont les villes sont hérissées.
Il n'y a pas si longtemps, c'était magnifique d'être le vent. Vous apportiez des senteurs selon les saisons, effeuilliez des roses, courbiez des blés, faisiez faire des loopings aux oiseaux, arrachiez les feuilles mortes, séchiez le linge. C'est aussi vous qui faisiez grincer les girouettes, claquer les oriflammes des champs de bataille et dans certains pays tourner des moulins. Certains jours, plus polisson, vous emportiez les chapeaux et souleviez les jupes mais, surtout, pendant plus de deux mille ans c'est vous qui emmeniez les bateaux. Pas un voyage sur la mer sans vous, pas de Christophe Colomb, pas d'Amérique, pas d'Australie, pas de Polynésie. Jusqu'il y a cent ans, pas un grain de café ni une lettre d'amour qui ne soit arrivé sans votre aide.
Il faudrait une vie pour raconter tout ce que vous nous avez permis de faire. Jadis, tout le monde le savait et vous saviez que vous étiez utile et aimé, et en Méditerranée, berceau des civilisations, on avait coutume de dire: quand vous n'êtes pas là, c'est la galère.
Aujourd'hui les moulins tournent au nucléaire, les sèche-linge aussi, les roses poussent dans des serres en plastique, plus personne ne porte de chapeau et les filles ont des collants sous leurs jupes, et pour ce qui est des bateaux... Nous, les marins, parlons de vous tout le temps, recherchons sans fin votre compagnie. Vous faiblissez, c'est l'inquiétude; vous partez, c'est le drame; nulle part au monde vous n'êtes autant chéri, choyé,attendu."
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Il y a quelques semaines, en Polynésie, je passe dans le port de Papeete, dans le vieux port de pêche. Là, dans le fond, à l'endroit où les bateaux sont condamnés à mourir, j'avise une mât. Je m'approche, il était caché par la coque d'un long-liner. Je reconnais Biotherm, l'ancien trimaran de Florence Artaud. Cette image était insolite, tout à fait insolite. Je pensais que le trimaran avait quitté le territoire, qu'il n'était plus au mouillage où je l'avais vu il y a un an. Et le voilà dans le fond du port de pêche, vraisemblablement condamné à être dépecé. Il faisait beau, le ciel était bleu, il flottait dans l'air un je-ne-sais-quoi de serein... Il n' y avait même pas la tristesse des bateaux qui vont mourir... Je regardais Biotherm, je me souviens qu'il fut assemblé dans l'arsenal de Brest, je me rappelais son montage... Tout m'est revenu de façon dense. Mais je n'étais pas triste. La disparition de Florence fut si brutale que je trouvais normal que tout ce qui lui était lié disparaisse aussi. Dans le fond, tout ce qui lui était lié n'a pas à lui survivre. Le personnage était tellement vivant, sensible, fort. Dans mes amitiés professionnelles, Florence a vraiment compté -- et pas seulement pour moi, mais aussi pour Didier Ragot, mon second... Dans ce monde, Florence était la seule fille à courir en compétition multicoque. Sa disparition ampute une partie de nos souvenirs à tous. Je repense à tous nos moments sympas, heureux et maritimes. Certes, le bateau va disparaître, mais c'est bien ainsi car tout cela fut vécu dans l'excellence avec, ensemble, de la grâce, de la beauté, de la joie de vivre, de l'intelligence, du panache et de la force. Les bateaux, lorsqu'ils ne sont plus animés par des capitaines de valeur, ne sont plus rien.
J'ai parfois cette impression lorsque je revois les Pen Duick (j'ai passé dix ans de ma vie avec Tabarly). Tous ces bateaux sans Eric ne signifient plus rien. Ce qui faisait l'attachement à ces bateaux, c'était l'attachement à leur capitaine, au marin exceptionnel que Tabarly était, aux choses exceptionnelles qu'on a pu faire car il en avait le désir et la force, l'intelligence, la connaissance maritime. Le bateau est lié à l'action et à l'homme ou la femme qui le manage. Tout le monde ne réagit pas comme moi -- je connais des marins qui ont navigué sur les Pen Duick et qui, lorsqu'ils les revoient, sont émus. Moi, au contraire, je me ferme. C'est comme dans les maisons, quand les parents ont disparu, le fauteuil du père reste vide; mais ce fauteuil n'avait de raison d'exister que lorsque le père s'asseyait dedans... Bref, ce rappel de la disparition de Florence est douloureux. Quand les gens existent, ils sont là même si on ne les voit pas, ils font partie des pièces qui constituent nos vies. Le jour où l'une de ces pièces disparaît, on ne voit plus que le trou, l'absence.
Je suis passé il y a peu à La Trinité chez jean Le Rouzic (le médecin chez qui Florence a habité mais nous avons tous habité chez lui à une époque), on ne s'était pas vus depuis la mort de Florence et tout à coup l'un de nous a prononcé son prénom et nous nous sommes tus. Nous n'avons plus parlé pendant sept ou huit minutes. Sept minutes de prières sans doute. Puis nous avons parlé d'autre chose et je suis parti. Là où aurait pu s'installer un dialogue fort s'est installé un silence encore plus fort. C'est la présence, au fond, qui s'est installée, la présence de Florence et pas son absence. La vraie présence. La maison de Jean Le Rouzic, c'était notre club. Les gens que j'ai aimés et qui sont partis appartiennent au monde de mes douleurs. Les gens que j'ai perdus me coûtent chaque jour... mes frères, mes soeurs, mes parents, la mère de mon fils. Je vis de leur absence. Et de façon dense. Comme on a ses amis, on a ses morts. Et ses vivants. Mes morts me manquent, j'y pense souvent, jamais je n'en parle. Florence et Eric, ce sont des pans entiers de ma vie, des moments de connaissances et de rires.
J'ai toujours eu le sens du moment précieux. J'ai compris très vite que tout était fragile et que la présence de l'autre qu'on aime était précieuse. Je me rappelle qu'à 23 ans, sur Pen Duick, je m'imaginais à l'extérieur du bateau pour le regarder naviguer et me dire que j'avais de la chance. J'ai toujours eu le recul qui permet de profiter et d'être heureux de tel ou tel moment magique.
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.
Dans notre civilisation , on maltraite le présent , on est sans cesse tendu vers ce que l'on voudrait avoir , on ne s'émerveille plus de ce que l'on a .
On se plaint de ce que l'on voudrait avoir .
Drôle de mentalité !
Se contenter , ce n'est pas péjoratif .
Revenir au bonheur de ce que l'on a , c'est un savoir-vivre .

p.10
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Pour moi comme pour les gens de ma culture, c'est à dire ceux qui ne sont pas intéressés par le buzz - les autres se comportant comme des témoins assistés -, la plupart de nos coreligionnaires vivent à coté du monde. Ce qui est important pour moi, ce n'est pas le match de foot, c'est que nous soyons le jour du solstice d'hiver, par exemple, dans le Pacifique.
La lumière va apparaître là, maintenant... ou peut être plus tard, c'est tellement plus important que la tambouille de Bruxelles.
Les moments du monde sont là et j'ai le sentiment que les gens ne les prennent plus. Sans doute parce qu'ils sont gratuits.
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