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Natalia Zaremba-Huzsvai (Traducteur)Charles Zaremba (Traducteur)
EAN : 9782742745982
144 pages
Actes Sud (03/11/2003)
3.91/5   151 notes
Résumé :
C'est pour l'enfant auquel il n'a jamais voulu donner naissance qu'Imre Kertész prononce ici le kaddish - la prière des morts de la religion juive. D'une densité et d'une véhémence peu communes, ce monologue intérieur est le récit d'une existence confisquée par le souvenir de la tragédie concentrationnaire. Proférée du fond de la plus extrême souffrance, la magnifique oraison funèbre affirme l'impossibilité d'assumer le don de la vie dans un monde définitivement tra... >Voir plus
Que lire après Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pasVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Imre Kertesz faisait partie de ma liste "Les Nobels à lire en priorité au vu de ce qu'on m'en a dit". Un auteur exigeant, au style ardu mais qui lui permet de retranscrire l'émotion et la puissance d'une vie traversée par le drame de la Shoah... Voilà ce que j'avais en tête en l'abordant et je n'ai pas été déçu.

Dans ce Kaddish, cette prière des morts de la religion juive, l'auteur tente de comprendre le "Non !" qui est sorti instinctivement de lui face à la question de la paternité. Un contre instinct, comme il le dit lui même puisque l'instinct voudrait qu'on veuille devenir parent, "mon existence considérée comme la possibilité de ton être" comme le redéfinit brillamment l'auteur, alors que lui ressent plutôt le contre instinct de "ton inexistence considérée comme la liquidation radicale et nécessaire de mon existence". Cette réflexion, cette redéfinition, à l'image d'un philosophe qui cherche constamment à travailler autour des concepts qui fondent son existence, forme la trame de tout ce récit. Cela semble bien âpre présenté comme cela, surtout si on ajoute la reprise de motifs réguliers, comme les litanies d'une prière qui offre sa forme au roman.

Et pourtant cette introspection du narrateur est vraiment intéressante, la manière dont il recherche l'explication de ce choix à rebours de la majorité. Serait-ce l'effet de l'expérience de la Shoa, les conséquences du séjour à Auschwitz ? Mais pourtant certains rescapés ont au contraire fait le choix de fonder des familles, afin que la vie triomphe. L'auteur s'interroge alors sur la façon dont il comprend Auschwitz, et là aussi il se positionne à contre courant. Non pour lui Auschwitz n'est pas "inexplicable" comme certains l'affirment. Il trouve cela trop facile comme présupposé, car il empêche d'affronter le mal en face, celui qui est dans l'homme et qui finalement peut faire comprendre Auschwitz comme logique, presque inéluctable.

Je me rends compte que ce texte donne envie de livrer ce qu'on en a compris, sans doute parce qu'en plongeant dans les affres de la réflexion de son narrateur, l'auteur nous offre ainsi un miroir de nos propres interrogations, retours en arrière, renoncements. A l'image du texte de la Chute de Camus que j'avais ressenti comme adressé directement à moi, cette introspection est construite de façon si habile qu'elle nous renvoie à nos propres monologues intérieurs, à la recherche constante des justifications de nos actes, de nos choix qui est sans doute notre activité mentale principale.

Loin de se limiter aux interrogations sur Auschwitz ou sur sa judéité (très profondes et originales, pour un sujet pourtant abordé à de nombreuses reprises par d'autres), le narrateur-auteur vient questionner son enfance, son rapport à un patriarcat juif incarné dans la pension qu'il a fréquenté, son rapport à son propre père, la construction de son couple pour tenter de comprendre cette décision de ne pas faire naître cet enfant potentiel. Et lorsque la fin survient, on comprend qu'on n'a ainsi pas uniquement voyagé dans le cerveau d'un homme mais bien dans toutes les époques de sa vie, et qu'en moins de deux cent pages on est presque parvenu à la connaissance intime de cet être dont le rapport au monde n'a pu se construire que de façon chaotique, dans la tempête qui a emporté avec lui tout son siècle.
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Ce petit livre est un grand livre.
Je l'avais lu il y a plus de quinze ans, je viens de relire, et je le relirai encore.
Autant que je puisse en juger c'est un des livres majeurs du 20e siècle. Un livre qui creuse la nature humaine, la possibilité même de l'existence de l'humain, et il le fait sans artifice.
Pourtant la phrase est longue, elle avance par approximations, elle tourne autour de l'indicible, et le dit tout de même.
C'est une méditation sur un "non!" Un "non!" qui se répète, comme une scansion du texte, avec des variations qui cherchent le sens et l'absence de sens.
Imre Kertész, comme on sait, fut déporté à Auschwitz à 14 ans, il en a réchappé miraculeusement (comme tous les rescapés) et a poursuivi son existence dans la Hongrie communiste, en développant patiemment une oeuvre qu'il était presque impossible de publier.
Quel sens dès lors donner à l'existence? S'agit-il seulement de prendre acte de l'absurde? le texte oscille entre ces deux bornes, dans une sorte de dépouillement.
Ce qui est singulier chez Kertész, c'est qu'il ne voit pas Auschwitz comme un événement effroyable qui s'empare d'êtres, qui auparavant vivaient une existence ordinaire, humaine. Son expérience d'Auschwitz s'inscrit dans son rapport au monde depuis l'enfance. Et Auschwitz lui-même est un développement de tendances à l'oeuvre dans la société humaine depuis longtemps. C'est extrêmement troublant pour le lecteur, et cela mène à des affirmations parfois très dérangeantes, mais cela nous met face à nous-mêmes sans échappatoire possible. Kertész nous amène à des profondeurs que nous ne soupçonnions pas et c'est pourquoi ce petit livre est pour moi incontournable.
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Il faut attacher sa tuque avec de la broche pour passer à travers ce récit, que j'ai trouvé époustouflant par ailleurs, d'Imre Kertész. le narrateur est un rescapé des camps. Un philosophe, M. Obláth, croisé au cours d'une promenade en forêt, lui demande s'il a des enfants. C'est le point de départ de la tourmente que cela suscite en lui, qui se présente sous la forme d'un long monologue intérieur, lancé d'un bloc et dans l'urgence, tous les temps de la vie de cet homme se trouvant entremêlés, un soliloque sans beaucoup de pauses ni de respirations, d'un ton philosophique et existentiel, fait d'arguments, de retours, de redites qui risquent à tout moment d'égarer le lecteur, avec en toile de fond : la difficulté, voire l'impossibilité, de survivre à la survie, de survivre au retour des camps de la mort. Ce qui ressort particulièrement dans ce texte, qui n'est ni un roman ni un récit autobiographique, c'est le travail de la langue, où tout de l'expérience des camps s'y trouve imbriqué, mais de façon implicite, car le narrateur évoque son expérience plus qu'il ne la raconte, à travers l'échec de son mariage, l'écriture étant au service de la mise à distance. Définitivement un texte à relire, pour mieux en saisir toutes les nuances. J'en sors essoufflée, dans l'envie tout de même de continuer à découvrir ce grand écrivain.
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Pour lire ce livre il faut impérativement savoir que l'auteur Imre Kertesz, Juif hongrois, a été déporté à 15 ans à Auschwitz.

J'ai acheté en même temps "Etre sans destin" qui raconte (a priori) cet épisode.
"Kaddish" est une oeuvre de fin de vie de l'auteur. Ce n'est pas un roman, on est entre le récit, le témoignage, les réflexions philosophiques autour de cet enfant qu'il refuse d'avoir à cause d'Auschwitz. Peut-être aurais-je dû commencer par "Etre sans destin" pour apprécier davantage "Kaddish..."?

L'auteur y livre ici ses réflexions sur le couple, la paternité, la création littéraire, ses souvenirs d'écolier, le tout s'entremêlant sans peut-être de logique (on n'est pas dans un récit linéaire). On sent en fait une espèce de sentiment d'urgence dans ce texte. Urgence à s'expliquer ? à se comprendre ? On sent une vie de survivant, oppressante. On ferme le livre avec un sentiment profond de tristesse...
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Ecrire, écrire encore et toujours comme une nécessité absolue, fouailler sans fin au fond d'une souffrance sans rémission, écrire donc comme on prie, sans espoir de salut pourtant...
J'ai voulu retrouver Imré Kerzetz après "Etre sans destin" pour comprendre ce qu'après ce témoignage terrible il avait à dire encore : rarement lecture aura été aussi dure. C'est essentiellement la douleur au-delà des mots que j'ai ressentie dans cette litanie pénétrante, qui évoque l'enfance déjà terrible avant l'expérience indicible d'Auschwitz à quinze ans, l'épouse qui ne peut comprendre, et s'adresse à l'enfant qu'il a refusé d'avoir, son "inexistence considérée comme la liquidation radicale et nécessaire de mon existence".
Un texte terrible et courageux.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Auschwitz, dis-je à ma femme, m'est apparu par la suite comme une exacerbation des vertus qu'on m'inculquait depuis ma prime jeunesse. Oui, c'est alors, durant mon enfance, durant mon éducation qu'a commencé mon impardonnable anéantissement, ma survie jamais survécue, dis-je à ma femme. J'ai pris une part modeste et pas toujours très efficace au complot silencieux ourdi contre ma vie, dis-je à ma femme. Auschwitz, dis-je à ma femme, représente pour moi l'image du père, oui, le père et Auschwitz éveillent en moi les mêmes échos, dis-je à ma femme. Et s'il est vrai que Dieu est un père sublimé, alors Dieu s'est révélé à moi sous la forme d'Auschwitz, dis-je à ma femme.
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Je me souviens que je souffrais beaucoup à cause d'une sensation, qu'en vérité je pourrais appeler une maladie et que pour mon propre usage j'avais nommée "sentiment d'altérité". Depuis ma plus tendre enfance, je connais bien cette sensation qui ne me quitte jamais, mais alors elle me hantait de façon dangereuse, m'empêchait de travailler le jour, de dormir la nuit, j'étais à la fois tendu à l'extrême et abattu jusqu'à l'impuissance. C'est une maladie nerveuse bien fondée, nullement imaginaire, moi du moins je crois que dans le fond, elle s'appuie sur la réalité, sur la réalité de notre condition humaine. En général ça commence par une impression d'étonnement, d'autres fois en revanche, surtout à cette époque-là, par l'impression extrêmement violente que ma vie ne pend qu'à un fil, mais pas au sens où je vais vivre ou mourir, il n'est pas question de la mort, il n'est justement et exclusivement question que de la vie, sauf que celle-ci fait soudain apparaître en moi l'image et la forme, plus précisément, l'absence de forme de l'incertitude la plus totale, si bien que je ne suis pas sûr du tout de sa réalité, oui, je suis plein de doutes envers ce que mes sens présentent comme réel mais qui est très douteux, en somme, je me méfie de l'existence réelle de mon environnement et de moi-même, et je suis relié à cette existence, comme je l'ai déjà dit, par ce genre d'expériences, que je devrais peut-être plutôt nommer crises, donc au cours de ces expériences semblables à des crises, je ne suis relié à la vie, celle de mon environnement et la mienne, que par un fil, et ce fil c'est seulement ma raison, rien d'autre. Or ma raison est non seulement encline à l'erreur, le moins que je puisse dire est que ce n'est pas un instrument, ou comment dire, un organe des sens parfait, mais de surcroît elle fonctionne la plupart du temps péniblement, par à-coups, confusément, et parfois à peine.
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Et finalement, je n'eus plus besoin de cette définition, tout simplement parce que je m'étais fait à cette idée, je veux dire à l'idée de ma judéité, tout comme j'ai fini par me faire aux autres pensées désagréables et surtout pas très compréhensibles, lentement, une par une, concluant une paix crépusculaire, en sachant bien que ces pensées désagréables et surtout peu compréhensibles disparaîtront quand, moi-même, je disparaîtrai, mais en attendant, ces pensées sont parfaitement utilisables et parmi elles se trouve, dans le peloton de tête, celle de ma judéité, bien sûr uniquement en tant qu'état de fait désagréable et pas très compréhensible qui peut représenter de temps en temps un danger de mort relatif, mais bon, pour moi du moins (et j'espère, j'en suis même sûr, que tout le monde n'est pas de mon avis, loin de là, je crois qu'il se trouvera des gens qui m'en voudront, j'espère même franchement qu'ils me détesteront, surtout les juifs et les non-juifs philosémites et antisémites), pour moi donc, c'est justement là que réside son utilité, je ne peux l'utiliser que de cette façon, jamais autrement : comme un état de fait désagréable et pas très compréhensible, de surcroît parfois dangereux que, peut-être rien que pour le danger qu'il peut représenter, nous devons essayer d'aimer comme nous le pouvons,...
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Elle dit que je l'avais terrassée avec mon esprit, puis que j'avais éveillé en elle la compassion et qu'après avoir éveillé sa compassion, je l'avais transformée en auditrice, en auditrice de mon enfance terrible et de mes histoires abominables et quand elle avait voulu devenir partie prenante de mes histoires pour me sortir de l'impasse qu'elles représentaient, de ce bourbier, de cette vase, et me conduire vers elle, vers son amour, pour qu'ensuite nous sortions ensemble de ce marais et le laissions pour toujours derrière nous comme le mauvais souvenir d'une maladie : alors j'avais soudain lâché sa main (c'est ainsi que s'exprima ma femme) et j'avais pris mes jambes à mon cou pour retourner dans le marais, et elle n'avait plus la force, dit ma femme, de me suivre une deuxième fois, et qui sait combien de fois encore, pour me ressortir de là. Car il semblait, dit ma femme, que je ne voulais même pas me dégager de là, à l'évidence, il n'existait pas pour moi de chemin menant hors de ma terrible enfance et de mes histoires abominables, quoi qu'elle fît, dit ma femme, et même si elle sacrifiait sa vie pour moi, elle savait, elle voyait qu'elle le ferait pour rien, en vain. Quand nous étions tombés l'un sur l'autre (ma femme employa ce mot), il lui avait semblé que je lui apprenais à vivre, ensuite elle avait vu avec horreur quelle force destructrice il y avait en moi et qu'à mes côtés ce n'était pas la vie qui l'attendait, mais la destruction. La conscience morbide, dit ma femme, voilà la cause, c'était une conscience morbide et empoisonnée, répétait-elle encore et encore, empoisonnée pour toujours, une conscience nocive et contagieuse que, dit ma femme, il faut faire disparaître, oui, dit ma femme, il faut s'en libérer, s'en détacher si on veut vivre et elle avait décidé, répéta-t-elle, qu'elle voulait vivre.
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et je suis toujours là, bien que je ne sache pas pourquoi, par hasard, de la même façon que je suis né, je ne suis pas plus complice de ma survie que de ma venue au monde, bon d'accord, la survie recèle un tout petit peu plus de honte, surtout si on a fait tout son possible pour survivre : mais c'est tout, rien de plus, je n'ai pas pu donner dans l'apitoiement général de la survie et la démagogie bravache, mon dieu ! on est de toute façon un peu coupable, c'est tout, j'ai survécu donc je suis, pensais-je, non, je ne pensais rien, simplement j'étais, tout simplement comme un survivant...
...qui ne sent pas la nécessité de justifier sa survie, d'assigner un but à sa survie, oui, de transformer sa survie en un triomphe...
...réel, le seul possible qui serait -aurait été-, la survie prolongée et multipliée de cette existence, et donc de la mienne dans mes descendants, de mon descendant, en toi, non, je n'y pensais pas, je ne pensais pas devoir y penser, jusqu'à ce que cela me tombe dessus, une nuit,
et que la question se dresse devant moi...
...La question, oui, aurais-tu été une petite fille aux yeux sombres ? le nez couvert de pâles taches de rousseur ? ou bien un garçon têtu ? avec des yeux joyeux et durs comme des cailloux gris-bleu ? oui, ma vie considérée comme possibilité de ton existence, ou tout simplement considérée, sévèrement, tristement, sans colère ni espoir, comme on considère un objet."
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« Être sans destin », de Imre Kertész, c'est à lire en poche chez Babel.
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