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Leçons de Ténèbres scripturales

Imre Kertész est un écrivain du "clair-obscur" ; un "être sans destin" qui fit du témoignage la clef de voûte de son existence ; un juif hongrois déporté en 1944 à Auschwitz, à l'âge de 15 ans, et rescapé de cette horreur sans nom en 1945, lorsqu'il fut libéré du camp de Buchenwald.

Dans "Liquidation", le personnage principal (l'écrivain B.) se suicide et il semble que par ce biais, ce soit Kertész lui-même qui se "tue" par procuration sur le papier, comme pour s'extraire d'une existence impossible à porter. Dans une Hongrie désabusée par tous les conflits passés, ce livre retrace une longue (en)quête métaphysique que vont mener les amis de l'écrivain disparu : sorte de fantôme dont la mémoire plane ainsi qu'un nuage noir dans un ciel trop bleu et dont la "liquidation" hante chacun de ses proches jusqu'au vertige. Ils trouveront chez ce dernier divers documents, dont un manuscrit inachevé. Mais la clef de l'énigme, à savoir la raison de ce suicide, leur demeurera introuvable, à la manière de la "lettre volée" d'Edgar Allan Poe. Parfois, ce qui nous aveugle le plus est là, sous nos yeux. Et quand cela est de l'ordre de l'incompréhensible et de l'insoutenable, nos paupières sont cousues. Avec ce livre, l'auteur de "Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas" nous dit des choses essentielles sur la condition humaine, sur ce si difficile labeur qu'est bien souvent "le métier de vivre".

S'aventurer dans l'oeuvre d'Imre Kertész, c'est sentir ce qu'on prenait pour de la terre ferme se dérober sous ses pas ; c'est glisser dans un puits noir où flottent çà et là quelques rares lumières. C'est se frotter à des "leçons de Ténèbres" scripturales dont on ne ressort pas indemne — et qui vous marquent l'âme au fer rouge.

Et finalement, n'est-ce pas là que réside la grandeur d'une oeuvre, en ce sens qu'elle creuse et remue la terre noire de notre âme pour mieux éclaircir nos propres failles ?

© Thibault Marconnet
le 13 juillet 2013
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Rédiger la chronique pour ce livre est le truc le plus difficile depuis que je suis inscrite sur Babelio ! Je commencerai par son auteur. Imre Kertesz. Quelle langue et quelle écriture ! et quelles constructions que sont ses ouvrages !
Par chance j'ai commencé par lire Etre sans destin, puis sur les conseils très avisés d'un babéliaute, j'ai lu Dossier K.
Enthousiaste, j'ai donc pris tous les romans de Imre et les ai classés par ordre d'écriture qui sera donc mon ordre de lecture. J'en suis, je n'en suis qu'... à Liquidation.
L'entrée en lecture de ce relatif petit livre m'a été difficile, j'ai dû m'y reprendre en 3 ou 4 fois... Puis, j'ai tenu bon (pourquoi, aucune raison apparente, juste le besoin d'aller vers une lecture que je savais difficile).
Je n'en suis pas ressortie, ce qui veut dire que j'ai lu cet ouvrage sans discontinuer donc en une journée (une demi puis le lendemain une demi). Je pense que c'est cette concentration qui rend la lecture compréhensible et donc possible.
Imre est loin du roman, encore plus loin du récit, il déconstruit (on a du roman, du théâtre etc...), on est plus proche d'une réflexion philosophique, sur la relation à l'autre, sur la mémoire, sur la transmission, et sur la survie (ou pas) après Auschwitz. La survie après la non-vie, après la négation de la vie et de l'humain est présente à chaque page, mais Imre y ajoute le sens de l'écriture, le sens d'écrire tout simplement.
Le livre est admirablement construit, l'écriture et la langue sont d'une qualité remarquables, le lecteur n'est pas pris pour un passant d'une galerie commerciale. Imre fait des références littéraires qui personnellement m'ont émue : Thomas Bernhard; Je n'ai pas fini de lire son oeuvre, 5 titres m'attendent encore sur ma grande table, et j'ai hâte.
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Certains juifs hongrois qui sont revenus de l'enfer d' Auschwitz et qui ont rejoint Budapest, ont dû par la suite subir la "chape de plomb" communiste sur une durée de plus de quarante années. On peut aisément comprendre qu'ils leur arrivaient de se poser des questions existentielles.
C'est un peu le sujet de ce livre, du moins tel que je l'ai compris. Un livre "intimiste" avec très peu d'intervenants.Pour moi, insuffisamment développé.
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Je ne pense pas avoir tout compris dans ce roman. On y aborde des thèmes sensibles très liés à L Histoire, à la politique : Auschwitz, la guerre froide, le communisme et le mur de Berlin... Mais aussi de l'histoire personnel : l'amour, les femmes, le bonheur, l'écriture, la quête de soi...
L'écriture est intelligente. Je me suis un peu égarée parfois entre le présent et le rêvé, mais pas sûre que ce soit si important.
Les personnages sont beaux, énigmatiques. Les femmes surtout, à qui on laisse la parole.
Je sais que je n'ai pas dit grand chose sur ce livre, mais c'est vraiment de l'ordre de la sensation, de l'impression. Lisez-le, je ne pense pas que vous perdrez votre temps.
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L'oeuvre d'Imre Kertész est particulièrement enthousiasmante, d'une part parce que l'auteur possède un formidable talent littéraire, d'autre part parce que sa vie fut constamment troublée par les événements qui marquèrent la seconde moitié du vingtième siècle. Dans "Liquidation" Imre Kertész inscrit son récit dans la période post-communiste des années 1990. Une décennie mélangeant l'espoir, l'attente et surtout la désillusion. Omniprésente, elle devient une sorte d'obsession chez les différents personnages : l'écrivain B ou Bé, qui s'est suicidé après la chute du rideau de fer, plongeant ses proches dans la perplexité et l'incompréhension, l'éditeur Keserü qui, dix ans plus tard, cherche à retrouver le dernier manuscrit du roman de Bé, ou encore Judit, femme de Bé puis maîtresse de Keserü, portant le fardeau de la judéité depuis Auschwitz.
On retrouve dans ce court roman les grands thèmes de l'oeuvre de Kertész : ses rapports problématiques avec l'identité juive depuis son expérience terrible des camps de la mort, la confrontation entre la volonté d'une affirmation individuelle et le carcan politique et social des régimes totalitaires, et, enfin, l'enjeu de la fiction littéraire face au réel. Ce dernier point est, à mon avis, la question centrale de ce roman. Imre Kertész réussit magistralement à instaurer le doute chez son lecteur quand la fiction devient réalité, puis que cette réalité s'avère fiction. Si bien que l'on ne sait plus si c'est une réalité fictive ou une fiction réalisée. On touche ici à l'essence même de la littérature. Merci monsieur Kertész !
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L'écrivain B. s'est suicidé. Nous sommes en 1999. Après le suicide de B., et avant que la police ne vienne confisquer tout document dans l'appartement, Kesurű son ami et éditeur, récupère et feuillète un ensemble de manuscrits dont celui d'une pièce de théâtre intitulée Liquidation, comédie en trois actes.

B. (ou Bé) est né dans un baraquement du camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau. Il ne sait pratiquement rien de ses origines. B. est la lettre que les nazis ont tatouée sur sa cuisse quand il était nourrisson. La cuisse, car l'avant-bras n'offrait pas l'espace nécessaire pour inscrire le numéro de matricule.

Kesurű a la certitude que son ami Bé a forcément écrit un roman avant de mourir, et dans lequel il pourrait percer le mystère de son suicide. C'est vers Sara la maîtresse de B. et Judit son ex-femme qu'il se tourne pour retrouver ce roman dont il est persuadé qu'il est caché quelque part.

'Liquidation' est le récit d'un homme qui n'est qu'un « accident industriel » et n'a pas le droit de vivre, pour qui le Mal est le principe de la vie. Sa survie même est un non-sens.

J'ai apprécié le style d'écriture de Kertész, sa réflexion et sa forme littéraire sont intéressantes, forme dans laquelle s'entremêlent le théâtre et une narration analytique d'une certaine représentation d'Auschwitz, la sienne, et sa manière à lui, lucide, détaillée, d'analyser la mémoire. J'ai vraiment hâte de découvrir son oeuvre.
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« Liquidation ». Imre Kertész (127 pages, Actes Sud).
« Liquidation » est un livre assez complexe dans sa construction, et dont le fond comme réflexion philosophique m'a semblé très ardu. En 1999, un éditeur de Budapest cherche désespérément le roman qu'un de ses amis, écrivain aussi génial que marginal, a, selon lui, dû inévitablement écrire avant son suicide dix ans plus tôt, juste après la chute rideau de fer. Car pour l'éditeur, cet ultime roman a signé le sens de son acte radical ; l'écrivain, né à Auschwitz, ayant miraculeusement échappé alors à la mort n'a pu faire autrement que d'écrire cette sorte de testament de la désespérance, fruit du génocide et de la dictature stalinienne. Impossible pour moi de tenter de résumer le livre, d'autant que son architecture se déploie entre 1999, date où l'éditeur nous parle d'une pièce de théâtre écrite par l'auteur avant sa mort, dix ans plus tôt, et 1990, date où l'auteur s'est suicidé… Donc le texte balance entre des extraits de la pièce, l'enquête de l'éditeur auprès des femmes qu'a aimé l'auteur (dont on ne connait que l'initiale, B ou le diminutif, Bé). Dit comme cela, c'est très confus, et Imre Kertész fait tout pour brouiller les pistes entre souvenirs, réalités, supputations. Il y a des ruptures dans le texte qui passe sans prévenir d'une époque à une autre, d'un statut du texte à un autre, d'un locuteur à un autre…Et j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour passer le cap des vingt premières pages, pour finalement adhérer à cette histoire sombre, bouleversante, avec une vraie intrigue, mais qui ne propose guère d'issue. En tous cas, c'était assez fort pour me donner envie de découvrir un autre texte de cet auteur.
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Keserű est en train de lire une pièce de théâtre écrite par B. qui s'est suicidé. Cette pièce de théâtre écrite en 1990 évoque la disparition du système politique stalinien qui, jusqu'alors, dirigeait la Hongrie. B. était un auteur juif né à Auschwitz. Chose étrange, il portait le sinistre tatouage sur la cuisse et non sur l'avant bras, celui-ci étant trop court pour l'écrire en entier.
Keserű a connu B. et pense qu'il a laissé un roman, celui de sa vie. Un roman qu'il a cherché en vain le jour du décès, dans son appartement avant l'arrivée de la police. Un roman qui hante son esprit, éditeur privé et aimerait maintenant le publier.
Une grand partie du livre "Liquidation" est construite autour de cette recherche qui se déroule en 1999. Celle-ci l'amènera à rencontrer les femmes qui ont aimé B.
"Liquidation" est un livre pas toujours facile à lire. On ressent dans toutes les pages la souffrance toujours présente d'Imre Kertész, qui a lui aussi été déporté. Une souffrance et un malaise face également à l'attitude des hongrois antisémites, pendant et après la guerre.
Keserű a été écarté par le pouvoir stalinien de l'entreprise d'édition dans laquelle il travaillait, et emprisonné. Imre Kertész a lui aussi été écarté par le pouvoir hongrois d'un travail de journaliste et du service de presse du Ministère de l'Industrie...on retrouve de nombreuses similitudes entre les parcours professionnels de Keserű, narrateur dans Liquidation et d'Imre Kertész;
"Liquidation" dénonce les conséquences de tous les régimes totalitaires, qu'ils soient nazis ou staliniens, et la solitude, l'insignifiance de tout individu face à ces régimes.
Son approche est parfois difficile. Roman imaginaire, vécu de l'auteur, dénonciation des régimes se mêlent en prenant tantôt la forme de la pièce de théâtre écrite par B, tantôt la forme narrative de Keserű, le narrateur de "Liquidation".
Les deux auteurs, l'un romanesque, l'autre réel ont été des"Êtres sans destin" que d'autres ont tenté d'écraser, en vain. Tous deux, survivants marqués à vie, témoignent face à l'inhumain.

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Livre étrange et beau qui parle de la relation entre un éditeur et un auteur, juif et né à Auschwitz et aussi les personnes entourant cet auteur. Cela ne m'a pas été facile d'entrer dans ce livre mais j'ai été peu à peu séduit pas ce chant singulier qui mêle le romanesque, le vécu et aussi la forme théâtrale.
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Bonjour mes amis!
Enfin, mon ami car je n'en ai qu'un ( lacrimosa en fond).
Je viens aujourd'hui pour commenter Liquidation de... J'arrive pas à l'écrire punaise!
Mon premier contact avec cette pièce, c'était l'année dernière devant un affiche de théâtre.
Ma première réaction a été: "Punaise là! Je vois pas c'qu'y a à écrire liquidation, tout le monde sait qu'on dit "liquéfaction" quand on passe de l'état gazeux à l'état liquide punaise!"
Mais j'ai quand même décidé d'aller la voir parce que c'est booooooooooooooo l'théâtre. J'ai même joué un sapin dans "le canard sauvage" et un autre sapin dans "Passim", deux pièces magnifiques punaise que je vous conseille d'aller voir si possible.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je me suis retrouvé face à une.sorte de quête d'un livre écrit par un certain B. (qu'est qu'c'est qu'ce nom punaise) avant son suicide. Quête sur laquelle plane l'ombre d'Auschwitz et je vois pas c'qu'y a à parler comme un dico punaise!
D'ailleurs, sa mort m'attriste car c'est le seul personnage de l'oeuvre à avoir un nom prononçable. Et j'vois pas c'qu'y a à s'appeler Ksrgjögrã punaise.
Finalement, malgré cette impardonnable erreur dans le titre punaise, le cynisme de l'histoire et la tension sous-jacente m'a donné envie d'acheter le bouquin.
Sa forme m'a aussi pas mal surpris avec son alternance de théâtre et de texte.
"La vie n'est qu'un vaste camp de concentration, se suicider revient à tromper les gardiens".
Que de joie de vivre punaise!
Sur ce, je vapce.
Joyeux Noël.
André.
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