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Critique de jovidalens


C'est vrai que c'est une histoire simple. Et même si on la trouve révoltante, "ça ne changera rien à sa simplicité". C'est ainsi que le locuteur de ce récit présente son histoire.
Simple flic, à la criminelle, il faisait correctement son métier de policier. Quelque peu las "des assassins, des cambrioleurs et de leurs putes", il accepte d'intégrer un nouveau corps "La Corporation", pour le changement, un meilleur salaire et avec en ligne de mire un hypotétique avancement. de fait , il se retrouve embrigadé dans l'armée de tortionnaires que le nouveau régime dictatorial a mis en place, entre un chef, fin politique sans scrupules et un bourreau créatif.
Et c'est là que Imre Kertesz, en phrases simples,décrit le processus par lequel n'importe quel quidam peut être innocemment entraîné et broyé. Ce policier, du moment qu'il avait accepté sa "mutation", ne pouvait plus faire marche arrière. Deux phrases reviennent dans son texte : "au début, on se croît très intelligent et on pense pouvoir maîtriser les événements, et après on veut juste savoir où diable ils nous entraînent." et "c'est la loi de notre métier, le chemin du retour mène toujours vers l'avant". Et c'est sa descentes aux enfers, bon exécutant, qui s'anesthésie par ses maux de tête.
La suite de son récit, c'est celui de la chasse et la curée d'un père et de son fils, chasse à laquelle il a participé comme frappé d'autisme. Il écrit pour comprendre, retrouver la "logique" qu'il avait perdu au moment des faits.
Enrique est un jeune homme plein de rêves, un naïf qui voudrait faire quelque chose, qui souhaite s'engager dans une lutte dont il n'a pas les capacités pour y faire face. C'est bien pour cette raison, que ses condisciples de faculté ne l'intègre pas dans leur action. Et ils ont bien raison. Parce qu'en pire, il écrit et décrit tous ses états d'âme dans son journal. Son père, en essayant de le protéger va précipiter l'un et l'autre vers une mort aussi certaine qu'inutile.

Quand Imre Kertész publie ce court roman son pays subit une dictature et en Amérique du Sud, c'est le même régime militaire de l'Argentine au Chili. de part son histoire personnelle il a vécu dans un camp d'extermination et connait bien, a su décrypter le processus. Comment échapper ? Echapper à l'oeil policier . parce que dès cet oeil se pose sur quelqu'un(e) il est perdu. On ne peut pas. Il faut attendre que le temps s'écoule en sachant qu'un jour cette junte là aussi sera défaite. Ou les combattre. Mais attention, il faut être aguerri.
Sur la description de ce processus, il existe beaucoup de littérature : il faut dire que le vingtième siècle a fourni de "la matière" ! Ici, l'auteur installe le lecteur dans une quotidienneté effroyable et dresse des portraits d'une rare éloquence, comme celui de l'indicateur, "une sangsue capable d'enthousiasme". Inutile d'ajouter des mots pour montrer la cruauté ou la veulerie ou la désespérance . Les personnages se positionnent impulsés par ce qu'ils sont. Ils ne choisissent pas, se laissent plutôt glissé en fonction de leurs pulsions. Ceux qui choisissent : le chef Diaz, le tortionnaire, le Colonel, les Rebelles sont des hommes d'action.
Tout de même, un sacré clin d'oeil d'avoir réussi à publier un roman aussi lucide sur les régimes dictatoriaux sans que la censure existant à l'époque ne s'y oppose.
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