AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lucilou


Montmartre n'est pas qu'une jolie carte postale au charmé rétro blottie contre le flanc protecteur du Sacré-Coeur. Montmartre, c'est aussi des nuits d'ivresse et d'épaisses fumées; des nuits de fêtes que l'on regrette au petit matin quand on titube jusqu'à son logis, des cernes sous les yeux et le coeur au bord des lèvres. C'est dans ce Montmartre-là que Joseph Kessel situe l'intrigue de "La Passante du Sans-Souci". Les années folles s'achèvent et s'étirent en une longue agonie qui les fait ressembler à une vieille courtisane sur le retour. Nous sommes en 1936 et bientôt l'Europe ne dansera plus.
Le narrateur du roman est journaliste et écrivain, familier du Paris nocturne, interlope. Il a ses habitudes dans Montmartre, ses soirées, ses nuits et dans un café un peu miteux, sûrement enfumé: le Sans-Souci. Chaque matin, depuis la vitre de ce dernier, il voit passer cette femme enveloppée dans sa fourrure. Elle semble fuir, en proie à la peur et elle est belle, d'une beauté d'autant plus émouvante que c'est la beauté pleine, mature de ces fleurs sont on sait qu'elles se flétriront bientôt.
Fasciné, le narrateur -dont on ne saura pas grand chose- finit par gagner l'amitié de sa belle inconnue. Elle s'appelle Elsa et elle a fui l'Allemagne son pays natal après que le régime nazi ait arrêté et déporté son époux, opposant au régime. Elle a aussi recueilli Max, un enfant juif, orphelin et martyr de ce nouveau gouvernement.
Elsa n'a qu'un but: sauver son mari mais ce n'est pas si simple et elle n'est pas vraiment armée pour ce combat là qui la désoriente autant qu'il la blesse.
"La Passante du Sans-Souci" c'est autant le récit d'une descente aux Enfers désespérante et désespérée qu'une histoire d'amours. C'est aussi un roman d'un humanisme poignant malgré son pessimisme, un manifeste antifasciste qui aborde la question du nazisme et de sa barbarie. Kessel tire la sonnette d'alarme mais peu l'entendent, c'est le lot des visionnaires...
On pourrait lui reprocher d'être avec La Passante excessif, de donner dans le mélo, d'en faire trop, de tirer sur la corde... On pourrait être agacé par Elsa et trouver Max trop mature pour être honnête. Je conçois tout cela, je l'entends. Mais moi, j'ai adoré. J'ai adoré la langue, le texte de Kessel, la passion de son appel, l'intensité de son désespoir et du destin de sa passante. J'ai été émue, touchée, saisie. Poignardée. Transpercée.



Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}