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Critique de Sachenka


« Les camions n'avançaient guère plus vite que les chameaux des caravanes et l'homme à cheval que le piéton. L'état de la chaussée les obligeait au même pas : on arrivait aux approches du Chibar, seule trouée dans le massif auguste et monstrueux de l'Hindu Kouch […] » Ces mots, qui débutent le roman Les cavaliers, donnent immédiatement l'impression que l'on s'apprête à entrer dans une aventure extraordinaire. Qui n'a jamais rêvé de grimper les hautes montagnes d'Afghanistan? On continue avec des passagers qui doivent quitter leur siège d'autobus pour aider à pousser le véhicule. Typique! Avec une pareille entrée en matière, je savais que j'allais m'embarquer dans un voyage littéraire fantastique et quelle aventure! Je n'ai pas été déçu.

Dans le tumulte d'une place de marché dans les hauts plateaux, Guardi Guedj, un vieux conteur sans âge que tous respectent, lâche un mot : bouzkachi. Il s'agit d'un sport national dans plusieurs pays d'Asie centrale dans lequel une centaine de cavaliers, dans une mêlée générale, doivent s'emparer d'une carcasse de chèvre pour marquer un but. Quand il apprend la nouvelle de la tenue du bouzkachi, le vieil éleveur de chevaux Toursène demande à son fils Ouroz de participer à la compétition en montant Jehol, son pur-sang descendant d'une lignée de chevaux exceptionnels. L'événement lui-même (incluant ses préparatifs) ne dure que quelques chapitres. Ils constituent une belle excursion dans l'univers des Afghans (quoique le pays soit composé de plusieurs ethnies : Pachtouns, Hazaras, etc.), de leur culture et de leurs traditions. C'était un voyage dans le temps et l'espace.

Toutefois, selon moi, le meilleur vient ensuite. Après la compétition, Ouroz, malgré une blessure, insiste pour rentrer à cheval à travers les hauts sommets afghans, seulement accompagné de Mokkhi, son saïs (un palefrenier mais qui sert aussi de serviteur). C'est là, dans les montagnes, que le vrai voyage commence. Les protagonistes y croisent des gitans, ils assistent à un combat de béliers à une halte dans un plateau, au pied des grands Bouddhas de Bamyian, ils tombent sur une caravane sur une crête, s'arrêtent à une auberge au milieu de nulle part, misérable mais sympathique, puis à un cimetière sur une colline, ils se reposent à un hospice dans une vallée entourée de cinq lacs dont l'eau aurait des vertus magiques pour les lépreux. Et les paysages magnifiques! Ce que je donnerais pour y être… Ceci dit, un tel périple n'est pas sans dangers.

Tout cela, ce n'est pas qu'une simple énumération d'événements. Par moment, le récit prend des airs de roman initiatique. Ourouz, fiévreux, blessé à la jambe, une blessure qui refuse de cicatriser et qui s'infecte, vacille entre la vie et la mort. On retrouve le vieux Guardi Guedj. Est-il un être de chair et d'os ou plutôt un fantôme? Dans tous les cas, il prodigue des conseils mystérieux. Leur rencontre, à travers la clarté des flammes pendant la nuit, entre les pierres tombales, fut un moment imprégné d'une telle solennité. Et puis, il y a les relations humaines. Toursène, cet homme fier, orgueilleux mais âgé, aux forces déclinantes, gardien d'une tradition. Son fils Ouroz, entêté, se sachant une déception pour son père. Mokkhi, le serviteur fidèle, se sachant moins que rien, mais qui se met à espérer une situation nouvelle à partir du moment où la gitane Zéré le suit et se dit enamourée de lui. Des individus libres, qui se donnent entièrement.

Et que dire des descriptions! Elles sont si évocatrices, j'arrivais à visualiser les lieux parfaitement. Simplicité et efficacité. Jamais l'auteur Joseph Kessel ne s'éternisait dans des descriptions sans fin, elles s'intégraient bien à l'action qui se renouvelait sans cesse. À croire qu'il a lui-même vécu ce qu'il raconte… le roman Les cavaliers est un défi raisonnable (presque 600 pages dans l'édition de poche). Mais ça en vaut amplement la peine, je ne me suis jamais ennuyé, à aucun moment. C'est une de mes meilleures lectures de l'année! Et, désormais, il occupe une place parmi mes livres préférés.
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