Une lecture bouleversante et interpellante ! Un roman puissant, coup de coeur, coup au coeur !
Daniel Keyes nous raconte l'histoire de Charlie, cobaye idéal, atteint d'un retard mental qui lui donne un QI de 70 et un éternel âge de 6 ans dans un corps de trentenaire. Il est animé d'une volonté de devenir « un téligent » (intelligent). Alors, des scientifiques le dénichent pour un essai qui pourrait être révolutionnaire et le transformer en génie au QI de185 !
C'est ainsi qu'il va se confronter à l'arrivisme et l'ambition de scientifiques qui ne le voient pas comme un être humain mais comme un objet expérimental, surtout un tremplin pour la gloire :
« Nous qui avons travaillé à cette expérience à l'Université Beekman, avons la satisfaction de savoir que nous avons pris une erreur de la nature et que par nos techniques nouvelles, nous en avons fait un être supérieur. »
Oui, vous avez bien lu… « une erreur de la nature »…!
Remarque concernant la suite de cette chronique, pour ceux qui n'ont pas lu ce livre et souhaiteraient le faire, celle-ci divulgue des éléments que je n'aurais pas voulu connaître avant ma lecture, mais je ne peux m'empêcher de poursuivre. À vous de voir ;-)
Charlie, dont « la cécité mentale » formait une carapace le protégeant des ténèbres qui l'entouraient (sa mère, sa soeur, des médecins orgueilleux qui le considèrent comme un animal de laboratoire, ses camarades d'école qui jouent méchamment avec son simplisme lorsqu'il était encore inscrit dans une école normale, ses collègues de la boulangerie) va voir ce bouclier fragilisé par l'éveil de sa conscience et les réminiscences de sa mémoire enfouie sous des couches épaisses de naïveté infantile.
Et puis, un hic : les résultats à long terme sont évidemment inconnus. Algernon, la souris du labo qui a subi la même intervention est toujours en forme et en pleine ascension intellectuelle… pour toujours, ou va-t-il y avoir régression ?
Daniel Keyes nous interpelle avec cette sublime fable. En simplifiant et résumant à l'extrême, voici la réflexion principale qu'il suscite : vaut-il mieux rester innocent, candide et heureux, qu'intelligent, lucide, isolé et malheureux ?
Car, depuis que Charlie développe des capacités intellectuelles hors du commun pendant que son évolution émotionnelle ne suit pas le même rythme, il fait peur, son entourage prend ses distances, le trouve arrogant, asocial, sans filtre.
Et il souffre, surtout quand il prend conscience que ses amitiés n'en étaient pas, qu'il s'agissait de condescendance, moquerie et dédain, que sa mère qui était dans le déni, extrêmement dure avec lui, s'est ensuite détournée complètement lorsqu'elle a intégré l'irréversibilité du retard mental de son fils.
L'âpreté du récit est heureusement tempérée par de belles rencontres bienveillantes avec des personnes soucieuses du bien-être de Charlie.
Comme j'ai été touchée par l'innocence puis la lucidité de Charlie, par sa gentillesse puis sa colère, par son bonheur de pouvoir apprendre et retenir puis par son désarroi !
C'est du cinq étoiles sans hésiter, car je suis sûre et certaine que je me souviendrai de cette lecture et des émotions suscitées pendant des années.