De
Yasmina Khadra, j'aime les récits ancrés dans son algérie natale, ou dans les régions périphériques, teintées d'Islam et nous montrant la dure réalité. La lutte. Les rancoeurs. Ces récits m'interpellent à chaque fois.
Quand je me saisis d'un roman sur Cuba écrit par
Yasmina Khadra... je me fais un cinéma... je m'invente une fresque sociale, dure. J'adore le Buena Vista Social Club, et tous ces orchestres cubains incroyables qui font chanter la vie même si elle est noire et désespérée.
Et j'obtiens une histoire d'amour, mièvre, cuite et recuite, où l'auteur n'arrive pas à nous faire partager la passion des protagonistes... Avec des rebondissements prévisibles, un fil rouge rocambolesque. Presque 300 pages d'aphorismes et de bons mots façon Khadra (je lui reconnais un talent pour alimenter le compteur des citations). Mais à aucun moment je n'ai eu la musique cubaine, le soleil cubain, l'indolence insulaire, le balancement de la vie sous Fidel en tête.
Mais je n'ai pas tremblé une seconde. Pas frémi. Je ne me suis pas emballé. le récit est froid... Et cela tient (à mon avis) à l'approche en "je" choisie par l'auteur, à partir de ce personnage qui pourrait être truculent, rabelaisien, de Don Fuego, chanteur au chômage qui vit à travers le regard des autres (surtout des touristes). Car finalement, tout ce que nous savons, c'est de lui que nous le tenons.
Yasmina Khadra nous dit les chose, il ne nous les fait pas comprendre ni ressentir. Par exemple, page 211, la première phrase du chapitre (où Juan et Mayensi consomment leur amour) est quelque chose comme "Ce fut une nuit inoubliable". Point à la ligne. Et alors????? Une des règles en écriture est de donner à voir, de donner à ressentir. Pas nous dire "Juan était content", mais nous montrer par des éléments que Juan est content. Khadra balaie ce genre de choses et nous offre des platitudes. Je le redis, le recours au récit en "je" y est pour beaucoup. J'ai le sentiment que c'est une mauvaise option.
Dieu apparaît plus précisément vers la page 200 (sur 289), et le récit s'emballe un peu par la suite. On a perdu 200 pages de rien (ou presque) pour arriver à ce qui pourrait ressembler à une ombre d'ébauche de prémisses de critique sociale. C'est le Khadra que j'aime. Celui de la réception où Castro se pointe et où toute la Nomenklatura se pointe. Mais cela ne dure que l'espace d'un instant. Il y avait la place pour un vrai roman social. Ou un truc vraiment déjanté (à la Irving). Nous n'avons rien de tout cela.
Sans doute que le problème est en moi (en partie)... ne reconnaître à
Yasmina Khadra que le droit d'écrire sur la chose musulmane, sur ses pairs, sur les luttes armées, les guerres d'indépendance des pays du Maghreb... c'est très réducteur. Je l'admets.
Mais il se peut tout aussi bien que, une fois sorti de sa sphère,
Yasmina Khadra redevienne un auteur "comme les autres", avec ses bons et ses mauvais romans. Et celui-ci est plutôt du second type.