A aucun moment il ne m'a été possible de rentrer dans cette histoire. Cela commençait bien : une jeune fille élevée dans l'atmosphère étouffante que maintiennent trois tantes dans une maison de famille, au sein d'une Syrie qui commence à s'ouvrir au monde. Les trois tantes se positionnent de façon très éclatée par rapport au reste du monde et au reste de la famille. La jeune fille voit ses camarades de lycée évoluer dans des directions opposées, entre un résolu modernisme et la tentation de l'intégrisme. C'est cette voie qu'elle choisit, on ne comprend pas par quel cheminement intime elle fait ce choix ni comment du jour au lendemain elle se retrouve militante acharnée d'une cause qui la dépasse, mais on en sait pas quelle cause, entre l'appel de la religion ou les bouleversements qui secouent le pays. Ces bouleversements vont frapper toute la famille : parents, oncles et tantes, frères, serviteurs, vont se retrouver pris dans le mouvements sans que l'on comprenne comment ni pourquoi, d'autant plus qu'à aucun moment l'auteur ne donne le moindre élément de contexte ou le moindre repère historique qui permettrait de situer les évènements.
La seule chose que l'on comprend à peu près, c'est que l'héroïne déteste tout le monde, mais on ne sait pas pourquoi.
Dès lors ce ne sont plus, dans un style très dense et très confus, que descriptions de luttes, d'émeutes, d'actes de terrorisme où le lecteur ne perçoit même pas qui sont les méchants et qui sont les gentils - peut-être d'ailleurs n'y a-t-il ni l'un ni l'autre. Les gardiens de prisons, les militaires et les policiers sont tous plus cruels et sanglants les uns que les autres, hommes d'affaires et personnages vaguements politiques se croisent sans que l'on discerne qui fait quoi, et que devient la famille de l'héroïne.
L'héroïne d'ailleurs finit en prison elle aussi, mais le lecteur ne sait rien des actes qui lui sont réellement reprochés, de la peine à laquelle elle est condamnée, des conditions de sa libération. Pendant ce temps, elle continue à détester la terre entière et ne se prive pas de le dire.
Bref, beaucoup de peine à aller au bout de cette lecture frustrante où je n'ai trouvé que quelques descriptions mentholées de séances de hammam pour souffler un peu.
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J'étais seule, les pieds posés sur la margelle du bassin, je savourais la douce brise de septembre. Je sirotais un jus de fruits tout en préparant la rentrée scolaire et ma vengeance sur celles qui me faisaient sentir que j'étais banale et inapte à profiter des plaisirs de la vie. Les gouttelettes d'eau qui giclaient de la fontaine chatouillaient mes orteils. J'avais besoin de la haine pour arriver à l'amour, pour laisser derrière moi toute la cendre, le brouillard des choses et des visages. (p.92)
Oui, ce lieu possédait une âme, que j'allais longtemps chercher à reconstituer, ballottée entre Mariam, de plus en plus austère et silencieuse, et Safâ' et Marwa, qui conspiraient pour me sauver et me ramener vers la lignée ds femmes qui assument joyeusement leur féminité. Moi, j'avais l'impression que mon corps était une cave obscure, humide, où les araignées tissaient leurs toiles dans des relents de putréfaction. J'attendais le jour du hammam avec impatience. (p.40)
Je lui avais dit alors que le takfirisme, sentence jetant l'anathème sur ceux qui ne pensent pas comme nous, de plus en plus répandu dans le monde musulman, était la cause de notre désastre.
Comme il est dur de constater que tu es vide, que ton ombre pèse sur la terre, que l'air qui t'entoure est âcre et que tes rêves se noient. (p.121)
Je considérais le fait d'être débarrassée de ceux que j'aimais comme un nécessaire dessèchement qui me rendrait plus forte. (p.104)
Payot - Marque Page - Khaled Khalifa - La mort est une corvée