Chez nous, il n’y a presque rien à manger. Depuis l’embargo nous n’avons plus vraiment le choix. On ne fait que manger des aubergines. Les jeunes Irakiens ont trouvé un nouveau surnom à notre pays : “la République des Aubergines”. Toute l’année on se nourrit exclusivement de ce légume. Ma femme tente à chaque fois de créer des nouveaux plats à base d’aubergines : boulettes d’aubergines, soupe d’aubergines, aubergines vapeur, grillées ou sautées. Même la peau des aubergines, elle en fait des chips. Elle surnomme les aubergines “reines de la cuisine” ou “stars de la poêle”.
L'histoire n'est pas linéaire, c'est une suite aléatoire et vicieuse d’événements agréables et insupportables.
"_ Tu as vraiment vu le portrait de Saddam dans la lune, en 1991, lorsque la guerre a éclaté ?
_ Oui, je le jure sur le Prophète et sur le Coran. De mes deux yeux qui ne vont plus tarder à se faire déloger de leur orbite par une armée de fourmis dans la tombe. Dieu est mon témoin. Le ciel était rouge, presque brun, et Saddam souriait dans la lune argentée, autour de son visage une auréole de lumière. Tel un saint, un sage prophète."
Depuis l'embargo nous n'avons plus vraiment le choix. On ne fait que manger des aubergines. Les jeunes Irakiens ont trouvé un nouveau surnom à notre pays : "la République des aubergines". Toute l'année on se nourrit exclusivement de ce légume.
La légitimité de notre histoire réside sûrement dans le fait qu'elle n'est ni légitime ni illégitime. Elle n'est qu'une histoire mésopotamienne
Trois vieilles dames en robe et voile noirs traditionnels d'Irak sont assises dans le passage. La première vend des cigarettes, des graines de tournesol et des chewing-gums, la seconde des montres et des bracelets, et la dernière des sandales en plastique. Cette vision du centre d'Amman me remplit de tristesse. Je me demande comment je réagirais si une de ces femmes était ma mère, ma femme ou ma soeur. Nous Irakiens, n'avons vraiment pas mérité de mener une vie aussi misérable sur cette Terre. Je te maudis, Saddam, pour tous tes crimes ! Et je te maudis, Amérique, pour toutes les guerres et pour cet éternel embargo économique qui a fait de nous des esclaves. (p.64)
Chez vous, c'est la merde et chez nous aussi. Ici, on nous pisse dessus et vous, on vous chie dessus. Nous nageons tous les deux dans les excréments puants de la politique pestilentielle. Bref, on vit tous à une époque de merde. (p.70)
La légitimité de notre histoire réside sûrement dans le fait qu'elle n'est ni légitime ni illégitime. Elle n'est qu'une histoire mésopotamienne... (p.133)
La précipitation est l'oeuvre du diable
Atteindre un haut degré d'indifférence et prendre les choses comme elles viennent. Dans l'absence de réflexion, l'indifférence et la facilité, on peut aussi trouver son espace de liberté