Lecture janvier 2019- Emprunt à la médiathèque..
"J'ignore si ces pages deviendront un livre, si mes conversations avec Mie sont utiles pour le déroulement de l'action et si je n'ai pas intérêt à mieux raconter le village maternel, préciser qu'à part les veuves et les chèvres qui dévoraient tout ce qui tombait sous leurs maxillaires, il y avait le poète enterré dans l'excavation d'un rocher qui surplombe le village .
Khalil Gibran, auteur du fameux -Prophète- best-seller en Amérique, était revenu se faire enterrer dans le bois où il jouait enfant. (p. 13)"
Récit autobiographique de cette auteure libanaise , née dans le même village qu'un autre poète,
Khalil Gibran !...Récit très personnel qui fait comme une suite à un autre texte publié en 1998, "
Une Maison au bord des larmes", que j'ai lu il y a très longtemps... le souvenir d'un récit plein de douleur et de chagrins: le frère bien-aimé, enfermé dans un asile; une figure paternelle très âpre et violente...et une Mère-courage qui se bat contre l'adversité, impuissante à aider son fils poète, trop différente et maltraité par le père ....
Dans "Cette maison aux
orties", Vénus Khouy-Ghata donne rendez-vos avec son enfance, sa jeunesse, sa famille, son village...dialogue sans cesse avec ses morts... sa mère, son frère, ses amis... l'omniprésence des images de guerre...
Magnifiquement écrit... mais que de chagrins, de cicatrices impossibles à guérir !
L'auteure nous raconte aussi ses amitiés, ses rencontres avec ses pairs, d'autres poètes, écrivains, comme de beaux portraits d'
Alain Bosquet, Guillevic... et des lignes très denses sur sa passion des mots, de l'écriture qui l'ont construite, aidée à vivre, fait dépasser les peines infinies apportées par le destin !!
"Les bras chargés de mon Olympia vieille de plusieurs décennies (...) Olympia posée à mes pieds, je signe puis rebrousse chemin vers chez moi. Je continuerai à écrire, même si je n'ai qu'un seul lecteur au monde.
Je ne peux pas me passer des mots, ils sont ce que je connais le mieux dans ce monde. D'un commerce agréable , ils se laissent faire par ma plume, arrivent à exprimer deux avis contraires si l'envie m'en prend , me suivent au doigt et à l'oeil. Une cohabitation vieille de quatre décennies m'a appris à les reconnaître même déguisés sous une autre langue que la mienne. Je connais leur forme, leur couleur, leur odeur." (p. 64)
© Soazic Boucard- Janvier 2019