Voilà un roman de la chair, celle qu'on cache des regards, celle qui se fend puis enfante, celle qu'on moque, frappe, mutile, blasphème tout en étant sans valeur humaine.
Abandonnée par son amant, son chat mort, une femme part au fin fond du monde dans ce village perdu entre désert et montagne, pensant porter secours à un pays en guerre, mais découvrant un peuple aux moeurs médiévales. Les femmes n'y ont absolument aucun droit, ni celui de se plaindre, ni celui de quitter seules le village, et encore moins celui de se faire violer. Noor, mère de trois garçons, est condamnée à la lapidation mais le sol est trop sec pour qu'on puisse envisager de l'enterrer tout de suite; la lapidation est remise aux premières pluies, qui n'arrivent pas, laissant le village sans culture affamé.
Bien que l'étrangère, membre d'une organisation de volontaires, décide de la défendre auprès des autorités pour que Noor, enceinte suite au viol, ne soit pas lapidée, Noor ne revendique rien; elle se soumet sans révolte à l'autorité des hommes, c'est ainsi que ça se passe. L'étrangère se lie ainsi d'amitié avec elle ainsi qu'avec Amina, vieille fille au bon coeur qui s'inquiète elle aussi pour Noor, allant à sa recherche au delà des montagnes lorsque celle-ci décide de retrouver cet amant d'un jour.
L'étrangère, refusant l'illettrisme des enfants, le statut des femmes dans le village, les exécutions arbitraires, s'attaquera aux moeurs de ce monde mais la machine est bien trop rodée pour qu'elle puisse modifier quoi que ce soit et c'est impuissante qu'elle assistera à la barbarie.
Vénus Khoury-Ghata est d'origine libanaise et a surtout été récompensée pour sa poésie, qu'on retrouve dans ce roman envoûtant, oriental dans son style, mais violent, bouleversant. Il laisse en suspens beaucoup de questions et révèle la complexité qu'il y a à vouloir changer une culture que l'on estime - et est - barbare. L'auteur ne juge pas, ne donne pas de solutions, elle dit, tout simplement. C'est éprouvant, bouleversant. Et pourtant, la naïveté, l'ignorance de Noor et d'Amina sont source de joie et de légèreté.