Ces souvenirs de Khrouchtchev sont une pépite que j'ai eu le plaisir de trouver dans une boîte à livres.
Les presque 500 pages reviennent sur l'ensemble de la carrière politique du petit mineur du Dombass devenu, échelon après échelon, l'homme probablement le plus puissant de la planète. C'est un homme intelligent, lucide, simple mais calculateur, pétri de convictions qui raconte son parcours, ses rencontres, ses voyages, ses anecdotes. A travers son parcours c'est toute l'histoire moderne du monde qui est dépeinte du point de vue communiste marxiste-léniniste, stalinien repenti, qui est le sien. Car l'homme a eu la lourde de tâche de faire oublier Staline, après sa mort et une fois qu'il n'était plus possible de passer sous silence les exactions de l'autocrate géorgien.
D'ailleurs, la mort de ce dernier, tout sa fin de vie et ses craintes sont racontées sans trop de fard et j'ai pour ma part appris énormément. Les différents épisodes historiques, de la seconde guerre mondiale à la crise des missiles de Cuba sont présentés avec ce qui ressemble fortement à de l'honnêteté, remise bien évidemment en contexte (et corrigée, amendée, pondérée...) par des introductions et notes de bas de pages (plus quelques annexes) plus que bienvenues de la part des auteurs / traducteurs qui ont remis en forme les enregistrements audio du vieil homme sorti du pouvoir par une énième intrigue de palais...
La sensation d'écouter un grand-père, témoin et acteur de grands moments de l'Histoire, ne m'a pas quittée durant les longs mois qu'a duré cette lecture. Un grand-père un peu spécial, avec des idées bien arrêtées que nous pouvons ne pas partager, mais qui sont un point de vue intéressant, sinon nécessaire, à mettre en parallèle avec notre enseignement et notre culture occidentale.
Un livre passionnant, richement illustré de surcroît, que je recommande à tous ceux que l'histoire moderne intéresse.
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Anecdotes et censure s'entre mêlent aux lignes d'une biographie à l'un des piliers de ce Politburo, qui, des années durant su avec talent et professionnalisme appliquer une politique de fer dans un gant, parfois de velours mais aussi d'airain.
A lire par curiosité, tout en ne se contentant pas de ce beau chant de sirènes.
D'autres courants ont offerts d'autres regards, tout aussi intéressant par une plus grande impartialité de ces réalités vécues.
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Certaines déclarations de Mao me choquaient [...] Je me souviens qu'il me demanda un jour: ''Camarade Khrouchtchev, que pensez vous de notre slogan ''Laissons fleurir cent fleurs'' ?'' Nous avions fait exprès de ne rien publier dans notre presse au sujet de ces cent fleurs. Mao n'était pas idiot: il avait compris que notre silence signifiait notre désaccord.
Les américains avaient mis l'embargo sur le pétrole qu'ils fournissaient aux cubains et qui constituait leur principale source d'énergie, ce qui obligeait ces derniers à se tourner vers nous pour demander une aide. La vie sur l'île était menacée de paralysie, et il fallait de toute urgence organiser une livraison massive de pétrole. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire! Comme nous n'avions pas assez de pétroliers capables de traverser l'océan, nous dûmes en commander de nouveaux à l'Italie, malgré l'effort considérable fourni par notre propre flotte. Les italiens, pour avoir accepté de nous vendre ces bâtiments, essuyèrent la colère des américains qui les accusèrent d'avoir trahi la solidarité capitaliste.
Mais toute cette histoire montra qu'un pays capitaliste, chaque fois qu'il avait l'occasion de gagner quelques sous en commerçant avec un pays communiste, se moquait bien de la solidarité économique.
Quand nous nous sommes lancés dans la construction du métro de Moscou, nous n'avions que l'idée la plus vague du travail que nous entreprenions. Nous avions beaucoup de naïveté. Nous pensions au métro comme à quelque chose de surnaturel. Je crois qu'il est plus facile, aujourd'hui de projeter des voyages dans l'espace qu'il ne l'était, pour nous, dans les années trente, de construire le métro.