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Jean-Jacques Gateau (Traducteur)Knud Ferlov (Traducteur)
EAN : 9782070324774
251 pages
Gallimard (25/05/1988)
3.7/5   133 notes
Résumé :
Il y a cent soixante-quinze ans naissait Sören Kierkegaard (1813-1855). Le "père de l'existentialisme" a eu une vie brève et a écrit ses œuvres les plus importantes dans un laps de temps de quelques années. Le Traité du désespoir, publié en 1849, est à la fois le dernier de ses livres fondamentaux et la synthèse de tous les thèmes majeurs de son œuvre.
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Kierkegaard, un philosophe bien méconnu relativement à l'influence qu'il a eu sur toute la pensée moderne, et notamment sur tous ceux qui se sont réclamés du mouvement existentialiste, et pour cause, il en est le principal fondateur. Pour comprendre au mieux lesdits existentialistes, il m'a semblé nécessaire de retourner à la racine de leur mouvement, de retourner à la base de cette pensée, cette racine, cette base, c'est la philosophie de Kierkegaard.


Le désespoir est partout. Voilà ce que l'auteur nous assène très rapidement après avoir débuté cette lecture. Nous sommes tous des désespérés, certains s'ignorent, d'autres croient l'être mais pas pour les bonnes raisons, et les derniers - dont l'auteur fait évidemment partie, on n'érige pas un concept sans s'octroyer son sommet - ont conscience, et de l'être, et des raisons de ce désespoir.
Ce désespoir, concrètement, quel est-il ? Il se traduit en différentes attitudes face à son constat, voire à son non-constat pour ceux qui glanent le titre de "désespérés qui s'ignorent", il y a le désespéré de la nécessité, le désespéré du possible, le désespéré de l'infini, le désespéré du fini, le désespéré conscient de son désespoir, le désespéré non conscient... Autant de théories qui finissent toutes de la même manière : on n'échappe pas au désespoir, l'unique porte de sortie face à lui est que l'on se trouve tous face à Dieu. Que l'homme en augmentant la conscience de son moi, se doit de plonger dans la conscience de son Créateur, et c'est cette conscience du moi exponentielle qui permet d'accéder au stade religieux, la plus haute conscience de l'existence - et dominant le stade éthique qui domine lui-même le stade esthétique. Attention, ce n'est pas pour autant que l'on n'est plus désespéré, on le reste, mais au moins, ce désespoir n'est pas vain !
Kierkegaard définit ainsi l'un des nombreux désespoirs auxquels nous somme tous confronté : être prisonnier de son être pour l'éternité - sa philosophie reste basée sur la chrétienté -, je désespère de ne pas avoir la capacité à obtenir ce qui me permettrait de faire un pas de plus vers le bonheur, en tant que je suis prisonnier de mon être, de cet être qui n'arrive pas à saisir ce que je désire, je ne satisferai jamais ce désir, donc je désespère, en l'occurrence, je désespère face à l'éternité. Pour illustrer plus clairement la chose : je désespère de ne pas être César, qui n'est pas César ? Mon être. Qui me conditionne, me nécessite ? Mon être. Qui ne deviendra jamais César ? Mon être. de qui je ne parviendrai jamais à m'arracher ? de mon être. Je désespère.
C'est une pensée réellement fondatrice, je ne vous en ai bien sûr exposé qu'une infime partie, étant moi-même très modeste quant à ma connaissance de sa totalité.
Passons à la forme : d'abord, Kierkegaard se veut être le penseur de l'individualité face à la totalité (cf. la citation que j'ai ajoutée sur le penseur qui n'habite pas le palais qu'il érige), en ce sens il s'oppose à Hegel et à sa pensée systématique, et ce n'est pas une déduction implicite que l'on a tirée de son oeuvre, c'est bien lui qui se revendique ainsi. Cette lutte contre la dictature de la totalité se ressent un peu dans son ouvrage, celui-ci semble un peu brouillon, le plan n'apparaît pas clairement défini, il est constitué de "livres" divisés en chapitre parfois eux-même divisés en sous-parties - A) ; B) - auxquelles ils arrivent encore d'être divisées en "sous-sous-parties" - a) ; b) - et qui subissent quelques fois là encore une division - 1° ; 2° . Autant dire que ça paraît flou et l'on s'y perd facilement si l'on veut prendre en notes ce que l'on retire de chaque constitutifs du grand tout qu'est l'ouvrage. Pour autant, et c'est là l'une des grandes qualités de Kierkegaard, il est impossible de nier un style littéraire extrêmement recherché et qui permet une excellente assimilation des concepts, bien que la traduction laisse franchement à désirer - quoique je ne lis pas le danois, il y a des passages à la syntaxe fort douteuse -, le génie stylistique de l'auteur parvient à percer à travers cette transposition linguistique.


Il y a un perpétuel retour au christianisme - dont certaines tares de ses adeptes sont d'ailleurs habilement critiquées - qui peut fortement agacer des lecteurs du XXIème que nous sommes, mais si l'on a la capacité à faire abstraction de cette "échappatoire" - il est bien pratique de recourir au transcendant lorsque des contradictions s'opèrent dans notre pensée -, il y a énormément de concepts méritant un intérêt philosophique dans cet ouvrage. Kierkegaard est un philosophe fondateur et primordial pour comprendre la pensée de ses successeurs. En le lisant, j'y ai retrouvé beaucoup de concepts que Sartre aura repris puis mis à jour pour sa philosophie athée, preuve, s'il en fallait, que Kierkegaard a influencé les plus grands ! Je cite Sartre comme je pourrais citer Deleuze, Camus, Heidegger et pour ainsi dire tous les philosophes qui lui ont succédé et qui s'y sont confronté.
C'est la première brique de sa pensée que je découvrais, pas la dernière, Kierkegaard m'a beaucoup intéressé autant par sa pensée que par son style, un philosophe trop peu cité mais dont le nom mériterait pourtant d'en précéder beaucoup.
A lire pour les philosophes, à éviter pour les anti-religieux qui, se targuant d'une tolérance accrue face à leurs homologues croyants, finissent par les haïr à un point que ces derniers n'ont expérimenté qu'aux heures les plus sombres de leur religion.
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Dimanche, jour du premier tour. le bureau de vote est situé à 45 minutes de chez moi, il me fallait donc un bon livre pour m'occuper dans le tram. En parcourant ma pile à lire, le choix de cet essai s'est imposé de lui-même, tant il correspondait parfaitement à mon état d'esprit du moment.

Mais une fois passé ce moment de satisfaction un peu masochiste, j'ai eu bien du mal à m'investir dans cette lecture. Kierkegaard est chrétien (ce qui arrive par ailleurs à un tas de gens biens) et son livre est assez théologique. On y brasse les notions de Dieu, de péché, d'infini, et quand on ne se sent pas concerné directement, il faut beaucoup de persévérance pour suivre le raisonnement de l'auteur. J'aime me frotter à des idées qui ne sont pas les miennes, mais cet ouvrage est trop « technique » à mon goût pour pouvoir vraiment m'intéresser. Surtout que Kierkegaard hiérarchise pas mal les gens selon leur conscience de leur propre désespoir, et en tant que présentement non-désespéré, être qualifié successivement de « vulgaire », « inconscient » et « sans moi », même si je ne suis pas spécialement rancunier, ça finit quand même par me vexer.

Enfin, j'aime bien la philosophie pratique, qui a des applications directes sur ma vie quotidienne, telle qu'on peut la trouver dans les écrits de grecs de l'antiquité. Me torturer les méninges pour savoir si je suis désespéré, désespéré par mon désespoir, ou désespéré de ne pas ressentir le même désespoir que les plus grands, ça me lasse rapidement.

Entendons-nous bien, je n'ai pas la prétention de juger la qualité de l'oeuvre de l'auteur. Je ne suis juste pas le bon public, malgré toute la bonne volonté que j'ai pu y mettre.
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Kierkegaard a niqué pas mal de vieilles apories de la tradition philosophique occidentale. Son Traité du Désespoir est un genre de brûlot en la matière.


Kierkegaard était en outre un type qui s'y connaît en désespoir. Pour l'avoir bien expérimenté, il le stratifie et le décline sur trois niveaux. Premier stade : désespoir qui n'est pas conscient de lui-même (c'est à cause des autres que je ne vais pas) ; deuxième stade : désespoir qui ne veut pas être lui-même (c'est à cause de moi que je ne vais pas) ; troisième stade : désespoir qui veut être lui-même (si seulement ça allait mieux grâce à moi). En termes jungiens on dirait qu'on vise à l'intégration de l'ombre. Je dirais d'ailleurs que Jung est plus intéressant à lire que ce vieux traité écrit en langage obsolète mais ça, les goûts et les couleurs…


Reconnaissons au moins que Kierkegaard a bien oeuvré à son époque pour dépasser l'opposition entre l'âme et le corps en insistant sur le mouvement dialectique de la connaissance de soi. Kiekergaard creuse un problème qui trouve actuellement toute son ampleur dans les questions de quantique et tintouin : qui est connu le premier ? le rapport ou le sujet rapporté ? On pencherait pour la première solution, sauf à se demander qui connaît le rapport, et c'est ici qu'intervient la religion chrétienne. Jusqu'à la fin du livre, son rapprochement avec le désespoir convainc peu et pourtant, on se laisse doucement lénifier par cette jolie petite idée selon laquelle, dans la religion, c'est le refus du Christ qui draine le christianisme alors que dans l'âme, c'est le refus de soi sublimé qui lui permet de se déployer dans toute sa magnificence.
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Etrange expérience que la lecture d'une théorie avec laquelle on est presque en totale opposition. Cette longue diatribe sur la conscience de l'infini en l'homme, sur le péché et le désespoir qui en découle est pour moi un charabia fort désagréable car tout est sous-tendu par la foi au Christ, dont Kierkegaard souligne sans doute avec justesse les conséquences ignobles, cette culpabilisation constante de l'individu devant papa Dieu qui, et c'est le scandale (tournure dont l'auteur use et abuse), sans que l'homme ne puisse rien y comprendre, parce que, jolie formule, le christianisme est « l'invention de la démence d'un dieu », tout à coup, sans que bébé homme, pécheur et continuant de pécher, ce qui est un péché de plus, le vrai péché, papa Dieu donc, qui, ne cherchons pas à le comprendre parce qu'on doit croire, point barre, soudain, parce qu'il est Dieu, mais ne cherchons surtout pas à le comprendre, pauvre mecs déprimés que nous sommes, même pas conscients de notre propre désespoir qui est de vouloir être soi et de ne pas vouloir l'être, papa Dieu donc, et c'est le scandale, prend sa baguette magique et remet nos péchés.

Ce qui néanmoins émerge de ce fatras de sottises, c'est l'affirmation fondamentale de la supériorité de l'individu sur la foule et de l'expérience individuelle sur le concept. Il n'y a pas de concept du péché. Il n'y a que des individus qui, chacun à sa façon, pèchent parce qu'il n'ont pas la foi, comme moi. Kierkegaard, prenons-en note, me relègue, parce que je ne suis pas conscient de la vérité (existe-t-il un mot plus vulgaire ?), de la nature infinie de mon moi, de ma soumission totale à la volonté supérieure de mon créateur et du fait que je désespère parce que je pèche en ne voulant pas être moi et en voulant l'être, quasiment dans l'animalité, ce qui, soit dit en passant, ne m'est pas si désagréable que ça puisque ça me libère de la soumission à la doctrine désespérante du christianisme moralisateur qui me bassine avec la notion d'esprit que je n'ai jamais pu comprendre, trop conscient (c'est-à-dire, selon Kierkegaard, inconscient, parce qu'il renverse totalement la logique qui est la mienne) de n'être qu'un agencement saugrenu de la matière, un amas d'os, de muscles (peu volumineux) et de nerfs qui ne saurait en aucun cas sentir, quand il voit les cadavres pourrir dans leurs tombeaux, en une éternité du moi, incarnant le stade le plus inconscient du désespoir, celui qui, parce qu'elle est un scandale, consiste à fuir la réalité visible pour, illusoirement, croire en des chimères comme l'esprit, Dieu, la rémission des péchés et la vie éternelle.

Mon désespoir à moi est sans rémission parce qu'il est conscience de l'éphémère et de la mort et s'interdit de penser, car ce serait un déni de la réalité, une transcendance. Vivre comme si Dieu existait, voilà peut-être le péché, car c'est ne pas vouloir être soi, etc. Ici je crois que je pourrais reprendre le traité de Kierkegaard en entier mais en le renversant afin qu'il signifie son contraire. Finalement je ne suis pas en opposition avec le Traité du désespoir. Je pense juste que les choses justes qu'il énonce, et elle sont assez nombreuses, ne sont justes que dans la mesure où l'on rejette le fondement même de ce qui pousse leur auteur à les énoncer, la foi, qui n'est pas le contraire du péché mais sa manifestation inconsciente.
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Nous sommes tous désespérés ! Ou presque. Ce serait presque désespérant s'il n'y avait pas de « presque ». Un « presque » qui est l'espoir ! Un espoir qui, dans ce livre chrétien et didactique, est l'exact synonyme d'avoir la foi.
Nous sommes tous désespérés, c'est le premier enseignement de ce livre et, malheureusement, il ne suffit pas de clamer haut et fort sa joie de vivre pour prouver le contraire. Ce pourrait même être l'une des plus manifestes démonstrations du désespoir en puissance. Kierkegaard dit qu'avoir la foi c'est abandonner volontairement toute raison (mais qui n'a jamais cru qu'avoir la foi c'était savoir ou raisonner?). La foi n'a besoin d'aucune justification : « Aussi est-il vrai et certain que celui qui, le premier, s'est avisé de défendre le christianisme dans la chrétienté est de facto un Judas numéro deux ; lui aussi trahit par un baiser, sauf que sa trahison est celle de la sottise. Défendre une chose, c'est toujours la discréditer […] Et les choses chrétiennes ? Celui qui prend leur défense n'y a jamais cru. S'il croit, l'enthousiasme de la foi n'est pas une défense, mais l'attaque et la victoire ; car le croyant est un vainqueur. » Ou dans une analogie à l'amour : « N'est-il pas clair qu'un amant authentique ne s'aviserait jamais de prouver ou de défendre son amour par trois raisons ; car il aime, et l'amour est au-dessus de toutes les raisons et de toutes les apologies ; et qui se livre à ces démonstrations n'est pas un amant : il se donne simplement pour tel et par malheur – ou par bonheur – il est tellement sot qu'il dénonce simplement qu'il n'est pas un amant. » Avoir la foi c'est également tuer toute possibilité de désespoir en soi. Mais le désespoir est une maladie du moi, elle lui est attachée, une maladie à la mort. Et dans la première partie il démontre que l'intensité du désespoir croît avec la conscience du moi. Il décrit différents caractères-types de désespérés qui ne sont pas sans rappeler certains de ses anciens pseudonymes.
Dans la seconde partie, il dit aussi que le désespoir est le péché, tous les autres en résulte, et « le péché consiste, une fois que l'on a été instruit de sa nature par une révélation reçue de Dieu, et se trouvant devant Dieu dans l'état du désespoir, à ne pas vouloir être soi, ou, se trouvant dans l'état de désespoir, à vouloir l'être. » Quand sa définition de la foi (l'état contraire du péché) est : « le moi, étant lui-même et voulant l'être, devient transparent et se fonde en la puissance qui l'a posé. » Vouloir être ou être désespéré devant Dieu est impardonnable. C'est impardonnable et même logiquement inenvisageable, comme le suggère la première formule de Kierkegaard ; autant dire, c'est croire en Dieu sans avoir la foi ; mais les hommes sont libres d'être illogiques. Kierkegaard est beaucoup plus indulgent face aux fautes commises par inconscience. Comme une grande conscience de son moi n'est de toute évidence pas la chose la mieux partagée au monde et que par conséquent assez peu de volontés libres s'exercent dans le monde, il est difficile d'imputer une responsabilité à des désespérés qui s'ignorent. Non, le véritable péché c'est toujours le désespoir mais un désespoir conscient devant Dieu, comme un défi : Désespérer de son désespoir c'est refuser la grâce de Dieu, son pardon.
Les dernières pages sont un véritable plaidoyer en faveur de l'individu dans la chrétienté. Aussi, bien que ce livre soit centré sur le péché, il n'est nullement question pour Kierkegaard de donner des leçons aux pécheurs - puisque cela ne regarde que la conscience de chacun -, mais plutôt de donner un témoignage, un résultat, de sa très riche vie intérieure.
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
On parle beaucoup de détresse et de misère humaines ; je m’efforce de les comprendre et j’en ai vu de près divers aspects ; on parle beaucoup de vies gaspillées ; mais seule est gâchée la vie de celui qui a passé ses jours en se laissant duper par les joies et les tristesses de la vie au point qu’il n’a jamais pris une conscience éternelle et décisive de lui-même comme esprit, comme « moi » ou, ce qui revient au même, n’a jamais remarqué ni eu l’impression profonde qu’il y a un Dieu et que « lui-même », sa personne, son moi est créé pour Dieu ; et l’on obtient jamais ce gain de l’infini autrement qu’en passant par le désespoir. Et il me semble que je pourrais pleurer une éternité devant cette misère où l’on voit tant de gens passer leur vie, frustrés de la pensée de toutes la plus remplie de félicité ; devant cette misère où, si nous considérons les hommes sous l’angle du nombre, l’on donne à ceux-ci de tout autres préoccupations, les engageant à dépenser leurs efforts sur la scène de la vie, sans jamais leur rappeler cette félicité ; devant cette misère où on les rassemble… pour les tromper, au lieu de les disperser, afin que chacun puisse acquérir le bien suprême, la seule chose qui vaille la peine de vivre, et qui suffit pour vivre une éternité. Et une chose redouble pour moi l’effroi que me cause la vue de cette maladie la plus terrible de toutes avec sa misère : sa dissimulation, telle que non seulement qui en est atteint peut souhaiter la cacher et y réussir, mais telle encore qu’elle peut résider en un homme sans qu’absolument personne ne la découvre, sans qu’il en sache rien lui-même, tant elle peut être cachée en lui !
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Le désespoir n’a pas seulement une autre dialectique qu’une maladie, mais tous ses symptômes mêmes sont dialectiques et c’est pourquoi le vulgaire a tant de chances de se tromper lorsqu’il se mêle de trancher si vous êtes ou non désespéré. Ne pas l’être, en effet, peut très bien signifier : qu’on l’est, ou encore : que, l’ayant été, on s’en est sauvé. Être rassuré et calme peut signifier qu’on l’est, ce calme même, cette sécurité peuvent être du désespoir ; et marquer également, quand on l’a surmonté, la paix qu’on a acquise.
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Tel penseur élève une bâtisse immense, un système, un système universel embrassant toute l'existence et l'histoire du monde, etc., - mais regarde-t-on sa vie privée, on découvre ébaubi ce ridicule énorme, qu'il n'habite pas lui-même ce vaste palais aux hautes voûtes, mais une grange à côté, un chenil, ou tout au plus la loge du concierge ! Et qu'on risque un mot pour lui faire remarquer cette contradiction, il se fâche. Car que lui fait de loger dans l'erreur, pourvu qu'il achève son système... à l'aide de cette erreur.
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C’est pourquoi la langue a raison de dire : désespérer du temporel (l’occasion), quant à l’éternel, mais de soi-même, parce qu’ici encore c’est exprimer l’occasion du désespoir, qui pour la pensée est toujours désespoir quant à l’éternel, tandis que la chose dont on désespère, est peut-être archidifférente. On désespère de ce qui vous fixe dans le désespoir : de son malheur, du temporel, de la perte de sa fortune, etc., mais quant à ce qui, bien compris, nous délie du désespoir : quant à l’éternel, quant au salut, quant à nos forces, etc. Avec le moi, parce qu’il est doublement dialectique, on dit aussi bien désespérer de soi et quant à soi. De là cette obscurité, inhérente surtout aux formes inférieures du désespoir, mais présente d’ailleurs dans presque toutes : voir avec tant de clarté passionnée de quoi l’on désespère, tout en ne voyant pas quant à quoi. Pour guérir il faut une conversion de l’attention, il faut qu’on tourne le regard du de quoi au quant à ; et ce serait un point délicat au pur point de vue philosophique de savoir s’il se peut vraiment qu’on désespère en sachant pleinement quant à quoi on désespère.
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Qui désespère veut, dans son désespoir, être lui-même. Mais alors, c’est qu’il ne veut pas se débarrasser de son moi ? En apparence, non ; mais à y regarder de près, on retrouve bien toujours la même contradiction. Ce moi, que ce désespéré veut être, est un moi qu’il n’est point (car vouloir être le moi qu’il est véritablement, c’est le contraire même du désespoir), ce qu’il veut, en effet, c’est détacher son moi de son auteur.
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