Dans l'introduction de son recueil de nouvelles Confessions of a Five-Chambered Heart, Kiernan se place dans la lignée d'
Ovide,
Sade, Swinburne,
Sacher-Masoch, du Mirbeau du Jardin des supplices, ainsi que de
Sappho,
Angela Carter et
Anaïs Nin, parmi bien d'autres, en indiquant que peu de ces auteurs sont allés suffisamment loin sur les territoires qu'iel explore ici. Prétention ? Pour une grande part. Mais cette mention a le mérite de préparer aux textes dérangeants, violents et souvent extrêmes qui vont suivre.
Plutôt que de weird romance (comme l'indique le sous-titre), l'auteur parle plus spécifiquement pour ces textes de weird erotica, définissant le sous-genre comme « [t]he intrusion—often by invitation—of the Outside into that most intimate and ancient act » . Cet Extérieur (Outside) qui prend également pour nom l'Inconnu, cause de la plus vieille et de la plus forte des peurs d'après
Lovecraft, est, selon Kiernan, intrinsèquement lié à la Mort, l'ultime énigme. Sexe et mort sont ainsi évoqués ici dans 25
contes étranges, lorgnant vers l'horreur bien plus que vers la romance.
Si l'on croise des amants dans ces pages, l'on y rencontre également des couples formés du prêtre et de son sacrifice, du maître et de son esclave, du tueur et de sa victime, du chasseur et de sa proie, du cannibale et de son dîner ou encore de l'artiste et de son modèle. La sexualité est protéiforme, réinventée, ses limites repoussées jusqu'à la violence, à la mutilation ou à la dévoration, jusqu'au meurtre ou au sacrifice. Les corps se rejoignent dans le plaisir ou la souffrance.
Tout comme les relations dont il est question, équivoques, la nature même des personnages, à l'instar de leurs genres et de leurs sexes, est fluide, incertaine. L'hésitation est fréquente entre l'humain et l'animal ou la créature fantastique, parfois entre le réel et l'artificiel. Certains traits, acquis ou innés, rendent ces êtres monstrueux au sens physique du terme. Ces brefs récits sont par ailleurs reliés par le thème de la métamorphose ; ce sont des histoires de fusions et d'hybridations, de transformations consenties ou forcées.
Si les textes ont pour une part une structure morcelée chronologiquement, caractéristique du style de Kiernan, ce sont ceux qui consistent en des tableaux qui ont ma préférence. le lecteur y découvre in medias res l'univers, le décor, les protagonistes ainsi que les éventuels figurants d'une scène dont le dénouement, suggéré entre les lignes, demeure en suspens. L'auteur a l'art de s'arrêter à point et considère visiblement que la façon dont une histoire se conclut a moins d'importance que la manière dont elle s'est déroulée.
Kiernan multiplie les mises en abymes, use de récits enchâssés devenant les miroirs de l'histoire qui leur sert de cadre, évoque des événements à travers des rêves leur conférant un degré de fictionnalité supplémentaire. Les thématiques du spectacle et du voyeurisme, ainsi que le jeu récurrent entre regardeur et regardé projettent quant à eux efficacement, au risque d'un certain inconfort moral, le lecteur au coeur des textes.
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