Silk est le premier roman de
Caitlin R. Kiernan paru sous son nom (d'après la bibliographie de son best-of paru chez Subterranean Press, elle a publié auparavant The Lazarus Heart sous le nom de
Poppy Z. Brite). C'est également, et de loin, l'un des plus réussis.
La bibliographie romanesque de Kiernan souffre d'être très inégale. Si
La Fille qui se noie, Silk et The Red Tree m'ont captivée, la lecture de la série formée par Threshold, Low Red Mood et Daughter of Hounds m'a autant ennuyée qu'agacée, la faute notamment à des personnages un peu trop occupés à jouer les durs pour parvenir à être crédibles.
Silk est un roman qui prend son temps, c'est l'une de ses principales qualités. Pas de plongée brutale dans l'horreur ici, mais une montée insidieuse du surnaturel et avec lui de l'angoisse, comme si ce n'était finalement pas le sujet, juste quelque chose qui surgissait à sa périphérie, le quotidien des personnages étant déjà à lui seul bien assez sombre. le fantastique rôde donc, sournois, essentiellement symbolique, issu des cauchemars et mythologies personnelles des protagonistes, tissant progressivement sa toile jusqu'à la scène finale. le récit suit une bande de jeunes : musiciens, gothiques, « freaks », gamins égarés traînant derrière eux des passés lourds de traumatismes. À travers cette galerie de personnages et les deuils successifs qu'ils vont subir, on retrouve dans Silk les thèmes récurrents de l'oeuvre de Kiernan : suicide, drogue,
alcool, maladie mentale, homosexualité, transidentité, occultisme, et surtout la difficulté de surmonter la perte d'un être aimé. L'écriture est du pur Kiernan première manière : très travaillée, d'aucuns diraient peut-être trop chargée ou alambiquée, mais d'une poésie indéniable. L'univers de Silk me fait penser aux premiers romans de
Poppy Z. Brite, mais avec des personnages plus fouillés, un rapport au surnaturel plus subtil et un style plus littéraire. Je m'explique difficilement qu'aucun éditeur n'ait pris la peine de la traduire en français. Peut-être ce roman est-il trop difficile à faire entrer dans une case.
Murder of Angel, qui reprend l'histoire de certains des personnages plusieurs années après les événements de Silk, constitue malheureusement une suite largement dispensable qui a le tort de s'engouffrer à outrance dans la fantasy, au risque de sombrer dans le grotesque, quand Silk avait justement le mérite de s'en tenir à une approche plus fantastique et complexe, et osait laisser, à raison, il me semble, certaines réponses aux questions que soulève le récit en suspens.
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