Comment peut-on (...) deviner le contenu d’un livre qu’on n’a pas lu et dont on ignore le titre et l’auteur?
N’est digne d’interpréter une œuvre, les Nuits en l’occurrence, que celui qui peut l’écrire.
Dans l’Ancien Testament, au début du Livre de Daniel, le roi Nabuchodonosor met à l’épreuve les devins en leur ordonnant, non pas d’interpréter le rêve qu’il a fait, mais d’en deviner le contenu.
Chez tout lecteur sommeille un Shahriar.
J’abordai la lecture, la littérature, sous le signe de la maladie et de la culpabilité. Ce fut le premier livre que je tentai de lire, le premier livre arabe, le premier livre tout court. Je lisais dans mon lit, à la lumière du jour... C’était contraire à l’intention de Schéhérazade qui, elle, racontait la nuit et se taisait à l’aube. En interrompant le soir la lecture, je contrevenais à sa prescription implicite et inversais l’ordre des choses.
Pourquoi le roi n’a-t-il pas chargé Shéhérazade de la tâche d’enregistrer les contes, elle qui est décrite dès le départ comme lettrée et possédant mille livres. (...) On mentionne la bibliothèque de littérateurs, d’hommes d’État, califes, vizir, mais a-t-on jamais décrit les livres d’une femme ? C’est là un fait digne d’attention et qui rend d’autant plus remarquable, car unique, la bibliothèque de Shéhérazade. Ses mille livres, brièvement évoqués au début des Nuits, méritent que l’on s’y intéresse de près. Pourquoi n’en est-il plus question par la suite ? Pourquoi les a-t-on oubliés, Naha étant le seul à ne pas les passer sous silence.