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Pierre-Mong Lim (Traducteur)
EAN : 9782809715002
144 pages
Editions Philippe Picquier (08/10/2020)
3.29/5   31 notes
Résumé :
La pluie s'abat sur la forêt vierge malaisienne. Le tumulte emplit tout le ciel et la terre, comme s'il n'y avait plus ni jour ni nuit, ni début ni fin. Noyée sous le déluge, en bordure d'une plantation d'hévéas, se tient une petite maison qui abrite une famille de migrants chinois, le père, la mère et leur petit garçon Sin. Ce soir-là, les chiens aboient soudain furieusement, le père change de visage : un tigre rôde autour de la maison. Les jours sont rythmés par l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Envoutant, onirique et teinté de réalisme magique…

L'auteur est peu connu et c'est, je crois, son seul livre. Né en Malaisie, il vit à Taïwan et est professeur de littérature chinoise à l'université.
Si j'ai d'abord été attirée irrésistiblement par la couverture qui rafraîchit au simple regard, et le titre très sobre, la plume de NG Kim Chew m'a vite prise dans ses filets.
En sept tableaux dits « de Pluie » avec des sous-titres qui, chacun, privilégient un élément récurrent du récit, l'auteur s'immisce dans le vécu chaotique, voire dramatique, d'une famille de migrants chinois, réfugiée au coeur de la forêt vierge malaisienne, en bordure de plantations d'hévéas. le point commun entre ces sept tableaux : la pluie. La pluie sous toutes ses formes depuis la violente drache jusqu'à la brumeuse bruine. La pluie qui tombe, trombe, nettoie, noie, engloutit, ensevelit. La pluie qui trouble les contours rendant la vie proche du rêve ou du mirage. La pluie qui donne à l'atmosphère une odeur et une ambiance particulière, à la fois luxuriante et inquiétante, ravivant les verts, abreuvant les vers, faisant de cette forêt vierge un lieu hors du temps et de l'espace.

« Les rigoles d'eau qui tombent de l'auvent forment un rideau d'une éblouissante blancheur, de loin en loin la forêt est un vaste territoire aquatique, du ciel la pluie s'abat par vagues, si dense qu'elle comble les espaces entre les arbres ».

Ces tableaux ne sont pas seulement poétiques et envoutants, simples déclinaisons et exercices de style sur la pluie, ils sont en réalité avant tout des témoignages…Ces paysages aquatiques sont en effet le reflet irisé de la vie quotidienne de ces familles qui recueillent l'hévéa en pleine forêt vierge, quotidien particulièrement éprouvant rythmé par de nombreux accidents dramatiques. Ils sont les témoins de l'histoire terrifiante de ces lieux où les chinois sont persécutés par les Japonais. Un des tableaux est même très éprouvant à lire, viols et tortures y sont rapportés avec moult détails, le tableau s'appuyant sur des ouvrages historiques et des témoignages dont les titres sont tous donnés en fin du chapitre concerné. Ces tableaux sont enfin les témoins enfin des croyances et des superstitions de ces peuples.

« Souvent, cela se passe comme ça : un groupe est emmené en forêt, parmi eux des femmes, des enfants, des adolescents. Ils sont mis en joue par les soldats qui leur ordonnent de creuser une grande fosse, une oppressante moiteur s'échappe de la terre rouge et humide qu'ils retournent. On les fait s'agenouiller serrés les uns contre les autres, puis un par an, ils sont passés au fil du sabre ».

Le personnage central des différents tableaux est un petit garçon dénommé Sin. Il apparait à chaque fois. Mais nous ne lisons pas une histoire linéaire, chaque tableau est une variante possible de la destinée de cette famille et dans chaque tableau un drame est survenu. Dans l'un d'eux le père est mort, écrasé sous un arbre, dans un autre le petit Sin est mort tombé dans un puits, dans un autre, c'est la petite soeur qui a disparu ayant succombé à une forte fièvre, à chaque fois le dénouement est tragique ce qui n'empêche pas, au tableau suivant de voir ces morts réapparaitre, vivants ou fantômes, vivants ou éléments des rêves, plus jeunes ou plus âgés. Les frontières sont floues comme le sont les contours de toutes choses avec la pluie…cette pluie coule entre ces petites histoires et nous, de naviguer de l'une à l'autre sur cette pirogue en forme de poisson qui revient également constamment en filigrane dans chaque récit, à nous de choisir le bras d'eau, la destinée, dont nous désirons être témoins. Et d'ailleurs, peu importe, quelle que soit l'issue, « Après la pluie, çà et là sur la terre, l'herbe repousse. ».
Au fil de nos pérégrinations dans les méandres de ces histoires, nous voyons ressurgir à la surface du terrain boueux les souvenirs enfouis dans le sol par la pluie, surgissements étonnants permettant de ne pas oublier et de mesurer le temps écoulé malgré ce cycle ininterrompu de la pluie qui lessive tout, tout le temps, inlassablement, déformant la linéarité du temps à laquelle nous sommes habitués. La pluie est finalement le rythme et l'horloge du temps…

« Au ronflements réguliers du grand-père, on dirait que c'est la vieille demeure elle-même qui respire. Il a soudain l'impression que son corps s'ouvre à la multitude. Il sent qu'au-dehors, le temps a brusquement changé, la pluie fine se résout en bruine. On dirait que la main du vent sème des poignées de sable, des poignées de riz. Dans le lointain, venue des confins d'un monde plus lointain encore, konglong konglong, une clameur s'avance pareille à une vague ».

Au fur et à mesure des tableaux entrevus, un mélange de sensualité, voire d'érotisme, et de réalisme magique se fait plus fort jusqu'à la dernière histoire intitulée « côa côa côa », acmé du récit, nouvelle qui n'est pas dénommée « tableau » particulièrement étrange et fantastique.

Ce texte fut une belle découverte. Pas étonnant qu'il ait obtenu le prix Emile Guimet de littérature asiatique en 2022. C'est un livre envoutant, très dépaysant, singulier dans lequel l'onirisme et le fantastique ne sont que prétextes pour lever le voile sur une humanité aux conditions de vie éreintantes entre les griffes cruelles de l'Histoire.
J'ai pu en apprendre un peu plus sur l'histoire malaisienne et sa diaspora chinoise.
NG Kim Chew a l'art de témoigner pour ces vies invisibles, à l'art de mettre en valeur la liberté de conscience et d'expression, en transformant mots et paroles, faits et actes, en eau, en mouvement, en choses finalement si éphémères que seuls les rêves et les mirages, tout en poésie, maintiennent en vie…



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En voici un livre bien étrange.
Dans une forêt dense en Malaisie , vit une famille d'expatriés chinois. Elle doit s'adapter aux rudes conditions de vie , à commencer par cette pluie qui tombe, à rendre fou et à tout emporter sur son passage.

le livre est composée de huit parties distinctes , chacune racontant une histoire où la pluie patine le décor. C'est la même famille, mais les destins sont différents. Pour l'époque, je ne sais pas trop. Au moins une histoire au début des années 40, quand les Japonais venaient répandre la terreur dans ce coin du monde .
Même si la lecture est déroutante, elle n'en reste pas moins agréable et profondément exotique et dépaysante. On imagine cette pluie, son bruit, son mur d'eau et ses ravages. Alors on suit cette famille , dévastée à tour de rôle par un tigre, des japonais, l'imprudence ou les rêves.
sans rester dans les annales , ce livre a le mérite de nous proposer "autre chose" avec une écriture qui nous transporte entre liane , fourmilière et hévéas. Mais sous la flotte...
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«  Toute la nuit il a plu. C'était comme s'il n'y avait plus ni limite, ni frontière, ni début, ni fin. » .
« Jour après jour, la pluie ne semble pas vouloir s'arrêter . La terre est gorgée d'eau , sous le poids des feuilles surchargées de pluie , des arbres cèdent , ils oscillent et s'effondrent dans un bruit assourdissant » …

«  Telle une horde de criquets ,, l'armée japonaise impériale a débarqué dans le Nord » ….
«  Vous devez être notre base arrière révolutionnaire » ….

Quelques citations extraites de court livre si particulier où les histoires se déroulent sans doute , entre les années 1930- 1940: invasion japonaise , et les années 60 : montée du communisme en Chine ….

Ce roman pas du tout traditionnel se compose de sept tableaux et un récit supplémentaire .
Ils se déroulent dans un même lieu , à l'orée d'une forêt malaisienne , en bordure d'une plantation d'hévéas avec une météo tumultueuse, une pluie s'abat sur la forêt , son fracas emplit le ciel et la terre ..

Noyée , ployant sous la pluie battante , se tient une petite maison abritant une famille de migrants chinois :: le père , la mère et leur petit garçon : Sin. Ils tentent de récolter du latex venant d'hévéas .

Leurs jours sont rythmés par ce rude labeur……
La vie est très âpre pour cette famille : en entaillant le tronc d'arbres immenses qui peuvent parfois , tomber et tuer, on affronte cette atmosphère moite , étouffante de pluie battante : inondations , , insectes qui pullulent, rivière menaçante qui enfle , grande violence de l'invasion japonaise qui n'épargnera personne , ombre menaçante des tigres , nombreux dangers liés aux risques naturels , noyades ……

Le lecteur se laisse conduire au coeur de cette jungle effrayante , les fourmis , les scorpions , les scolopendres , les cobras , les lézards , les amas de troncs et de feuilles à la dérive, les lianes ——-une culture qui m'est complètement inconnue ——-à la rencontre de secrets ,guidé par les esprits malfaisants qui rôdent , l'ambiance lourde , angoissante , oppressante .

Il faut prendre du recul , lâcher prise pour pleinement apprécier cette prose rude, hypnotique , poétique , dépaysante , envoûtante , onirique , chaotique , à la frontière du rêve et du réalisme historique.
Où est le rêve ?
Où est la réalité ? Où est la vérité ?
Le lecteur n'a pas la possibilité de rattacher les sept tableaux à un même thème , seul le prénom Sin , la petite soeur, la mère , le père , les esprits se retrouvent au fil des sept tableaux . …..
Un livre étrange traversé de rêves et de songes poétiques ….
On en sort à la fois ébloui , comme abasourdi ……

«  Comme cette année où avaient poussé sur l'arbre
contre lequel le père souvent appuyait son échelle
de nombreux champignons en forme d'oreille
petits et grands , ici et là,
pour écouter le bruit de la pluie
le bruit du vent .
Bien des années après sa mort , pendant la mousson ,
une sandale en plastique abandonnée dans la boue
se souvenait encore des cals obstinés de sa plante de pied ,
dans la forêt d'hévéas » ….
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Averses oniriques.

Il pleut. Rien de plus banal dans la forêt vierge malaisienne. Une famille d'immigrés chinois vit dans celle-ci pour récolter du latex venant d'arbres d'hévéas.

Lecture dépaysante. La Malaisie est un pays que je connais très mal, et je connais encore plus mal la diaspora chinoise de ce pays. Il s'agit de suivre une famille dans son quotidien de cultivateurs d'hévéas. J'ai entrevu une culture qui m'est inconnue.

Les histoires sont divisées en huit tableaux. Celles-ci semblent se dérouler entre les années 1930-40 (invasion par le Japon) et années 60 (montée du communisme en Chine). L'ambiance est moite, voire malsaine par moment. Où est la vérité ? Où est le rêve ? Plusieurs personnages avec les mêmes noms et caractéristiques vivent des situations semblables mais avec des variantes. S'agirait-il de la même histoire ? Serait-elle déformée par le temps ?

La forêt et la pluie sont loin d'être apaisant. Celles-ci comportent de nombreux dangers. La forêt est le territoire des tigres, sans compter les risques naturels. La pluie peut entraîner des inondations et donc des noyades. de plus, son bruit étouffe tout le reste. Et que dire des esprits qui y rôdent ?

J'ai bien aimé ce parti-pris. L'ambiance n'est pas luxuriante, elle est inquiétante. Une tension est présente dans tous le livre. La forêt semble uniquement tolérer les humains. Que peuvent des enfants face à celle-ci ? La forêt est cruelle et n'hésite pas à prendre son du. Quand ce n'est pas tout simplement les humains qui s'entretuent.

Au final, une découverte intéressante qui m'a permis de découvrir un autre pays et une autre culture.
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Ce livre très court nous emmène sous la pluie en Malaisie. Huit tableaux différents composent ce récit plein de poésie. de ce fait, on se croirait dans un conte ou plusieurs contes avec les mêmes personnages à différentes époques et c'est ce qui m'a bien plus dans ce livre.
Un roman d'atmosphère où il faut se laisser porter pour pouvoir apprécier ce livre. Un vrai rêve où la pluie est bien présente. Plusieurs sujets et personnages se retrouvent au gré de ce récit, telles la présence du tigre, la pluie bien sûr, l'armée japonaise en Malaisie, ainsi que la culture de l'hévéa.
Une agréable lecture.
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critiques presse (1)
Bibliobs
21 janvier 2022
Dans un style poétique et envoûtant, l’auteur signe un roman à la frontière de la légende, du rêve et du réalisme historique.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Cependant il advint qu’un jour Sin, posant son talon, entendit un crac, il avait marché sur quelque chose de fragile. Même s’il avait promptement retenu son pied, il était trop tard. Il sentit que la chose était bien plus dure qu’un nid de fourmis, elle était aussi très sèche. Il déblaya la terre, rassembla quelques morceaux, on eût dit un os (les os d’animaux, ce n’était pas ça qui manquait dans la jungle), il appela son père à grands cris. Avec une houe, A-To dégagea l’espace tout autour et creusa un grand trou, apparut alors un crâne, ainsi qu’une colonne vertébrale, déjà tout verdâtres, c’étaient visiblement des ossements humains. Il les enterra donc à nouveau et empila dessus une dizaine de pierres, des grosses et des petites, tenant des bâtons d’encens entre ses doigts il dit à Sin de se prosterner pour demander pardon au mort. Il fallait lui expliquer qu’il n’avait pas fait exprès, personne n’avait laissé de signes de sa présence à cet endroit ; désormais, chaque premier et quinzième jour du mois lunaire, il ferait brûler de l’encens pour lui, les jours de fête il lui ferait offrande de fruits et de poulet. Malgré tout, cette histoire ne manqua pas de turlupiner A-To : désormais, le malheur n’allait-il pas venir à la rencontre de son fils ? Il avait quand même écrasé les os de quelqu’un ! Après l’accident de Sin, il en serait d’autant plus convaincu. Mais pour le moment, il n’en était pas encore là de ses pensées, il se disait seulement que, pour être aussi facilement écrasés par un enfant, ces os devaient être enterrés là depuis bien longtemps, qui sait combien de fois le mort s’était déjà réincarné. Mais quand il entendit Sin décrire le craquement sous son pas imprudent, il sentit comme une aiguille lui percer le cœur, une image flotta dans son esprit, celle du blanc d’œuf qui gicle au moment où l’on casse la coquille.
Sin savait aussi que, quand il faisait pipi dans la forêt, au moment de baisser son pantalon il devait crier d’une voix forte. « Attention ! » afin de ne pas outrager les esprits du lieu qui n’auraient pas déguerpi à temps.
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Tout comme ceux qui n’ont pas de sépulture, dans cette terre des tropiques, les corps se sont rapidement décomposés, si toute la famille a été tuée, alors c’est comme s’ils n’avaient jamais existé. Il ne reste que quelques monticules de terre dans la plantation. Un jour lointain, ils s’effondreront. Mais leurs rêves ne se sont pas évanouis, même après la mort des rêveurs. Les rêves se sont changés en graines que le vent a emportées et dispersées, ils ne se souviennent plus, bien sûr, qu’ils ont été des rêves, c’est comme les herbes folles, il n’y en a pas deux pareils. Après la pluie, çà et là sur la terre l’herbe repousse.
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Un petit garçon, Sin. Il a cinq ans, et déjà il a vu la haute mer. Il y a quelques jours, les grandes pluies ont commencé à tomber pendant la nuit. On eût dit qu’une cascade se déversait sur le toit. La maisonnée dort paisiblement sous le tumulte des eaux, on n’entend plus les habituelles stridulations des insectes, coassements de grenouilles, ronflements des adultes et paroles des dormeurs. Le bruit de la pluie a empli tout l’espace entre ciel et terre. Toute la nuit il a plu. C’était comme s’il n’y avait plus ni limite, ni frontière, ni début, ni fin.
(Incipit)
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«  Après la longue sécheresse ,voici des jours de pluie ,continus,
comme si les clartés n’allaient plus revenir
Dans l’arrière - cour les vêtements pendent , pesants
Les grenouilles pondent dans les ourlets des pantalons
Elles bondissent effrayées éclaboussant le mur
Le sol en ciment trempé , glissant ,
reflète ton mal du pays
comme un poisson
dans un marais à sec
Les pages des livres , gorgées d’eau , gondolent
Des pousses d’herbes ont germé dans les mots, entre les lignes
de caractères
Des cernes de bois des étagères sortent
de chatouilleuses
têtes de champignons » ….
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Les rêves que l’on fait, on a parfois l’impression que c’est la réalité. Je m’y perds souvent moi aussi. 
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Vidéo de Kim Chew Ng
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