L'histoire fait naître des traumatismes, craquelle brise modèle les hommes à mesure qu'elle dessine ses cartes. Jeu de hasard aussi bien que de massacre. La Corée. Pays du matin calme...pays des trois royaumes... royaume de Silla, nostalgie d'un ensemble. Les chinois, les mongoles, les japonais, les américains, les soviétiques...Invasion, protectorat, annexion, partition, exploitation, violation, déportation, spoliation, division..Guerre d'indépendance, victoire des alliés, guerre froide, guerre de Corée, guerre du crabe.. Pyongyang ... Séoul.
Une ligne. Un point d'indignation.
Les hommes font naître l'histoire et d'autres hommes qui feront naître des livres. Des livres qui parlent des hommes, des hommes qui traversent l'histoire et qui subissent les coups du sort.
Kim Won-il, auteur sud coréen, est un des auteurs représentatifs du mouvement de la littérature de la division. Coupé, tranché, écartelé, par la lame de l'histoire. Survivant espérant, désirant, renaissant.
Roman autobiographique, écrit d'un traumatisme. Kim Won il nous permet d'entrer dans l'histoire en nous plaçant aux côtés d'un enfant : Lui même. Vivre sa déchirure, connaître sa faim, la misère d'un peuple, vivre l'horreur, la violence et le basculement. Comprendre la folie impossible d'un choix. Au nord le père, au sud la mère. L'enfance l'enfer de deux royaumes.
Le retour d'une mémoire, le ressouvenance d'une blessure, le bruit assourdissant d'une absence. Mémoire traumatique ici activée in situ. Résilience. Transmission, parole, rendront le retour possible. Retour sur soi sans lequel aucune reconstitution ne peut être possible, aucune unité ne peut être envisagée.
L'histoire craquelle, brise, décompose, modèle et recompose. Sur sa route, les hommes écrivent des pages.
Des pages composent les livres, ces livres qui rassemblent parfois les hommes puisqu'ils ressemblent comme deux gouttes d'eau à l'histoire de tous les hommes, enfants venus du même fleuve.
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Crépuscules » est un roman qui nous permet de comprendre l'impossible partage de l'humanité, la complexité des peuples que l'on veut injustement assembler ou diviser, comprendre leur résistance face aux douleurs infligées.
La responsabilité peut engendrer le pardon . Ici point de pardon. Mais une attente, un regard, un espoir. L'innocence qui attend calmement de revoir un matin se lever.
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Crépuscules « de Kim Won – Li, publié en feuilleton de 1977 à 1978, est traduit en français par
Hélène Lebrun. Il est paru , en France, aux éditions « Atelier des Cahiers » en 2014.
Opération masse critique Babelio / Editions Atelier des Cahiers. Septembre 2017
Astrid Shriqui Garain