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Critique de Malivriotheque


Kiyeong, espion du Nord, vit dans le Sud à Séoul depuis 20 ans. Mais comme ça fait 10 ans qu'il n'a pas reçu de consigne de Pyongyang, il fait sa petite vie, avec sa femme et sa fille, et a plutôt bien réussi. Mais un beau matin, il reçoit brusquement l'ordre de rentrer au Nord. Lui qui s'est habitué à la vie de ce côté du 38ème parallèle, choisira-t-il d'obéir ou de rester ? En 20 ans, tout a bien changé, des deux côtés...

Dès les premières pages, le lecteur est aspergé de détails dont il n'aurait habituellement cure comme la routine presque totale du matin des personnages (cela inclut comment ils se lavent les dents ou avec quelles céréales ils démarrent leur journée). Une avalanche de précisions pour néanmoins mieux insister sur ce qui pour nous ne sont que des banalités mais une approche de la liberté pour les Coréens du Nord. Dès les premières pages, on assiste à l'opposition entre deux mondes de la plus simple des manières avec les plus simples des objets.
Alors certes, l'écriture de Kim est assez factuelle, les phrases sont souvent simples. Mais le fond et ses implications l'emportent clairement sur la forme, ce livre développant, de façon très claire, l'évolution des deux Corée depuis la partition peu avant 1950 ainsi que la guerre qui a suivi au-travers du dilemme que vit le personnage de Kiyeong. L'intérêt majeur de cette histoire se retrouve dans ses recontextualisations historiques et surtout les enjeux politiques et personnels qui impliquent de venir du Nord mais de vivre au Sud.
L'auteur réussit à nous captiver de bout en bout (malgré de nombreux passages sur la vie des personnages qui entourent Kiyeong mais qui, à la rigueur, ont pour valeur de témoigner des différences de vie entre chacun des deux pays, du moins au début car après on se fiche royalement des histoires d'adolescents de la fille ou d'émancipation sexuelle/perdition de l'épouse), et surtout dresse un bilan sans a-priori sur l'évolution des deux côtés, en nous narrant même la Corée du Nord des années 1970-80 d'un point de vue généralement laissé de côté par les médias occidentaux, sans pour autant bien sûr l'idéaliser. Il est intéressant d'en apprendre davantage sur la situation du pays avant la grande famine qui l'a frappé au début des années 1990, surtout pour une lectrice comme moi de la génération Y qui a toujours entendu parler de la Corée du Nord dans son état actuel. Tout comme il est vraiment intéressant de revivre l'évolution fulgurante de la Corée du Sud vers l'économie de marché mondiale et la république, bien que celle-ci reste encore très frileuse sur certains sujets ou n'autorise pas non plus à 100% certaines libertés, notamment celle d'expression.
Ainsi, jalonné de retours sur images de moments historiques capitaux ou plus insolites mais révélateurs d'un contexte à un instant T, ce roman nous entraîne vers la décision ultime, celle qui définira le reste de la vie de Kiyeong : rentrer ou rester ? La mort ou la fuite ? le coup de maître final de l'auteur réside dans le fait que Kiyeong, ancien agent du Nord, ne pourra jamais échapper à son destin d'espion, quel que soit le pays dans lequel il réside. Piégé par la politique, sa vie est fichue, et tout cela à cause des deux côtés. Espionnage, contre-espionnage, Kiyeong est au final coincé dans un engrenage qui prouve que la guerre est entretenue des deux côtés et que la paranoïa est partagée. Une montée en puissance sans fin, une guerre des égos ; jusqu'à quand ?
Ce qu'on regrettera peut-être, c'est le titre en référence au travail de Magritte, voire même son utilisation en tant que couverture dans la version française grand-format de l'ouvrage. Quand on lit le passage en question, il n'y a pas vraiment de quoi y voir le tableau de Magritte en question...
Mais c'est dans l'ensemble un livre captivant, malgré les temps morts pré-cités.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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