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Critique de afriqueah



Pourquoi Oedipe assassine-t-il son père biologique, qui l'avait abandonné ? Parce qu'à un carrefour, le vieux lui avait coupé le passage.
Pourquoi épouse-t-il sa mère ? parce qu'il est devenu un mythe, et qu'elle a besoin de lui, peu importe l'âge .
A-t-il tué par plaisir ? par nécessité ? par haine ? non, rien de tout ça, les circonstances, le destin.
Car, dit Kim Young Ha, « il arrive souvent que le malheur soit le fait du hasard ».
Serait-ce le cas de Kim Byeong-su, son personnage , cherchant un plaisir éphémère dans le fait de tuer, ayant commencé par le père, comme Oedipe, ne trouvant pas la satiété, et continuant…. Jusqu'à ce qu'une opération du cerveau l'en empêche. Il retrouve alors le train-train de la vie, pas folichon, et cet enfoiré de chirurgien lui a sûrement greffé une pilule pour qu'il oublie.
Tiens, comme Oedipe, qui s'est aveuglé lui-même et qui a préféré tout oublier : Oedipe atteint par Alzheimer ?
En ce cas, comme Kim, voilà.
Qui a le temps de réfléchir sur le temps : si la mémoire doit programmer « mémoire du futur »= il ne pas oublier de prendre mes médicaments, elle est aussi mémoire du passé ( les différents meurtres que le narrateur a commis, dont il essaie de se souvenir, et en a par prudence écrit les épisodes).
Par prudence, parce qu'il risque d'oublier.
Sans danger, il y a prescription.
Notre narrateur est donc condamné au présent. Il ne peut anticiper, il ne peut se souvenir, le présent est pire qu'une prison de métal, qu'il souhaiterait presque.
Parce qu'Alzheimer, c'est pire qu'une prison.
A-t-il un chien ? Comme sa fille adoptive semble le dire ?et parfois aussi, le nier ? Comme Ulysse, qui lui aussi avait sans doute été atteint durant dix ans de cette maladie de l'oubli et avait été reconnu par son chien?
Ecrit à la première personne, sur un ton enlevé, supérieur, se moquant de beaucoup de locutions comme « attention, vous pouvez risquer de vivre trop longtemps »(de la part d'une démarcheuse en assurance –vie, !) il rumine aussi, oublie que contre son alz( oups, j'ai oublié le nom exact de cette maladie) il doit prendre des médicaments, mais justement, il oublie, au lieu de ne pas oublier.

Comme si le Dieu qui pilote avait lâché la manette de contrôle, et ça, de plus en plus.

Pour Kim Young Ha, l'auteur, non pas des meurtres mais du livre, rester emmuré dans le présent revient à réduire son existence à celle d'un animal .Il est prisonnier d'un temps erroné.
Son mot de la fin, où il revendique être l'auteur du livre, où il montre la difficulté du fait d'écrire, où il le dédie à son père luttant contre la maladie, donne un singulier relief d'après la jubilation, car « Ma mémoire assassine » est drôle, la réflexion philosophique sur le présent, l'interrogation sur le mal et nous submerge d'émotion : un fils qui rend hommage à son père.
Après quadruple incitations, dans le désordre : Sandrine, mh17, Gaëlle, Sandrine57, bonheur de cette lecture
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