Combien de couleurs ont les angoisses. Combien de manières d'éclore, les bourgeons de la folie. Combien de nuances, l'obscurité qui tombe. La littérature a réussi à jouer avec des définitions relativement vastes, la psychologie un peu moins. Dépression est le terme officiel. Personnellement je souffre de diverses sensations de douleur, de vide, d'inquiétude, de peur. Chacune revêt mille visages.
Parfois, quand je pense à ce que je deviendrai, je me sens oppressée. Le plus effrayant est l'idée que rien ne se passe. Que la vie soit comme ça.
Quand j'étais à l'extérieur, je ne sais plus quand c'était, j'ai compris que je n'avais même plus la force de respirer. C'était une telle fatigue que je me demandais comment je faisais pour être encore vivante. Et je ne parvenais pas à me calmer. La tête travaillait sans cesse. J'étais prête à tout pour me reposer, avec de telles blessures on a le droit de se reposer. Mais c'était pire, et on disait que j'étais folle. Sans cesse j'essayais d'être ce que je souhaitais jusqu'au jour où je n'ai plus eu de désir.
Quand un homme cesse de vous aimer, ses yeux se couvrent d'une couche opaque de poussière. Ca peut arriver pour des tas de raisons. Ennui, usure, une autre femme. Mais ça peut arriver aussi parce que sa vie est dans un tel état de désordre qu'il n'y a pas de place pour vous, que votre présence lui renvoie une image encore plus cruelle de son chaos personnel. C'est ce que je crois. Peut-être y-a-t-il d'autres raisons dont je n'ai pas encore pu identifier la nature. Ou que je ne veux pas identifier. Ou peut-être n'est-ce même pas la peine d'identifier la nature de telle chose ou telle autre. Je suis vide. p.96
Tout se dissout. Seul Berlin existe. Et la maladie. Qui somnole à l'intérieur. Elle est toujours avec toi, se rappelle à toi dès que tu ouvres les yeux le matin. Elle bruit en toi comme un serpent qui fait son chemin dans les profondeurs des feuilles sèches, se repose dans tes nuits de sommeil et guette la lucidité de tes jours. p.53
J'aime voir à travers une larme transparente un avion décoller, I love you Terminal bella mia.
Ces derniers temps, je me souviens de tout.
Depuis les électrochocs. Je suis devenue d'un calme incroyable. Je suis même heureuse. Tout le monde l'a remarqué. On me dit "Tu t'améliores, Gali, bravo, chapeau, Gali". C'est vrai, je suis vachement plus heureuse qu'à mon arrivée dans le service. Peut-être même plus heureuse que je ne l'ai jamais été. La douleur s'est arrêtée, et c'est vraiment calme en moi.
De vrais jours de bonheur que j'aimerais voir durer une éternité. Si je disais que j'en ai toujours rêvé, ce serait faux parce que j'ignorais l'existence de tels lieux pour moi.
Si je l'avais su, j'en aurais rêvé. Etre toujours ici, protégée et tranquille entre ces murs, ne jamais sortir. p.80
Oh, si je pouvais me défaire de la prétention de comprendre mon prochain !
Et tandis qu'on attend, pointe en soi la conscience qu'il n'y a pas de but. Il n'y en a pas. Et qu'il n'y a aucun raison d'agir : lutter pour son existence, bouger la main, ouvrir les yeux, changer de position dans le lit...
Alors vient le silence.
J'ai envie de tuer ceux qui encensent la douleur, qui y voient une beauté sombre et élégante ! Ils croient qu'elle entraîne un sentiment d'existence brûlant enrichissant, qui justifie le léger inconfort qui l'accompagne. Ils sont bestiaux. Ignorants. Ils ne connaissent pas la laideur de la douleur dans le monde. La douleur est la déesse de la laideur. (p. 106).