Dept. H - Meurtre en grande profondeur, tome 3

Ce tome fait suite à Dept. H, tome 1 : Meurtre en grande profondeur (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant car les 4 tomes forment une histoire complète. Il contient les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2017, écrits, dessinés et encrés par Matt Kindt, avec une mise en couleurs réalisée par Sharlene Kindt. le tome se termine avec un article sur la recherche de colonies bactériennes par Hari Hardy, dans les piscines vertes de l'Amérique du Sud, une entrée de journal de Mia s'interrogeant sur la santé de sa mère, une photographie de Blake, Philip et Hari à l'occasion d'une expédition préliminaire à la recherche du trou vert, une description de l'électro-communication entre différentes espèces des profondeurs marines, le degré de contagion par le virus H de par le monde, la composition de l'équipe junior d'exploration (Krystin M., Zoe D., Sophie D., Ada F., Ella K., Jane C., Alex B. et Pippa N., sans oublier le gecko Bob).

Alors que Q. et Roger sont en train de discuter pour décider quoi faire, Mia Hardy ressent la présence du plongeur fantôme et décide de mettre son casque sous-marin sur la tête pour se repasser les prises de vue enregistrées, et essayer de découvrir un fil directeur qui lui permettrait de progresser dans l'enquête sur la mort de son père Hari Hardy. Elle revoit de nombreux éléments qu'elle avait remarqués, tout en se demandant si la réponse n'est pas plutôt à chercher du côté de l'historique relationnel de son père avec les différents membres de son équipe. Elle est tirée de sa réflexion par un appel de Raj Hardy (son grand frère) indiquant que Jerome n'est pas mort, qu'Aaron ne l'a pas tué. Jerome est en train de tout casser en bas. Raj commence à se dire qu'Alain et l'équipe de surface ont raison : ils ont été exposés à quelque chose, à un virus. Q., Roger et Mia décident de rejoindre Raj, tout en estimant, eux aussi, qu'effectivement Roger a dû les exposer à quelque chose. Chemin faisant, Roger essaye de contacter Lily, Aaron et Bob qui sont dans un sous-marin en route pour la surface. La communication s'établit et l'autre équipe explique que des drones envoyés par Alain les empêchent de remonter vers la surface. Mia leur indique qu'il devrait tourner leur sous-marin par rapport aux drones de manière que ses caméras ne puissent pas enregistrer le mouvement de leurs lèvres.

Mia s'interroge sur ce que peuvent être en train de penser Alain, et Bake aussi. Ils sont peut-être en train de soupeser le pour et le contre, entre accepter de faire remonter les 2 équipes et les placer en quarantaine, ou refuser qu'elles remontent et laisser l'assassin d'Hari Hardy mourir au fond de l'eau, avec les autres membres de la station. Un drone sous-marin s'approche du sous-marin d'Aaron, Lily et Bob : ce dernier parvient à le détruire avec la pince extérieure. Bob décide de replonger plus profond car leur autonomie diminue trop. Il dirige le sous-marin vers la grotte sous-marine où il pourra recharger les batteries. Ils parviennent à passer en longeant la pieuvre gigantesque, sans attirer son attention. Ils émergent dans la partie de la grotte pourvue d'air et découvrent un endroit étrange, comprenant pourquoi Hari Hardy avait souhaité le mettre en quarantaine. Mia, Roger et Q. réussissent à progresser dans les couloirs bien qu'ils aient de l'eau jusqu'à la taille. Ils rejoignent Raj qui ressent des étourdissements. Jerome se tient derrière lui, les mains attachées. Il commence à leur expliquer une partie de ses découvertes : l'existence d'une électro-communication entre les méduses et la pieuvre gigantesque, mais aussi avec les araignées de mer et leur maître.

Le tome précédent montrait que l'installation sous-marine allait à vau-l'eau, et dans le même temps Mia Hardy en apprenait plus sur les relations des différents membres de l'équipe avec son père Hari Hardy, et passait en revue ses propres souvenirs, en particulier ceux liés à sa mère. Il finissait par apparaître un portrait de son père : un individu aventureux capable de fédérer des personnes totalement impliquées dans ses projet. Au cours de ces 6 épisodes quelques-unes de ces relations sont approfondies : l'histoire commune d'Alain et Mia, celle de Blake Mortimer et Hari Hardy, celle de Lily et de Mia, celle de Jerome avec Blake Mortimer et Philip Kay. Matt Kindt plonge ainsi un peu plus profond dans les mécanismes de la dynamique relationnelle de Hari Hardy avec ses proches collaborateurs. Mia Hardy s'interroge sur la manière de trouver l'assassin de son père : elle s'abîme de plus en plus dans la vie de son père, dans l'attraction qu'il exerçait sur les autres, dans la manière dont la vie de ses collaborateurs était majoritairement définie par ses projets, ses idées, mais aussi impactée par sa personnalité, la manière dont fonctionne son empathie et ses émotions. Les dessins de Matt Kindt montrent des visages d'adulte, qui ne laissent pas complètement transparaître leur état d'esprit ou leur réaction émotionnelle. le lecteur peut voir les petits décalages d'expression marquant qu'une discussion avec Hari Hardy ne tourne pas exactement comme son interlocuteur se l'était figuré. En observant le comportement (visage et langage corporel) de Hokulani Hardy (l'épouse de Hari), il voit une femme consciente de l'effet que produit son mari sur les autres, mais aussi du fait que son travail passe avant tout. le lecteur, lui, en prend pleinement conscience lorsque Mia retrouve des dessins avec des annotations, l'une d'entre elle incitant Mia à tracer son propre chemin. Il comprend mieux pourquoi elle a choisi de changer de métier, pour s'extraire de la sphère d'influence de son père, pour pouvoir exister en dehors de sa sphère d'attraction. Dans la page suivante, Mia s'interroge sur ses choix de vie, tout autant consciente que ses motivations sont indissolublement liées à celles de son entourage, donc de l'équipe de son père, et qu'elle ne sait pas où elle s'arrête en tant qu'individu, et où commencent les autres. Cette page est composée sur la base de vignettes de souvenir, de planètes et satellites, et de l'eau qui monte recouvrant de plus en plus Mia, une fantastique métaphore de cette intrication des individus et de leurs attractions.

Il est visible qu'au travers de la situation et des relations de Mia Hardy, Matt Kindt se livre à une réflexion élégante et délicate sur ce qui fait un individu et ce qui en lui est composé de parties d'autres personnes. Il raconte aussi une aventure avec une saveur d'anticipation, que ce soit pour cette installation sous-marine, pour l'existence d'un virus H qui se propage pour devenir une pandémie, ou pour les recherches de Jerome sur l'écosystème sous-marin. Depuis le premier tome, il règne une forte présomption de contamination au sein du complexe sous-marin du fait de travaux de Jerome sur les méduses, effets rendus visibles par des petits ronds autour de la tête de personnages affectés. Matt Kindt continue de montrer Jerome comme un individu lunaire, un peu gauche dans ses relations avec les autres, son comportement montrant que son système de valeurs est en décalage par rapport à ceux des autres. Dans ces pages, il expose les fruits de sa recherche sur une forme d'électro-communication entre plusieurs espèces sous-marines, une façon de mettre à nu les relations inter-espèces mutuellement profitables. À nouveau, le lecteur peut y voir une métaphore des liens complexes qui unissent les individus de la base, à leur insu : les communications non verbales, généralement inconscientes, à la fois pour l'émetteur et pour le récepteur.

Outre les souvenirs qui remontent à la surface, le lecteur découvre également la suite de l'histoire. Dans un premier temps, il pense que l'enquête sur le meurtre de Hari Hardy va progresser de manière significative, puisque Mia Hardy s'y attaque dès la première page, et que la composition suivante est réalisée à l'échelle de la double page, avec le corps de Mia comme flottant dans des vignettes de souvenir. Mais elle est tirée de sa réflexion car la situation du complexe sous-marin est plus que préoccupante : il est en train de partir en miettes et il est urgent de regagner la surface. le lecteur suit alors les 2 équipes : celle quittant la base sous-marine (Roger, Q. Raj, Jerome et Mia), et celle qui doit faire demi-tour et replonger (Lily, Bob et Aaron). Les visuels sont toujours aussi étonnants et dépaysants. L'allure un peu esquissée des dessins permet de croire à ces fonds sous-marins, sans être choqué par un détail trop précis et peu plausible. Comme dans les tomes précédents, le lecteur peut ressentir l'humidité le gagner au fur et à mesure de sa lecture. Il est frappé par cette pandémie causée par le virus H et originaire de Chine, évoquant le COVID-19, même si le récit a été écrit 2 ans auparavant. Il s'inquiète de voir les options des 2 équipes se réduire au fil des pages, et il s'interroge de plus en plus sur l'issue du récit.

Décidément, Matt Kindt et Sharlene Kindt forment une équipe formidable, avec une narration visuelle fluide et évidente, tout en employant des constructions de page sophistiquées et en établissant une réalité très tangible, avec des dessins semblant vite faits, et des couleurs discrètes. L'enquête sur le meurtre de Hari Hardy semble stagner, alors même que le complexe sous-marin semble perdu et que la survie des membres de l'équipe semble de plus en plus improbable. Dans le même temps, Mia Hardy s'interroge sur la dynamique relationnelle régnant entre les membres de l'équipe et au sein de laquelle elle a grandi. L'auteur effectue une mise en scène de l'interdépendance entre les individus, avec une sensibilité et une délicatesse épatante, le lecteur commençant à comprendre son incidence déterminante sur l'enquête.

Le 3eme tome est plus une introspection de la héroïne. le scenario explore le passé et on finir de découvrir tous les liens entre chaque personnage. A la surface, il se passe des choses qui restent sans réponses mais en profondeur l'équipe se ressoude et trouve des solutions mais tout ne se passe pas comme prévu.