X-O Manowar, tome 4 : Visigoth

Ce tome fait suite à X-O Manowar (2017) Volume 3: Emperor (épisodes 7 à 10) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome de la série pour comprendre ce qu'il se passe. Il comprend les épisodes 11 à 14, initialement parus en 2018, écrits par Matt Kindt (scénariste de cette saison depuis le début), dessinés et encrés par Ryan Bodenheim (épisodes 11 à 13) avec une mise en couleurs d'Andrew Dalhouse, et par Ariel Olivetti qui a lui-même mis en couleurs l'épisode 14. Il comprend également les couvertures originales réalisées par Lewis LaRosa, et les couvertures variantes réalisées par Jay Anacleto, Ryan Bodenheim, Howard Chaykin, Keron Grant, Felipe Massafera, Ben Oliver, Ariel Olivetti, et Brian Reber. Il se termine avec 8 pages de crayonnés de Ryan Bodenheim.

Sur la planète Gorin, en territoire Cadmium, Aric de Dacie (portant son armure) est en train d'apporter un immense bloc de pierre pour achever de construire un édifice colossal, un pont permettant de traverser un désert immense, contenant vraisemblablement des canalisations d'eau potable dans son tablier. Shanhara le prévient que les tranchées qu'il a creusées ont provoqué un mouvement des plaques tectoniques qui engendrent des crevasses en train de s'élargir. Aric décide d'aller arrêter ce mouvement tectonique, et il y parvient grâce à la puissance de son armure. Malheureusement son intervention a été trop tardive : le pont s'est effondré en un endroit, et la ville qu'il relie a subi de plein fouet le tremblement de terre, provoquant un exode massif. Alors qu'il réfléchit à haute voix avec Shanhara sur ses échecs en tant que chef politique, son conseiller Ironside vient le rejoindre pour lui demander d'intervenir auprès des chefs des 3 races de la planète pour éviter le génocide de l'une d'elle.

Aric de Dacie ne donne pas suite à la demande pressante d'Ironside, car il a détecté l'arrivée d'un vaisseau spatial sur Gorin, à proximité du lieu où il se trouve. Arrivé sur place, il découvre le vaisseau fiché dans le sol, suite à un atterrissage catastrophe, et un individu agenouillé à quelques mètres. Alors qu'il s'en approche, il reçoit une décharge d'énergie de plein fouet, qui le projette à terre. Elle provient de Baz-L, une créature métallique sphérique. le mercenaire lui explique qu'il détient des otages : Wynn, Bruto et Schon. Alors qu'Aric lui tranche un bras mécanique, le mercenaire se présente ainsi que les membres de son équipe : Maw-Teth, Rawn, Pat, Hesnid. L'affrontement est rapide et sans merci. Aric est capturé, neutralisé, et séparé de son armure. Pendant ce temps-là, dans le palais de l'empereur, Wynn reçoit Ironside pour lui confirmer qu'Aric a été déposé. La première négociation de paix est déjà en cours entre les Burnt et les Cadmium, menée par Catt et Juneday.

À la fin du tome précédent, Matt Kindt avait établi que la gouvernance n'était pas le fort d'Aric de Dacie. Alors même qu'il avait renversé le méchant tyran, il prenait conscience qu'il n'avait rien résolu, les conflits demeurant entre les 3 races humanoïdes dotées de conscience, coexistant de manière belliqueuse sur la planète Gorin. le dernier épisode du tome précédant annonçait déjà que des mercenaires s'apprêtaient à remplir le contrat passé sur la tête d'Aric. Les épisodes 11 à 13 forment donc la conclusion du parcours d'Aric sur Gorin. Parti de la condition de fermier, il a gravi les échelons de la société jusqu'à en devenir l'empereur de la planète. le scénariste a pris un malin plaisir à montrer qu'Aric est un guerrier, pas un chef politique, à la rigueur un chef militaire. Avant d'entamer la lecture de ce quatrième tome, le lecteur n'éprouve aucun doute quant à la fin du récit : Aric de Dacie va sortir vainqueur de tous les combats, et abdiquer, dans des conditions qui restent à découvrir. Effectivement, les mercenaires s'en prennent à lui et il va les affronter avec son obstination légendaire.

Pour ce déroulé d'intrigue, Matt Kindt ne s'en tient pas au minimum nécessaire. Dans l'épisode 10, il avait montré que les mercenaires ne sont pas des tendres, et qu'ils disposent d'une solide compétence professionnelle. le scénariste sait mettre son héros en difficulté, au point que le lecteur se rende compte que le prix à payer pour Aric afin de triompher va être élevé. Ils recourent à la prise d'otages, ils neutralisent Shanhara en 2 temps 3 mouvements. Ils ne font pas ça parce qu'ils sont méchants, mais parce que ce sont des professionnels et qu'ils s'assureront d'être payés pour leur boulot. de la même manière, le complot semble un peu manquer de substance car on ne voit pas beaucoup les responsables, mais la dissension règne, avec des conséquences sur sa mise en oeuvre et son efficacité. le lecteur peut trouver que la manière dont Aric de Dacie reprend le dessus est un peu facile, car le scénariste va piocher une sorte d'atout dans la série Unity, et plus particulièrement le tome Unity Volume 3: Armor Hunters (épisodes 9 à 12, scénario de Kindt, dessinés et encrés par Stephen Segovia) avec GIN-GR. S'il n'a pas lu cette série, il peut éprouver l'impression que le nouvel allié d'Aric est tout bonnement parachuté de nulle part. S'il l'a lue, l'effet est atténué, mais il demeure.

Dans la suie logique de la réalisation de cette série, ce nouveau chapitre est confié à un nouveau dessinateur : Ryan Bodenheim qui a collaboré avec Jonathan Hickman pour Secret ou aussi The Dying & the Dead. Il réalise des dessins descriptifs, très simples à lire, du fait d'un nombre de traits encrés peu élevés. le lecteur peut donc plus facilement apprécier l'efficacité de la mise en scène, ainsi que la gestion des volumes. Cette forme d'épure dans les compositions ne ressort pas comme une narration visuelle allégée, car Andrew Dalhouse effectue une mise en couleurs qui nourrit les surfaces délimitées par le trait d'encrage, à la fois en rehaussant les reliefs, mais aussi avec un travail sophistiqué sur l'éclairage, sur les textures, et sur le choix inhabituel de certaines teintes. Les couleurs du ciel attestent du fait qu'il ne s'agit pas de la Terre, mais d'une planète extraterrestre. le lecteur peut voir toutes les marques sur la peau d'Aric qui a survécu à de nombreux combats. Il peut regarder les reflets changeant sur son armure, parfois étincelantes, parfois plus terne, en fonction des circonstances. Il observe l'utilisation des effets spéciaux, que ce soit pour la texture de l'eau d'un lac, ou pour la sphère d'énergie englobant Aric et son armure.

Au cours de ces 3 épisodes, les dessins montrent Aric comme étant un individu costaud, déterminé jusqu'à l'obsession, refusant de se soumettre ou de s'avouer vaincu, tout ce que le lecteur attend de ce personnage. La narration visuelle montre les hauts faits de X-O Manowar comme coulant de source, que ce soit le transport de blocs taillés de pierre pour la construction, l'intervention sur une plaque tectonique, ou encore les affrontements physiques qui s'avèrent souvent assez brefs. le lecteur peut se projeter dans chaque situation de manière littérale. Il peut aussi apprécier le décalage induit par la présence de Baz-L, une sphère flottante menaçante. Bodenheim sait faire apparaître les émotions d'Aric, sans qu'il ne surjoue, sans dramatiser les angles de vue. En observant Aric, le lecteur peut ressentir son état d'esprit, et éprouver de l'empathie pour ce guerrier placé en situation d'échec. En effet, Matt Kindt ne se contente pas de raconter à toute vitesse la fin du séjour d'Aric de Dacie sur la planète Gorin. Il se joue un drame intimiste pour Aric. le lecteur voit sa relation avec Shanhara évoluer de manière significative, Aric se retrouvant contraint à réviser sa décision initiale de se passer de son armure. le lecteur se réjouit de cette évolution qui lui offre des scènes d'action impressionnantes à chaque fois que X-O Manowar se lance dans un combat physique.

Cette partie principale (épisodes 11 à 13) clôt le passage d'Aric sur Gorin, et bénéficie d'un épilogue avec l'épisode 14. Aric de Dacie a quitté la planète Gorin, et a choisi ce qu'il souhaite faire ensuite. le lecteur n'a aucun doute sur le fait que sa décision le ramènera vers la Terre. Kindt répond à son attente, mais pas du tout de la manière dont il l'envisageait. En tant qu'artiste complet, Ariel Olivetti réalise des dessins beaucoup plus impressionnants que celles de Bodenheim, apparaissant comme de véritables tableaux, avec un niveau de définition extraordinaire. le lecteur éprouve la sensation de plonger au coeur d'un astre solaire aux côtés de X-O Manowar, de se retrouver dans les rues de la Rome antique, ou encore de nager avec les cachalots. Cet épisode confirme le constat d'échec par Aric de Dacie et montre au lecteur comment il le gère. Les auteurs donnent une épaisseur étonnante à ce retour inéluctable ressortant de l'artifice, et en font une étape poignante donnant plus de profondeur au personnage.

Avec ce quatrième tome, l'histoire d'Aric de Dacie continue d'être écrite par Matt Kindt qui n'a pas changé de mode d'écriture : raconter des histoires rapidement ce qui fait ressortir la linéarité de la trame, mais avec des éléments originaux et en faisant ressortir la personnalité du personnage principal. Ryan Bodenheim réalise des pages faciles à lire, avec une bonne gestion du côté spectaculaire et du côté intimiste, très bien complétées par une mise en couleurs riche sans être écrasante. le dernier épisode bénéficie des pages magnifiques d'Ariel Olivetti en très grande forme, pour un épilogue à la fois convenu (le retour sur Terre) et à la fois très émouvant.