Ce tome fait suite à suite à la série commencée en par Die by the sword, qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il comprend les épisodes 1 à 3, initialement parus en 2017, écrits par
Matt Kindt, dessinés et encrés par
Tomás Giorello, avec une mise en couleurs réalisée par Diego Rodriguez. Ce tome comprend également les 5 pages parues dans le FCBD 2017, écrites par
Matt Kindt, dessinés et encrés par CAFU, une interview de 2 pages de
Matt Kindt, 5 pages de conception visuelle de
Tomás Giorello et
Lewis LaRosa, 21 pages crayonnés de
Tomás Giorello, les couvertures alternatives réalisées par JG Jones,
Mico Suayan,
Bob Layton, Monika Palosz,
Kenneth Rocafort (*2),
David Mack.
Dans un futur non précisé, Aric de Darcia est en train de faucher les blés sur la planète Gorin, avec une méthode qui met bien en valeur ses muscles. À l'évidence, il lui manque sa main gauche, son bras s'arrêtant au moignon au niveau de son poignet. En relevant la tête, il voit passer non loin de là une colonne de soldats, encadrant une énorme machine de guerre. le soir il en parle avec sa femme Schon (de la race des Burnt). La planète est sous la domination de la race des Cadmium, mais la race des Azure organise la rébellion et enrôle de force des burnt pour servir de chair à canon. La nuit Aric de Dacia se réveille et sort dans la forêt avoisinante pour déterrer son armure Shanhara. Il l'entaille pour récupérer un éclat de métal qui prend la forme d'un anneau autour de son majeur droit.
Le lendemain un peloton de soldats Azure vient recruter Aric de Dacia de force. Il est emmené contre son gré avec d'autres Burnt vers un campement. le soir, Ironside (un Burnt expérimenté et âgé) explique à la bleusaille ce qui les attend le lendemain. Un voyage brutal dans un vaisseau qui va aller se ficher dans falaise, puis l'ascension de la falaise sous le feu de l'ennemi et l'avancée vers la capitale des Cadmium. Les soldats enrôlés de force ne disposant pas d'armes, c'est l'hécatombe, mais Aric de Dacia grimpe coute que coute. Un fois arrivé au sommet, il doit faire face à plusieurs soldats armés des Cadmium.
Entre 2012 et 2016,
Robert Venditti a écrit 50 épisodes de la série X-O Manowar et l'éditeur a annoncé que le personnage reviendrait ultérieurement. Les 5 pages parues dans le FCBD 2017 montre Aric de Dacia sur la planète Gorin, se battre contre un individu montant à cheval, et armé d'une épée, puis aller prendre un verre dans le bar du coin. Les dessins de CAFU (
Carlos Alberto Fernandez Urbano) sont propres sur eux, descriptifs à souhait, montrant un environnement vaguement désertique, pour une ambiance de western baignant dans la poussière.
Matt Kindt intègre dans la narration une histoire avec une morale qu'un personnage raconte à un autre. le lecteur prend acte que l'histoire ne se déroule pas sur Terre, qu'Aric de Dacia s'est laissé pousser la barbe et qu'il a retrouvé une allure de guerrier barbare. Il note aussi que l'armure Shanhara n'apparaît pas une seule fois, relativisant ainsi le titre de la série.
L'histoire principale prend également le lecteur au dépourvu puisqu'elle met en scène Aric de Dacia dans la même situation. À l'évidence, il a décidé de s'installer sur une planète extraterrestre et de vivre comme un fermier (mais sans perdre la forme). Ses origines de barbare wisigoth semblent bien lointaines et oubliées, ainsi que sa période de PDG d'entreprise. Au fil des séquences, le lecteur comprend que
Matt Kindt a choisi d'en faire un individu ayant décidé de quitter une vie faite de violence pour s'installer et cultiver son jardin, c'est-à-dire s'occuper de ses affaires, vivre loin de l'agitation et profiter des choses simples de la vie. le lecteur se retrouve un peu pris à contrepied s'il venait chercher des séquences de combat en armure, car Shanhara n'apparaît qu'à 3 reprises, rapidement, et sous sa forme sphérique, sans qu'Aric ne la revête. Il est amené à affirmer qu'il ne veut pas reprendre une vie de guerrier, qu'il ne veut pas revêtir l'armure, qu'il ne veut plus devoir composer avec les desiderata de Shanhara. Dans le même temps, il ne faut pas longtemps pour qu'il se retrouve impliqué dans des batailles pour gagner la guerre contre un oppresseur.
Matt Kindt a donc choisi de mettre en avant Aric de Dacia, et de laisser de côté Shanhara. Une fois que le lecteur a accepté cette direction narrative, il constate que le scénariste fait le nécessaire pour mettre en avant les qualités du barbare que fut Aric de Dacia. Dès qu'il est enrôlé contre son gré, il se lance dans la bataille avec comme premier objectif de survivre à chaque affrontement, et comme deuxième objectif de remplir la mission fixée à son bataillon ou à l'équipe réduite dont il prend la tête par la suite. Kindt a concocté une série d'affrontements dans lesquels Aric de Dacia montre sa force physique, fait usage de sa grande expérience au combat, met en oeuvre des stratégies qui permettent au plus grand nombre de survivre. le scénariste construit un scénario très linéaire qui progresse au fur et à mesure des victoires d'Aric de Dacia. Il ne développe la personnalité de ce dernier qu'au travers de sa volonté farouche et sa détermination au combat. Il y a peu de personnages secondaires. Schon (la femme de Daric) ne sert que de dispositif narratif sans une once de personnalité. Les autres membres de l'équipe d'Aric de Dacia (Catt, Wynn, Clubb & Scar, Bruto) ne font pas montre de personnalité, à l'exception de Catt dépourvue de pitié, mais c'est son unique trait de caractère. le mentor Ironside ne sert qu'à donner des informations aux soldats, et donc au lecteur. le capitaine Branix dont dépendent Aric et les autres se contente de donner des ordres.
Le lecteur comprend vite que
Matt Kindt a conçu un récit d'aventures reposant sur le fracas des batailles, ainsi que sur des missions suicide. Il est vraisemblable qu'il connaissait l'identité de l'artiste avec lequel il allait travailler et qu'il a choisi de mettre en valeur ses points forts. Il est vrai que
Tomás Giorello a déjà travaillé avec
Timothy Truman sur plusieurs récits consacrés à Conan : Conan Omnibus Volume 3: Ancient Gods and Sorcerers et King Conan (par exemple The scarlet citadel). de fait, le lecteur constate rapidement que le scénario ménage de belles scènes pour que l'artiste dispose de place pour épater le lecteur. Cela commence dès la première page, avec un dessine n pleine page mettant en valeur le dos musclé d'Aric, le champ de blé, les murets en pierre, les formations rocheuses au loin et un ciel gorgé de la lumière du soleil. le metteur en couleurs effectue un travail d'une richesse remarquable, sans chercher à supplanter les traits (pas toujours encrés) de
Tomás Giorello il suffit de contempler les reflets dans la barbe d'Aric pour se rendre compte qu'il ne s'agit pas juste d'appliquer des couleurs naturalistes, mais que le dessinateur ajoute un peu de relief aux surfaces, de texture au sein de chaque contour, de luminosité en fonction de la source d'éclairage, et parfois d'informations visuelles sur les formes. Il participe à la narration visuelle en complétant les dessins de
Tomás Giorello, en leur apportant un peu plus de densité.
Par rapport à des travaux antérieurs, l'artiste a pris grand soin de donner plus de poids à ses cases, en dessinant très régulièrement les arrière-plans, en représentant les détails des tenues vestimentaires, en occupant la majeure partie de la surface de chaque case. Les responsables éditoriaux ont fait le choix de découper les 12 premiers épisodes écrits par
Matt Kindt en chapitre assez courts, en y affectant un dessinateur différent à chaque fois, ce qui permet de leur laisser un temps suffisant pour réaliser leurs planches et d'éviter qu'ils ne se lassent sur un nombre de planches trop important. Par la force des choses, le lecteur compare forcément les postures et la musculature d'Aric de Dacia à celles de Conan et fait le lien entre les 2 barbares, ce qui donne plus de personnalité graphique et plus de présence à Aric de Dacia. Outre des cases assez denses, une narration visuelle fluide, un environnement entre science-fiction et moyen-âge, le lecteur se régale des planches spectaculaires présentes régulièrement.
Le scénario privilégie l'action et
Tomás Giorello compose plusieurs images saisissantes par leur dimension spectaculaire. Il y a donc cette étrange manière de faucher les blés qui ressemble plus à un combat qu'à une activité agraire. le lecteur est fasciné par la progression dans la nuit d'Aric de Dacia et la manière dont il déterre la boule armure. L'escalade pour grimper le long de la paroi à pic donne lieu à des planches dantesques de violence et de détermination farouche. L'apparition de la créature hantant les douves est énorme. La révélation sur le traitement des individus qui assurent le maintien du bouclier autour de la cité provoque un frisson d'horreur. le survol de la cité en flammes fait souffler un vent chaud autour du lecteur. En guise de cerise sur le gâteau, le lecteur découvre 4 pages illustrées par
David Mack au début du troisième épisode, pour une explication de la situation politique sur la planète Gorin. Comme à son habitude, il conçoit un design sur mesure pour l'histoire.
Pour pouvoir apprécier ce premier tome de la relance de la série X-O Manowar, le lecteur doit avoir à l'esprit que cette nouvelle saison a été conçue à l'échelle de 12 épisodes, et que ce tome ne constitue qu'un chapitre dans cette histoire. Avec ce point de vue en tête, il peut accepter le faible rôle de l'armure Shanhara, et apprécier d'autant mieux le retour de la condition de barbare d'Aric Dacia. Il tombe sous le charme de la puissance d'évocation des dessins de
Tomás Giorello, bien rehaussés par Diego Rodriguez. Par contre, il reste un peu sur sa faim, car en privilégiant le côté spectaculaire du récit,
Matt Kindt a quelque peu décompressé son intrigue.