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Diniz Galhos (Traducteur)
EAN : 9791030702514
512 pages
Au Diable Vauvert (08/09/2022)
3.33/5   15 notes
Résumé :
UNITED STATE OF EUROPE : UNE SOCIÉTÉ SOUS CONTRÔLE – ENTREPRISES, PRESSE, ÉDITION, COMMUNICATION – OÙ SEULS LES BONS CITOYENS SONT RÉCOMPENSÉS. MAIS DERRIÈRE LES TERMINAUX, LA RÉSISTANCE S’ORGANISE.

Un hommage au 1984 de George Orwell, au Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury par le champion du roman social anglais !
Que lire après Anarchy in the U.S.E.Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
L'Union européenne s'est bien développée. Elle contrôle maintenant d'une main de fer les états qui l'ont rejointe. Mais tous les habitants n'apprécient pas cette tyrannie injuste, qui se targue d'égalité mais tient les rênes sans aucune pitié. Surtout en Angleterre, dernier îlot de résistance à la dictature de Bruxelles et de Berlin.

Ami.e.s de la finesse, passez votre chemin ! Si vous aimez les avis nuancés, les pincettes pour déposer votre sucre dans votre thé, vous allez subir un choc. Violent. Non pas que John King soit une brute. Enfin, je ne l'ignore, ne le connaissant pas personnellement. Mais quand il veut convaincre, il utilise plutôt la Panzer division que le doux chant des oiseaux. Il suffit, pour s'en convaincre de lire le titre original : The Liberal Politics of Adolf Hitler. Est-il besoin d'en dire plus ? Nous sommes dans un roman satirique. Et la satire se dessine à gros traits. Cela tombe bien. Après tout, Voltaire, dans son Candide, n'hésite pas devant certaines outrances pour faire réagir son lecteur. Bon, je ne compare pas le talent de John King à celui de l'auteur des Lumières, mais la visée est la même : convaincre. Ou, au moins, faire rire aux dépends de certaines aberrations, de certains personnages publics particulièrement ridicules. Ou plutôt non, pas ridicules. Dangereux. En tout cas selon l'auteur anglais. Reprenons.

Publié en 2016 outre-Manche, cette satire d'une Europe toute-puissante face à la lutte d'une Angleterre du « c'était mieux avant » fait la part belle aux insulaires. On suit, dans ce roman, trois personnages. Rupert Ronsberger est un Crate-Bureau (B+) (rien que la hiérarchie est d'autant plus drôle qu'elle paraît très réaliste). Il travaille pour l'Europe, à un niveau subalterne. Mais il croit pleinement à tout ce qu'affirment les dirigeants. Et il espère, plein d'ambition qu'il est, progresser jusqu'au poste, pourquoi pas, de Contrôleur. Cela tombe bien, car apparaît dans le chapitre suivant un Contrôleur justement. Horace Starski. Cet homme omnipotent voyage dans sa bulle de bien-être et de pouvoir. Tout cela, bien sûr, d'être dans les meilleures conditions pour guider les Européens vers le bonheur. Lui, par contre, sait la vérité, sait les mensonges. Enfin, vous vous en doutiez, un résistant : Kenny Jackson vit dans un village laissé de côté, pour l'instant, par la pieuvre tentaculaire de l'Europe. Il en profite pour vivre de livres et de bière. le modèle idéal selon John King.

Dans cette Europe diabolique, l'élite guide avec cynisme le peuple vers ses buts. Lesquels ? On peut se demander s'il s'agit d'autre chose que d'assurer le confort de cette même élite au détriment des inférieurs hiérarchiques, les communs. Et, surtout, des étrangers, tout juste bons à servir, selon leur physique ou leur origine. L'immigration choisie est ainsi organisée de façon outrancière. Les jeunes garçons et les jeunes filles sont formés à devenir des deytes efficaces et consentants, obligés d'obéir à tous les souhaits, même les plus pervers de leurs clients. John King pousse le bouchon jusqu'à montrer ses Bons Européens (c'est leur nom officiel) être persuadés que les deytes sont heureux de leur sort et qu'eux-mêmes leur offrent une chance formidable de s'élever au-dessus de leur condition misérable. Que c'est donc un cadeau de devenir leur esclave sexuel pendant qu'ils sont assez jeunes pour le faire. Car après, hélas, on est obligé de les renvoyer chez eux, puisqu'ils ne sont plus bons à l'usage. Cynique ? Proche de la réalité ?

Mais ce n'est rien à côté de la réécriture de l'histoire. Les livres et tous les écrits sont interdits. Ils sont trop dangereux et ne permettent pas aux dirigeants européens de guider le peuple dans la bonne direction. Enfin, la bonne direction, vraiment ? Quelques éléments pour vous donner une idée sans déflorer les surprises (mais on apprend cela assez vite, lors des premiers chapitres, d'ailleurs un peu lourds car l'auteur multiplie les trouvailles et la liste des changements par rapport à notre réalité : autrement dit, il faut s'accrocher pour suivre) : Churchill a été le grand méchant du XXe siècle, « le plus grand maître-trompeur de l'histoire ». Eh oui, car il a empêché de merveilleux « leadeurs démocrates » comme Hitler et Mussolini d'apporter leur vision éclairée à l'Europe. De Gaulle était un traître. Vous voyez le niveau d'outrance de ce roman ? Je vous l'ai dit, John King y va à fond. D'ailleurs, le limier informatique de Rupert (un des personnages principaux) a le petit nom affectueux d'Himmler.

Et l'élite de cette nation se baigne dans le luxe et les turpitudes. Tout est permis. Les Européens mangent de la viande à foison. On retrouve dans n'importe quel aliment un parfum de bidoche. Et la souffrance animale est un jeu : dans un restaurant, les animaux sont torturés à coup d'électricité, sous prétexte de donner un spectacle de qualité, avant de finir dans les assiettes. Ils sont totalement transformés en objets, permettant ainsi tous les excès. Kenny, le héros positif, lui, est végan. C'est un peu contre-intuitif par rapport à la société actuelle, car l'auteur semble inverser les valeurs européennes, sauf le véganisme qui reste positif dans sa réalité. Mais continuons. Un rapide regard sur la mode culinaire. Connaissez-vous les Kangouwraps ? Non ? Eh bien ce sont de « succulents filets panés de bébés kangourous » accompagnés de « piments jalapeño et de la mayonnaise arôme poule, le tout roulé dans une tortilla ». Appétissant, non ? Et d'autres recettes à base de foetus réjouiront vos papilles virtuelles.

Je finis ce rapide tour (il faut laisser des surprises, disais-je) avec une remarque : toutes les déviances, sexuelles ou autres, sont permises. La pédophilie, par exemple, est normale : les Bons Européens qui le désirent (ce n'est pas le cas de tous, quand même) peuvent tranquillement batifoler avec des gamines et des gamins censément consentants. En fait, comme les deytes, ils sont extirpés de leur vie pour servir d'esclaves. Et tout est du même tonneau. Les habitants de cette Europe se voilent la face, comme des enfants. Ils voient le monde à travers le filtre que leur proposent, petit à petit, les dirigeants de cette immense nation dictatoriale. Ils sont infantilisés (expression utilisée ad nauseam lors de la crise du covid), suivent tous la même mode vestimentaire, dansent sur les mêmes morceaux, réagissent aux mêmes stimuli. Des robots lobotomisés. Les cadres européens actuels apprécieront le portrait qui est fait d'eux.

À me lire, on pourrait croire que le seul intérêt de ce roman est la description d'une Europe honnie. Certes, c'est le point essentiel du livre. Mais John King est non seulement un satiriste efficace, c'est aussi un romancier qui connaît les besoins des lecteurs. Et il nous offre un récit choral prenant, avec une intrigue qui tient parfaitement la route et nous entraîne au long des cinq cents pages sans qu'on ait envie de refermer le l'ouvrage. Les trois personnages finiront par se rencontrer, comme dans tout bon roman choral, après des péripéties toutes plus atroces les unes que les autres. le coeur doit être bien accroché parfois. Mais au final, Anarchy in the U.S.E. mérite le mal que l'on s'inflige parfois à sa lecture.

Comme vous l'aurez compris, j'ai eu un peu de mal au début tant la charge contre l'Europe était violente et brutale. Même sans être un partisan effréné de l'Union européenne, j'ai ressenti ces attaques comme excessives et injustes. Mais au bout de quelques pages (une bonne trentaine), j'en ai pris mon parti et j'ai réussi à passer outre l'outrance. Je suis parvenu à en sourire et à voir la justesse de certaines observations, tout en tiquant sur d'autres. J'ai suivi avec attention l'évolution des personnages, me demandant comment tout cela allait bien pouvoir évoluer. J'ai tourné les pages avec avidité, tant qu'il est encore possible de le faire. J'ai trouvé cette histoire, finalement, bien cool.
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Dès le début de ce « Anarchy in the U.S.E. », John King attrape un gourdin et nous assomme. Il est des phrases dont on ne sait si elles sont drôles ou horribles, cocasses ou affligeantes. Que penser en lisant : « ABBA se tut et himmler claironna » ou « la gentrification avait eu raison de l'égoïsme ». le roman en est truffé, John King joue avec ça et joue avec nous, c'est une de ses grandes qualités, mêler le chaud et le froid en permanence. Ses personnages sont identiques, ils semblent plutôt sympathiques, ce sont des ordures qui manipulent les gens du peuple, les « communs ».

Rupert Ronsberger est un jeune Crate, un Bureau de niveau B+. C'est un Bon Euro, absolument convaincu, déterminé à apporter le bien-être de l'USE, l'United State of Europe, dans les terres britanniques plutôt rétives à ce bonheur infligé depuis Bruxelles et Berlin. Son bureau se trouve à l'intérieur même de l'abbaye de Westminster, entièrement rénovée, enfin utile.
Grâce à Limier, un système de surveillance pointu, entre dans sa ligne de mire Hannah Adams, une musicienne dont le profil n'abonde pas en informations, ce qui est louche, mais moins pire que d'écouter un antique vinyl, ce qui va à l'encontre de la numérisation heureuse.
Quand le week-end arrive, Rupert devient Rocket Ron, car en bon bureaucrate il se doit de se détendre, en commençant par écouter les Rubettes et plus si affinités. On decouvre un Mr Hyde fort peu sympathique, ses idées préconçues par le système politique Euro effraient car franchement peu recommandables.
De ma vie de lecteur, j'ai rarement rencontré type aussi détestable, aussi bête et arrogant que ce Rupert-Rocket.

Admiré par Rupert, Herr Horace Starski habite tout en haut de la Tour Monnet à Bruxelles. Il est Contrôleur, un très haut poste dans l'Etat Uni d'Europe. Horace est un guide, de ceux qui veillent au bien-être du peuple, un bâtisseur, un véritable législateur, artiste de la langue de bois et du discours creux, expert en manipulation et mensonge. Son idéal : la Conformité.
Il se rend à Londres, dans ces îles où subsistent une part réfractaire à la bienveillance bruxelloise. S'y trouvent même des « Free english town », des aberrations. Des problèmes à résoudre, des « communs » à corriger. Rien à voir avec Bruxelles, véritable paradis pour tout Bon Euro. Il doit également rencontrer ce Crate prometteur, Rupert Ronsberger avec qui il a en commun l'abjection et la cruauté.
Toute la première moitié du livre mène à la rencontre entre Horace et Rupert, véritable noeud du roman. L'un des deux continuera de vivre les yeux rivés vers l'avenir et la vérité du moment, pour l'autre, la recherche de la vérité sera plus abstraite, plus incertaine.

Kenneth Jackson, Kenny, est bien différent, il est l'autre visage de « Anarchy in the U.S.E. » Ce n'est pas un Euro, mais bien un anglais (vocable honteux dans l'USE comme tous les gentilés nationaux), qui se rend au pub pour s'y procurer des objets interdits, ces livres en papier, non-modifiables donc dangereux, les supports physiques sont désormais interdits. Plus de livres mais plus de disques non plus, ni d'instruments de musique, pas plus que de concerts dans les pubs. Avec Kenny, on découvre les poches de résistance à l'USE avec qui il existe un conflit larvé mais bien réel pour saper ce qu'il reste de culture britannique. Des groupes organisés existent, le Conflict, le GB45, et tentent de refouler l'inéxorable avancée de l'USE. Son escapade clandestine à Londres est l'occasion de retrouver des lieux, des ambiances, des cultures chères à l'auteur.
Kenny est l'incarnation de l'espoir de John King de ne pas voir disparaître toute cette culture.

Le meurtre d'Hannah Adams, que Kenny connaît, par un Hardcore (membre d'un service de sécurité) réunit ces trois personnages principaux.

John King, au travers de ses personnages, réécrit toute l'histoire du XXème siècle, change les rôles, les criminels deviennent les bienfaiteurs, les héros se transforment en persécuteurs. Les provocations s'enchaînent à un rythme débridé. L'auteur ne recule devant rien, il manie le grotesque avec brio, les tabous qui lui resistent sont rares. On prend des séries de coups de poings avec lesquelles on hésite entre avoir franchement mal ou rire à gorge déployée. Il pose parfois une lunette grossissante, un énorme télescope sur des faits sociaux actuels, tournant tout à la dérision, le bien-être animal, les réseaux sociaux, etc. Il en profite aussi pour tailler quelques costards aux locataires du 10 Downing Street. Il sait aussi faire jaillir la colère, notamment avec le traitement des enfants et des migrants.
Ses pages sont une vision d'horreur de l'Europe et de ses institutions dans ce qu'elles peuvent devenir de pire : une supra-nation de consommateurs, une standardisation outrancière effaçant chaque parcelle de particularité nationale, régionale, locale, une Europe où L Histoire est une fiction écrite par le pouvoir, où le passé est modulable, où garder une part de sa vie privée est suspect. Tout élément particulier est à éradiquer, comme une maladie. Les anglais, les écossais, les gallois et les irlandais doivent se fondre dans le bonheur contraint de l'USE.
John King brouille son texte avec délectation, on hésite entre blague potache, essai philosophique, politique-fiction et manifeste révolutionnaire

La quatrième de couverture mentionne quelques auteurs, Huxley, Bradbury et Orwell. Chacun est une évidence, surtout le troisième. Mais pas comme une influence mal digérée, plutôt comme un point de départ. Dans « Anarchy in th U.S.E. » John King fait une sorte de mise à jour de « 1984 », poussant les curseurs technologiques et politiques plus loin dans le rouge, tout en saupoudrant son texte d'un humour aussi féroce qu'absurde. L'inspiration est surtout dans la pensée en slogans, les abondants contresens, oxymores et sophismes, le double-parler et la double-pensée. On trouve des « Injonctions de Bienveillance Préventive », un « art de la correction comportementale », les agents chargés de la sécurité sont des « Cool », etc.
Les cochons de « La ferme des animaux » répondent eux aussi à l'appel, ils sont les Euros, les Crates, les Technos, etc.
Là où il rejoint Orwell à nouveau, c'est dans son souhait de transformer l'écriture politique en art. Comme Orwell, il s'érige contre ce qu'il pense être une injustice, une supercherie. C'est en grossissant le trait que John King espère se faire entendre, mais aussi en travaillant ardemment à bâtir une histoire qui tient debout, et en concevant un langage personnel brillamment retranscrit dans cette traduction.
Il faut ici saluer le traducteur, Diniz Galhos, qui recrée une langue, un parler bien particulier qu'il a su rendre en un français plein de torsions et de contractions, de mots valises et de jeux sur les registres de langue.
Aux trois auteurs cités on pourrait ajouter Étienne de la Boétie, Victor Klemperer et sa « LTI », et surtout Iain Sinclair dont les récits sur Londres, mélanges de géographie et d'histoire où il cherche des traces d'avant la gentrification et la muséification, hantent plusieurs passage du roman.

« Anarchy in th U.S.E. » est initialement paru en 2016, le Brexit était déjà à l'ordre de jour mais pas encore une réalité. John King en était partisan, mais pas comme Nigel Farage ou Boris Johnson, d'un courant plus humaniste, il s'en explique très bien dans les entretiens recueillis dans « Bruit noir » de Marianne Peyronnet. le livre présentait un potentiel avenir de la Grande-Bretagne. Aujourd'hui que le Brexit a eu lieu, on peut lire « Anarchy in th U.S.E. » comme une mise en garde face à l'érosion de la démocratie, à la prise du pouvoir par des adeptes du libéralisme autoritaire et/ou des droites nationalistes héritières du fascisme.
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N'ayant rien lu de John King auparavant, je ne pouvais qu'espérer une confirmation de ce qui pouvait être vanté à son égard lors de sa parution Au Diable Vauvert à la rentrée 2022 : sa veine sociale pour des romans chocs.

Dystopie ultralibérale
Rupert Ronsberger est un bureaucrate, un « Crate », il est un des rouages de l'administration des États-Unis d'Europe : il doit identifier les menaces contre l'U.S.E. (United State of Europe) à l'aide de son logiciel Suspic' en repassant des bandes vidéo de citoyens européens. Or, il trouve assez vite des faits inquiétants, dont un meurtre choquant. La question se pose de ce qu'il doit faire de ces informations, de ce qu'il doit faire remonter à son supérieur Horace Starski. Non pas que Rupert soit un résistant au système ou un quelconque rebelle, au contraire il cherche par tous les moyens à devenir Contrôleur, et plus haut encore si jamais c'est possible de se rapprocher des Entreprises Bénéficiaires qui contrôlent les U.S.E. Pour cela, il a tout ce qu'il faut : une vie dédiée à son emploi et une adhésion viscérale à l'idéologie qu'on lui a inculqué depuis sa plus tendre enfance. Tout est bon pour faire partie des Bons Euros du moment qu'on vante l'idéologie néolibérale.

L'U.E. en mode déchaîné
Le principal atout de ce roman est son outrance, mais cela devient vite harassant. Ainsi, l'Union Européenne a dérivé en un United State of Europe, où les nations ont disparu (au sens où c'est un État qui a fédéré les anciens États-nations), mais qui surtout a imposé des principes particulièrement étranges. Il suffit de penser à retrouver le titre original pour sentir l'atmosphère : « The Liberal politics of Adolf Hitler ». L'auteur va très loin dans la pensée néolibérale adoptée par l'Union Européenne : surveillance généralisée, propagande en continu, révisionnisme automatique, carnisme à tout crin, pédophilie et prostitution particulièrement développées… tous les aspects de la société sont là pour tenir en respect la population vis-à-vis des dominants. Alors d'un point de vue dystopique, c'est très poussé et très bien vu ; par contre, d'un point de vue littéraire et politique, c'est plus problématique. Littérairement, l'ensemble est abrutissant : on comprend assez vite que même les plus dociles des citoyens sont à plaindre tellement la société est oppressé bon gré mal gré, difficile d'en sortir tant l'endoctrinement est généralisé et qu'aucune sortie ne semble possible. Politiquement donc aussi, c'est compliqué, car il y a bien peu de solutions envisagées et le « retour aux nations » apparaît comme la seule alternative à l'image de cette « britannicité » qui s'affiche comme un retour aux sources devant les dérives de la citoyenneté européenne. Tout cela fait bien peu de réflexions vraiment sociales, finalement…

Anarchy of the U.S.E. est choc, c'est sûr, mais pas dans le sens que j'attendais. Sa lecture me laisse dubitatif sur ce type de dystopie pure, sans espoir même esquissé.

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Avec Anarchy in the U.S.E, John King échafaude un univers qui reprend tous les standards de la dystopie. Un monde tyrannique où la réflexion n'existe plus, où l'endoctrinement des masses a atteint son paroxysme et où l'individualisme règne en maitre. Heureuse et soumise, la population européenne vit sous une surveillance drastique, assujettie à une propagande permanente, hyper connectée et sciemment asservie. Tout va pour le mieux dans ce meilleur des mondes où tout est contrôlé, numérisé, ou l'histoire est sans cesse réécrite et manipulée pour le bien-être de tous, et où triomphent le virtuel et l'ultralibéralisme. La prostitution est institutionnalisée, toutes les déviances sexuelles sont tolérées voir permises comme le viol ou la pédophilie, au nom du libre arbitre de chacun. La torture animale est devenue une distraction, le véganisme une déviance. L'auteur pousse à l'extrême la caricature de nation européenne prônée par Bruxelles, parodie les politiques aussi présomptueux qu'illuminés, les bureaucrates aveuglés par le système, défenseurs des multinationales et du marché global et dénonce l'infantilisation des citoyens par ailleurs totalement décérébrés. Il alterne de chapitre en chapitre les situations ubuesques, les épisodes de déviances sadiques ou de perversions surréalistes. Sous l'aspect d'une satire fictionnelle au cynisme mordant, « Anarchy in the USE » illustre avec sagacité l'incurie de l'idée d'un état européen nourri par sa propension à l'uniformisation de la pensée et au multiculturalisme. C'est effrayant de vérité, sombre et choquant mais dresse un portrait des plus réaliste de ce à quoi aspirent en partie les européistes convaincus, technocrates dénués de discernement, sans âme ni bon sens. Concernant l'histoire proprement dite, on découvre cet univers par le biais de trois personnages illustrant parfaitement le propos. C''est facile mais bien construit, chacun des protagonistes apportant son point de vue sur ses attentes et les perspectives inhérentes à sa vision de la société. L'intrigue n'est cependant pas des plus riche ou complexe, certains épisodes n'ont concrètement que peu d'intérêt, d'autres ne présentent ni objet, ni logique, les bonnes idées se fondent dans d'autres plus grotesques et peu en adéquation avec l'évolution générale des moeurs La conclusion qui se veut saisissante n'est, au vu des évènements retracés, ni très crédible, ni cohérente. Mis à part le sévère caractère pamphlétaire de son roman, John King ne développe pas une histoire des plus passionnante ni même remarquable. Un ouvrage alarmiste sur le fond et qui met en exergue de sérieuses questions existentielles mais qui s'avère trop simpliste et superficiel dans sa forme.
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John King, un auteur britannique atypique, a pour thèmes de prédilection, le football, le hooliganisme ou encore la culture punk. Auteur populiste pour certains, populaire pour d'autres, il met souvent en scène les milieux ouvriers, les classes laborieuses. Dans son dernier roman traduit en France, Anarchy in the U.S.E, publié Au Diable Vauvert, il réécrit l'histoire pour faire de l'Europe un pays unique. Les nations en tant que telles n'existent plus, l'United State of Europe est née : un territoire, une monnaie, une idéologie.

Rupert Ronsberger est un Crate plein d'avenir à l'ambition démesurée qui rêve de devenir Contrôleur et bien plus. Endoctriné depuis son plus jeune âge par l'idéologie de l'U.S.E, incapable d'entendre la moindre critique ou de remettre en cause le discours officiel, il est l'archétype du fanatique. Il fait partie de ces Bons Euros. Horace Starski, son supérieur, dirige le monde depuis sa tour, il connait les rouages du système, ses vérités, ses mensonges et s'en accorde très bien. Mais comme dans tout système idéal, des poches de résistance persistent ici et là, à l'instar de certains coins d'Angleterre où le sentiment de "britannicité" est toujours fort.

John King reprend les codes de la dystopie traditionnelle, surveillance constante, propagande permanente, révision de l'histoire, citoyens bridés, mais y intègre un cynisme grinçant. Il tape fort, très fort. C'est noir, c'est sombre, c'est révoltant. Les Bons Euros mangent de la viande, beaucoup de viande et la torture animale est devenue une distraction. La prostitution est institutionnalisée quand la pédophilie sans être encouragée est tolérée. L'accès à la culture est c ontrôlé, les livres papiers sont interdits, seuls les fichiers numériques (modifiables par l'autorité) sont consultables... L'auteur étrille les politiques corrompus et les bureaucrates pervertis par le système, dénonce l'infantilisation des citoyens et l'uniformisation de la pensée.

Avec Anarchy in the U.S.E, John King dessine un monde désenchanté, où la réflexion individuelle n'existe plus, où l'endoctrinement de masse a atteint son paroxysme et où l'individualisme règne. Bienvenue dans l'ultralibéralisme sous surveillance continue.

Lien : https://les-lectures-du-maki..
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critiques presse (1)
Bibliobs
15 septembre 2022
Attendez-vous au pire. Roman jubilatoire et ravageur de science-politique-fiction, « Anarchy in the USE », de John King, n’y va pas avec le dos de la louche à provocations.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La zone dans laquelle Rupert travaillait était depuis longtemps une épine dans le flanc de l'USE. Aujourd'hui encore, après ces années d'investissement et d'éducation, il subsistait des niveaux alarmants tant d'anglicité que de britannicité. Il fallait prendre ce problème à bras-le-corps, raison pour laquelle Bruxelles continuait d'y envoyer des Crates idéalistes. Rupert faisait partie de cette joyeuse bande, c'était un loyaliste capable de vider son esprit et de rester parfaitement concentré pendant de très longues périodes, plus longues encore que la plupart des Crates, et cette faculté n'était pas passée inaperçue. Il absorbait facilement les informations, mais plus important encore, il croyait.
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La bière rinçait le cerveau. Desserrait les écrous et laissait les idées circules. Lavait de toute inquiétude et de tout regret. Il n’y avait rien de tel que de passer du temps dans un pub digne de ce nom avec son fatras de personnes et d’opinions, de parler en toute liberté et de discuter de façon civilisée, d’apprendre et de partager ce qu’on savait ou ce qu’on pensait.
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Les humains étaient des sadiques. Il suffisait de leur soumettre une cible facile et un semblant de justification, et ils étaient capables de tout.
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Tu sais, y'avait vraiment des oiseaux partout dans Londres quand j'étais jeune, et les gens avaient encore des chats et des chiens. Il y avait aussi des renards, mais ils se sont faits exterminer. Les aristos en voulaient pas. Et pareil pour les indigènes, seulement ils pouvaient pas nous tuer, alors ils nous ont eus par l'immobilier, ils ont fait en sorte que ce soit impossible de se loger ici, même pour quelqu'un de normal. Ils ont ruiné Londres. Pas la moindre culture, ces imbéciles. Tout plein de fric, mais zéro classe. Les aristos, les yuppies, les Euros, les Crates : du pareil au même, tout ça. Le même gros tas de sales cons.
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Ce que les masses ignoraient ne pouvait leur faire de mal. Si personne ne savait, il s'ensuivait que personne n'en avait cure. Si personne ne savait et n'en avait cure, il s'ensuivait que l'événement n'avait pas eu lieu. La Nouvelle Démocratie valait bien une certaine dose de flexibilité.
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