Jessie avait quelque chose de particulier, du moins à mes yeux, je lui trouvais des proportions bien gaulées et un visage qui donnait envie de se quereller avec ma braguette… la première seconde ou je l'ai croisé, elle avait le regard aussi froid que l'hiver dernier, et moi les joues aussi rouges que la timidité, un joyeux mélange de Roméo moins Juliette… mais ce jour-là, j'ai ressenti un truc qui vous fout les mots à l'envers, alors j'ai pas insisté dans le futile et la stérilité, j'ai bien fermé ma gueule qui ressentait à cette époque l'envie pressante de raconter de la merde pour amuser le concours de bites qui nous unissait mes potes et moi… C'est quoi ce foutu besoin de toujours vouloir briller dans la connerie, pour faire marrer l'immaturité juvénile, qui se croit aussi invincible que la mort qui plane dans l'obscurité éthylique des soirées arrosées…
Bref le jour où j'ai rencontré
Jessie, j'avais une vraie panne d'inspiration, mes yeux sentaient l'herbe à pleine bouche, je tirais sur les joints qui défilaient comme un mort d'amour, la fumée dilatait mes envolées nocturnes, et je commençais à sombrer dans la poésie mélancolique ou romantique, appelez ça comme vous le rêvez : l'amour, la bêtise, la folie distillée dans l'alcool et l'herbe folle, un feu qui illégalement nous réchauffait l'ambiance, j'étais bourré, défoncé, mais j'étais bien… Alors j'ai pris ma lâcheté dans les yeux que j'ai plongé dans les siens, de là où nous étions l'un de l'autre, elle ne pouvait pas distinguer l'effluve hagard de mes émotions, de mon côté je buvais les traits de son visage devenus détendus depuis l'obscurité, ils dansaient aux crépitements des flammes, elle avait l'air si douce, elle était si belle…
Dans la bande, il y avait un bon guitariste, pas trop empoté des doigts, qui au moment opportun trouvait toujours le moyen de gratter quelques accords, mais je n'ai jamais su écrire la musique, retranscrire les notes, les accords, la beauté du son brut qui s'envolait dans l'innocence de notre naïveté , alors je fermais toujours les yeux, pour écouter et ressentir pleinement le truc, mais pas ce soir-là, ce soir-là je voulais regardé cette jeune fille de bien foutue, hypnotisé par la grâce de ses formes lyrique et romanesque, l'imaginant nue, un doigt glissant le long de cette perfection donc la féminité renferme tous les secrets, et dont mon hétérosexualité ne faisait plus aucun doute…
Mais Je restais tétanisé, renfermé dans un mal être qui se targuait d'une solitude adolescente, celle qui fait de vous ce mec gêné plein de maladresse, pas sur du tout, coincé dans son imaginaire littéraire aux si nombreuses histoires magiques, tragiques, parfois sordide, je passais à côté d'une nuance de bonheur qui m'échappait depuis tant d'années, polluées par tous ces adultes qui vous rabâchent les mêmes conneries de grands qu'ils ne comprennent pas eux-mêmes mais dont leur semblant sonne comme la vérité absolue…
Déjà le temps était venu de mettre fin à cette soirée, tous titubant autour du feu mourant, nous vivions l'hilarité à sa fin, les yeux fatigués, on puait la virilité, ce mélange adolescent de tabac froid, d'alcool, et de transpiration,
Jessie elle tenait bien mieux la nuit, elle était toujours aussi rayonnante, elle a tourné son sourire vers moi, en bégayant un au revoir, moi j'ai bafouillé mon indifférence sur un ton détaché, alors que je crevais d'envie de lui crier fleurette au creux de ses seins délicieux dont mon regard se posait délicatement entre deux gênes… Elle a tourné sur elle-même pour s'enfuir de ma vie comme elle était entrée, c'est alors que j'ai murmuré ceci :
"L'amour n'a pas besoin de parole, juste de quelques émotions : tendre, douloureuse, bandante, et parfois triste, les regards sont bien souvent plus bavards que nos silences… mais cette nuit il faisait trop noir pour en saisir tout le courage, alors pour ne rien manquer de toi, je me suis pressé l'envie picolée assidument sur la douceur de ton corps et le murmure de tes lèvres qui de là ou je te contemplais ne ressemblait qu'à quelques chuchotements , et si maintenant je me dandine devant toi d'un pied sur l'autre comme d'une maladresse assurée, c'est juste parce que j'ai une putain d'envie de pisser… "
L'assemblée a pouffé et
Jessie s'en est allée…
Rien à voir avec le bouquin mais son souvenir se résume à ma jeunesse, je me souviens que je n'avais pas tout saisi à l'époque, mais cela n'enlève rien au talent incontesté de l'auteur qui reste pour ma part une référence dans la littérature horrifique…
A plus les copains