Comment ai-je pu trouver ce roman ennuyeux à ma première lecture, plus de vingt ans en arrière? Comme quoi il est bon de revenir sur ses a priori et retenter sa chance.
La toute récente investiture du nouveau président des États-Unis
Donald Trump m'a rappelé que
Stephen King abordait le milieu de la politique et des élections dans
Dead Zone. Et cet aspect qui avait entraîné, adolescente, ma désaffection, m'a paru passionnante les années aidant.
Avec
John Smith,
Stephen King a sculpté un des personnages les plus attachants de l'ensemble de son oeuvre. J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour cet homme au départ ordinaire à qui un terrible accident vole près de cinq années. Cinq années d'un coma profond dont il ressort physiquement très amoindri. Son état moral n'est pas meilleur. Il s'est enfoncé dans sa nuit amoureux de sa collègue professeur Sarah et heureux de la réciprocité de ce sentiment, professeur d'anglais pour qui ce métier tient d'une véritable vocation, ... Bref, avec en main les clés pour un avenir radieux. A son réveil, il découvre sa presque fiancée l'heureuse épouse d'un autre homme, sa mère devenue à moitié folle fanatique de la religion et lui à la tête d'une dette colossale suite au coût de ses soins et de son hospitalisation. Difficile de rester de marbre face au désarroi qui envahit notre héros.
Et en cadeau bonus, il se retrouve avec la capacité hors du commun de pouvoir ressentir des choses sur les personnes ou objets qu'il touche, et même prévoir des événements à venir les concernant.
Ce qu'on pourrait assimiler à un don extraordinaire dont il est possible de se réjouir,
Stephen King va s'ingénier à en démontrer en fait la malédiction pour son détenteur.
Outre l'aspect monstre de foire en butte à des demandes sans fin de personnes désireuses de profiter de cette capacité, journalistes et particuliers, l'auteur démontre petit à petit le poids moral que cela représente pour
John Smith. Ce pouvoir l'amène à une vie de solitude, à tout jamais différent du commun de ses congénères.
En parallèle, on suit les évolutions du dénommé Greg Stillson, de simple vendeur de bibles itinérant à homme d'affaire briguant une
carrière politique. le tout avec des moyens pour le moins fâcheux sur le plan légal. D'élu local, il compte bien gravir tous les échelons jusqu'à atteindre la présidence. Sa campagne politique m'a beaucoup fait penser à celle de Trump avec son caractère outrancier, ses propos populistes, ses virulentes diatribes à l'égard des élites de Washington qui palabrent et ne font rien. Même le nom de sa campagne "America now" renvoie à l'"America first" du roi du Twitter.
Intrigue oblige, le chemin de
John Smith va finir par croiser celui de Greg Stillson. En lui serrant la main lors d'un meeting, ce qu'il va ressentir va le placer dans une terrible alternative. Que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même.
Dead Zone est un roman très prenant, loin des récits horrifiques comme Ça ou Bazaar. le seul élément fantastique réside dans la capacité mediumnique de
John Smith. Comme à son habitude,
Stephen King entoure son personnage principal d'une foule de caractères secondaires bien construits et approfondis. Il crée à nouveau un ensemble solidement bâti et crédible. le lecteur est pris par son histoire et les péripéties qu'il réserve à son héros.
Stephen King épingle au passage ce qu'il considère comme les dérives de la société américaine, telles le fanatisme religieux (qu'on retrouve très souvent dans l'ensemble de son oeuvre et auquel lui-même se heurta suite à ses écrits), l'argent - roi, etc.
Un livre prenant donc, naviguant entre le polar, le thriller politique et le roman introspectif. Je le recommande tout particulièrement aux personnes qui hésitent à se plonger dans l'univers de King en y voyant qu'un écrivain d'horreur. Il est plus que cela et le démontre à nouveau ici.