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Critique de vilvirt


Comme un rituel, tous les 2 ou 3 ans je relis une oeuvre de Stephen King, une de celles que j'ai découvertes à l'adolescence et qui m'ont beaucoup marqué, tant par leur ambiance que par les personnages qu'elles mettent en scène. Je reviens souvent vers mes préférés (Sac D'os, Shining, La Tour Sombre, Désolation...) et cette année c'est au tour de Ça que j'ai décidé de m'attaquer, chef d'oeuvre de l'horreur et du gore, mais aussi formidable hymne au courage et à l'amitié !

Pour moi, ces trois tomes de Ça (It dans sa version originale) font partie de cette grande période du King (fin des années 80 jusqu'à la fin des années 90) durant laquelle il a pondu ses meilleures oeuvres - celles qui mettent l'accent sur les personnages, leur passé, leurs faiblesses et leurs inexplicables terreurs. Des livres qui font revivre l'histoire de petits villages américains où la réalité cède devant la folie ambiante, où le surnaturel fait irruption dans les scènes les plus anodines de la vie quotidienne. Des villages au coeur desquels le mal remonte à la surface sous une forme ou une autre, des villes qui entretiennent une véritable sauvagerie dans leurs entrailles. Des endroits du monde aux limites de la réalité qui abritent aussi une certaine forme de magie parmi leurs habitants...

Pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire : sept enfants de Derry - Bill le Bègue, Ben appelé aussi "Meule de foin", Mike, grand connaisseur de la ville et de son histoire, Richie Tozier le rigolo de service, Stan Uris, Eddie et son inhalateur et surtout Beverly (dont ils sont tous un peu amoureux) - deviennent amis durant l'été 1958, époque sombre qui voit cette petite communauté de Nouvelle-Angleterre devenir la proie d'une vague de meurtres atroces. "Le Club des Ratés" (comme les enfants aiment se nommer) découvre rapidement que ces meurtres d'enfants sont l'oeuvre d'une créature monstrueuse qui peut prendre n'importe quelle forme et qu'ils se jurent de détruire par tous les moyens. Mais Ça n'est pas leur seul ennemi. Une bande de jeunes les poursuit inlassablement à travers les rues de la ville et apporte son propre lot de terreurs. Ensemble, les "ratés" vont s'armer de courage pour faire front et tenter de survivre à cet été caniculaire dans les Friches...

Le titre est court mais non moins évocateur des ravages que Ça va causer dans la ville de Derry - Maine. L'histoire démarre avec la mort du frère de Bill, Georgie, première victime de Bob Gray le clown, en cet été 1958. Elle se poursuit avec la rencontre de sept gosses que tout sépare mais que leurs différences vont justement rapprocher de manière imprévisible. Ce pavé de plus de 1000 pages est un concentré d'action, d'horreur, de flash-back, de rigolade, de courses-poursuites à travers la ville pour échapper aux voyous, d'amitiés indissolubles, d'actes de courage irréels et de serments à la vie à la mort. Une fois de plus, King souligne le racisme, l'hypocrisie, la violence familiale et la noirceur omniprésente derrière les façades proprettes des petites villes américaines. A travers ces thèmes récurrents, la folie et l'indifférence qui sévissent dans le coeur des habitants permettent à un clown terrifiant de perpétrer ses meurtres. Opposé à la naïveté et à la puissance des croyances enfantines, la présence de Bob Gray démontre que l'enfance est un pays cruel et dangereux dont les bouleversements passent souvent complètement au-dessus de la tête des adultes. Face à l'apparition du mal absolu qui prend racine dans les égouts de la ville, les enfants de Derry n'ont à opposer que leur propre conception du monde tel qu'ils le perçoivent, un univers fragile à la périphérie de celui des adultes, où ils ont parfois l'impression d'être invisibles, où s'incarnent leurs pires craintes mais aussi leurs rêves et leurs espoirs. Stephen King construit son récit autour de cette terrifiante réalité mais il démontre aussi que par ses convictions irrationnelles, un enfant devient le détenteur d'une formidable magie oubliée des adultes, et qu'il parvient à supporter ce qui détruirait la santé mentale de ses aînés. L'auteur pousse le sadisme en ne permettant qu'aux enfants de Derry d'apercevoir l'horreur de Ça et ses nombreux déguisements, là où leurs parents ne voient rien ou se contentent de détourner les yeux en haussant les épaules. Car les enfants, eux, croient toujours aux monstres tapis sous leur lit, et cette certitude s'incarne dans des cauchemars innommables dont le clown s'empare afin de les manipuler à sa guise.

Au travers de cycles de folie meurtrière qui surgissent tous les vingt-sept ans, l'auteur mêle l'histoire et les anecdotes de la ville à un récit haletant qui se prolonge sur deux périodes à la fois - 1958 et 1985, lorsque les sept enfants sont devenus adultes et doivent revenir affronter leurs pires cauchemars à Derry. On prend peu à peu conscience de la situation de Derry régulièrement touchée par des vagues d'une rare violence au fil des siècles - disparitions de colons, assassinats multiples, actes de barbarie sortis de nulle part - que le monde semble ignorer et que ses propres habitants préfèrent oublier, situant la ville comme l'épicentre d'un déchaînement de forces néfastes.

Dans ce récit, le système de flash-back est encore une fois admirablement bien utilisé et permet de comprendre le cheminement des pensées des personnages. L'alternance des points de vues et des époques nous pousse à nous attacher à chacun et à mieux appréhender leurs choix. L'auteur jongle entre passé et présent, il évoque la nostalgie d'une époque révolue où les jeux se mêlaient aux terreurs insondables de l'enfance. Et lorsque l'apothéose arrive en fin de récit, tout se met naturellement en place, permettant de dénouer les fils de l'intrigue et de recouper les indices disséminés tout au long de la lecture.

Pour résumé, je dirais que Ça, c'est le courage, l'espoir, le rêve, les copains, les premiers émois, la saveur de l'enfance avec ses coups durs et ses émerveillements, la magie, le pouvoir des certitudes à un âge où tout paraît possible, et c'est surtout LE livre de Stephen King qu'il faut avoir lu. S'il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-là...
Lien : http://tranchesdelivres.blog..
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