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Critique de Cigale17


Avec enthousiasme, j‘ai lu mon deuxième roman de Barbara Kingsolver : Un autre monde. le titre de la première partie amène déjà le lecteur à s'interroger étant donné qu'il est suivi des initiales VB entre parenthèses. Il faudra attendre la page 43 pour apprendre que VB est l'archiviste qui a rassemblé et mis en ordre les journaux d'un écrivain américain à succès, Harrison William Shepherd. Ces journaux constituent la plus grande partie du texte de Un autre monde. Dans les premières « Notes de l'archiviste » (il y en aura trois), VB nous explique la genèse du roman que nous sommes en train de lire. La narration va adopter diverses formes : extraits de roman, journaux intimes, intervention de l'archiviste sous la forme de notes, d'une notice nécrologique et de la conclusion, correspondances, articles de journaux, rapports d'enquêtes, interrogatoires, et j'en oublie sûrement. Il faudra attendre encore un peu pour savoir qui se cache derrière ces initiales, et plus encore pour apprendre comment s'est forgée la sincère amitié et l'indéfectible confiance qui lient l'archiviste et l'écrivain.
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Le roman se déroule au Mexique et aux Etats-Unis : HWS est mexicain par sa mère et américain par son père. Il passe sa jeunesse au Mexique, chez l'amant de sa mère, sur une île où il partage la vie des domestiques de la maison. Il vit ensuite aux États-Unis où il sera scolarisé dans une école militaire. Il est témoin de la sanglante répression des vétérans de la Première Guerre mondiale réunis à Washington, avec femmes et enfants, pour réclamer les primes de guerre qu'ils n'avaient jamais touchées (Bonus Army), répression menée, entre autres, par Patton et MacArthur… de retour au Mexique, il travaillera pour un couple d'artistes célébrissimes : Diego Ribera et Frida Kahlo. On fera aussi la connaissance d'un autre couple, célèbre pour d'autres raisons, qui séjournera chez les peintres : Lev et Natalya Trotski. On verra même passer brièvement un André Breton vraiment pas à son avantage avant que HWS ne retourne aux Etats-Unis après l'assassinat de Trotski. Il vivra à Asheville, comme Thomas Wolfe, et comme lui déchaînera les passions et subira les attaques de la presse à scandale. Barbara Kingsolver est une autrice politiquement engagée. Elle s'attache à montrer ici des aspects peu reluisants de l'Amérique, qu'il s'agisse de la répression sauvage dont j'ai parlé, du traitement infligé sur le sol américain aux Japonais, aux Allemands et aux Italiens pendant la Deuxième Guerre mondiale, la plupart d'entre eux américains parfois depuis plusieurs générations, d'autres réfugiés de fraîche date aux Etats-Unis, qu'il s'agisse enfin, dans les années 50, de la période du maccarthysme et de la chasse aux sorcières de triste mémoire. le lecteur se promène ainsi dans différents milieux sociaux, visite plusieurs pays, rencontre des gens de peu et des célébrités tout en traversant les grandes crises de la première moitié du XXe siècle. Et la visite en vaut la peine !
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La toile de fond historique permet à l'autrice de donner à voir la construction de la personnalité d'un homme déchiré dès sa naissance entre deux pays, entre deux langues et entre plusieurs aspirations dans un monde en pleine mutation. On assistera à la lente et souvent douloureuse transformation de… de qui ? de Will en Harrison ou en Harry, puis en Solí, et enfin en Shepherd, écrivain à succès situant ses romans au sein des communautés amérindiennes du Sud, à l'époque de la colonisation. On le connaîtra cuisinier, plâtrier, secrétaire, écrivain, mais toujours, toujours grand lecteur. On devra, dans tous les non-dits, deviner le contenu du carnet manquant et bien d'autres aspects de sa personnalité. le titre original du roman est The Lacuna qui, si on traduit de l'anglais au français signifie « lacune », et le lecteur sait quel(s) rôle(s) joue ce mot dans la vie de WHS. Cependant si on vérifie, comme je viens de le faire, la traduction de l'espagnol au français, on trouve « berceau », ce qui permet de boucler la boucle avec beaucoup d'émotion… J'ai tout aimé dans ce roman, même les quelques longueurs dans la partie qui relate la deuxième installation aux Etats-Unis. Rien à jeter de cette belle double mise en abyme conçue grâce à la transgression de l'archiviste… La part de la fiction ? celle de la réalité ? Barbara Kingsolver répond à la question dans une entrevue (https://www.allenandunwin.com/writers-on-writing/a-q-a-with-barbara-kingsolver-author-of-the-lacuna) dans laquelle elle clarifie aussi sa position sur l'engagement politique des écrivains, et explique de quelle manière elle se documente pour préparer ses romans. En fait, je suis tombée sur cette entrevue parce que je cherchais à savoir si HWS avait existé ou s'il était inspiré d'un écrivain qui a avait existé. C'est dire...
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