Les Histoires Comme Ça sont remarquables à plusieurs titres. Premièrement parce qu'il n'est pas si fréquent qu'un auteur " pour adultes " fasse l'effort, ou s'adonne à l'exercice d'écrire pour les enfants. C'est en fait bien plus " casse-gueule " et difficile qu'il y paraît car il convient de trouver le ton juste, la formule adaptée pour un lectorat jeune et donc les contraintes sont, quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, plus grandes que pour la littérature adulte. (Cette apparente facilité est responsable de beaucoup de la production jeunesse de basse qualité qu'on a à déplorer de nos jours : prise en compte véritable des spécificités du lectorat cible.)
Deuxième point sur lequel on peut remarquer très positivement le travail de Rudyard Kipling, c'est qu'il a aussi entrepris un vrai travail d'oeuvre jeunesse, à savoir, réaliser des illustrations pour ses histoires. Si l'on remet en contexte fin XIXe, début XXe, et les contraintes d'impression d'alors, on s'aperçoit que c'est un travail particulièrement peaufiné auquel s'est livré l'auteur. Les illustrations fourmillant de détails marchent encore de nos jours, époque abreuvée de visuels et de couleurs en tous genres, ce qui n'est pas une petite performance.
Ensuite, on peut également louer les trouvailles de l'auteur, louer son sens de l'observation des intérêts spécifiques de l'enfance autour de 6 à 9 ans : l'apparition des choses, les fameux " pourquoi ? " propres à cet âge. Il y a notamment deux histoires centrées sur l'apparition de l'écriture, un sujet qui préoccupe forcément les apprenants lecteurs et scripteurs.
Mais bien entendu, l'essentiel tourne autour des animaux, autre sujet intarissable d'ébahissement et de questionnements pour les enfants. Rudyard Kipling a donc décidé d'inventer des histoires un peu loufoques mais crédibles aux yeux d'un enfant crédule pour expliquer telle ou telle propriété comme la trompe de l'éléphant, la bosse du dromadaire, l'apparition des tatous, la domestication des animaux, les taches du léopard, la peau plissée du rhinocéros, le phénomène des marées, le mode de locomotion des kangourou ou encore les fanons de la baleine.
Seule une des douze histoires est un peu différente et ne joue pas sur le registre des origines (contes étiologiques) mais est plutôt à catégoriser comme un conte de sagesse. Il s'agit de la dernière histoire du recueil, intitulée le Papillon Qui Tapait du Pied et qui traite plus de l'art de se comporter que de l'apparition de telle ou telle chose intrigante.
Je ne suis pas, à proprement parler, une fan de ce recueil, notamment eu égard au vocabulaire utilisé ou à certaines formules répétitives un peu lassantes, de même que la difficulté à lire les histoires seul pour les enfants de cet âge qui aiment à s'essayer eux-mêmes à la lecture. Mais si l'on considère l'époque à laquelle il a été écrit (à l'origine pour la propre fille de l'auteur), il force le respect car la littérature jeunesse n'en était qu'à ses balbutiements et, avec toutes les évolutions apportées depuis lors, il reste d'un niveau acceptable. C'est dire son niveau de qualité en son temps.
Il me reste peut-être à vous confier lesquelles sont mes préférées parmi ces douze histoires. Bien évidemment, je ne saurais que vous conseiller la plus fameuse du recueil, L'Enfant D'Éléphant mais, celle que je chéris encore davantage est probablement le Commencement Des Tatous que je trouve encore très efficace, même un siècle après son écriture. Toutefois, ce que j'exprime ici n'est qu'une critique comme ça, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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De jolis contes à raconter aux enfants et aux adultes.
Une sensation des contes des mille et une nuits.
Une jolie petite découverte. C'est poétique, inventif, imaginatif et imagé...
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"Si" poème de Rudyard Kipling à son fils
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !
(Pages 53 et 54 de l'album)
[Kippling a écrit ce poème à l'attention de son unique fils, John, âgé alors de 13 ans, en 1910. Ce dernier meurt lors de son premier assaut, durant l'attaque de Chalk Pit Wood à la bataille de Loos en 1915. Son corps ne fut pas retrouvé. Jusqu'à sa mort en 1936, Rudyard Kipling procéda à des fouilles dans la région pour retrouver les preuves de sa mort ou la dépouille de son fils. Il inventa l'inscription qui figure sur la tombe des soldats inconnus britanniques : "Known unto God" (Connu seul de Dieu). En 1991, la tombe du lieutenant John Kipling fut enfin identifiée de manière concluante...]
IF you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you,
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting,
Or being lied about, don't deal in lies,
Or being hated, don't give way to hating,
And yet don't look too good, nor talk too wise:
If you can dream - and not make dreams your master;
If you can think - and not make thoughts your aim;
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you've spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
And stoop and build 'em up with worn-out tools:
If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: 'Hold on!'
If you can talk with crowds and keep your virtue,
' Or walk with Kings - nor lose the common touch,
if neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute
With sixty seconds' worth of distance run,
Yours is the Earth and everything that's in it,
And - which is more - you'll be a Man, my son!
— Ce n'est pas ça que tu m'as dit qu'elle avait dit tout à l'heure, dit Jaguar Moucheté en suçant sa patte pelote, afin d'en tirer les piquants. Tu m'as dit qu'elle avait dit tout à fait autre chose.
— Eh bien, une supposition que tu dises que j'aie dit qu'elle aurait dit tout à fait autre chose, je ne vois pas quelle différence ça fait ; parce que si elle a dit ce que tu dis que j'ai dit qu'elle avait dit, c'est la même chose que si je disais ce que j'ai dit qu'elle avait dit. D'un autre côté, si tu crois qu'elle a dit que tu devais me dérouler avec une cuiller, au lieu de me pétrir en chair à pâté avec tes pattes dans mon écaille, qu'y puis-je faire ?
— Mais tu viens de dire que tu voulais être retirée de ton écaille avec mes pattes, dit Jaguar Moucheté.
— Si tu veux te donner la peine de réfléchir, tu verras que je n'ai rien dit de pareil. J'ai dit que ta mère avait dit qu'il fallait me sortir de mon écaille, comme avec une cuiller, dit Courtaude Pataude.
LE COMMENCEMENT DES TATOUS.
Or, il y avait un éléphant - un éléphant tout neuf - un enfant d'éléphant - plein d'une insatiable curiosité; cela veut dire qu'il faisait toujours un tas de questions. Et il demeurait en Afrique, et il remplissait toute l'Afrique de ses insatiables curiosités. Il demanda à sa grande tante l'autruche pourquoi les plumes de sa queue poussaient comme ça; et sa grande tante l'autruche le cogna de sa dure, dure patte. Il demanda à son gros oncle l'hippopotame pourquoi il avait les yeux rouges; et son gros oncle l'hippopotame le cogna de son gros, gros pied. Il demanda à sa maigre tante la girafe pourquoi elle avait la peau tachetée, et sa maigre tante la girafe le cogna de son dur, dur sabot; et il demanda à son oncle poilu le babouin pourquoi les melons avaient ce goût-là, et son oncle poilu le babouin le cogna du revers de sa main poilue.
Il posait des questions à propos de tout et tous ses oncles et tantes le cognaient; ce qu'il ne l'empêchait pas de rester plein d'une insatiable curiosité.
[Le marin vient d'être avalé par la baleine!]
Mais le Marin, cet homme d'infinie-ressource-et-sagacité, à peine arrivé au fond du placard à provisions sombre et chaud de la Baleine, se mit à taper des pieds et sauter, à cogner et frapper, à gigoter et danser, à tambouriner et frétiller, à marteler et mordiller, à bondir et mugir, à beugler et hurler, à trépigner et piétiner, à pleurer et soupirer, à ramper et bramer, à marcher et gratter, à danser la matelote partout où il ne fallait pas, tant et si bien que la Baleine se trouva fort contrariée.
(Comment la baleine a eu son gosier)
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Quel roman d'apprentissage, devenu un classique, mêle à la fois la critique du colonialisme et l'éloge de l'éducation ? Par l'auteur du « Livre de la jungle » ?...
« Kim », De Rudyard Kipling, c'est à lire en poche chez Folio.