En vue de mon voyage au Rajasthan, j'ai retrouvé un livre qui m'avait été offert quand j'avais 6 ans. Et que je n'avais pas lu depuis, mais qui m'a sans doute donné la passion des éléphants, animaux d'une mémoire et d'une intelligence remarquables, le roi des animaux selon
Kipling.
Ce sont des nouvelles basées en Inde, dont deux seulement parlent des éléphants, d'une manière magistrale, les deux dont je vais parler.
1- un soldat irlandais buvant pas mal, s'affronte à un éléphant, le tape sur la tête pour le calmer, encore et encore. le mahout (cornac) sait que si l'animal détruit tout dans sa fureur, ce n'est pas parce qu'il malade, mais parce qu'il considère que le travail qu'on lui demande n'est pas digne de lui. Sa force est dans sa tête, dit il, et il pourrait tuer tout le monde s'il le voulait. le soldat frappe donc pour arrêter la destruction, la boisson lui faisant minimiser les risques. L'éléphant « comme une vieille dame sourde avec son cornet acoustique, » avait repéré le soldat, il le poursuit, jusqu'à ce que ce dernier se retrouve sur son dos. le soldat frappe donc, tape avec son fusil, puis il le caresse, il le flatte avec des mots doux, lui parle comme à un fils, le félicite lorsque l'éléphant trouve la force de se battre contre deux éléphantes venues le mettre au pas : une mutuelle appréciation lie désormais les deux personnes, car, dit
Kipling, les indiens « traitent ces bêtes comme des personnes, comme si c'était vrai. Et au fond ce sont des personnes. »
L'amitié se révélera encore plus forte lorsque le même éléphant bloque un défilé en temps de guerre. Et les mahouts qui comprennent le langage des éléphants ont compris qu'il demandait la présence d'un ami ( ami qui pourtant ne peut se déplacer car gravement blessé, puis qui décide d'aller parler à Malachi). Avec grande tendresse et délicatesse, l'éléphant se couche, recueille le soldat son ami, prêt à s'évanouir, et fonce hors du défilé, avec un joyeux son de trompette et les hourra des autres.
2- Comme pour les hommes, il existe des castes chez les éléphants, basés sur leur savoir et leur fierté, et les meilleurs de ces rois appartiennent en premier lieu aux rois. Mais, nous dit avec malice
Kipling, « comme l'Angleterre gouvernait le pays », un mahout ivrogne put continuer de posséder et faire travailler un seigneur éléphant, nommé Moti Gul. Ils s'aiment, ces deux là, bien que l'homme frappe l'animal, le maltraite, et à la fois lui dit des mots d'amour, le lave avec attention et lui donne de l'alcool. Lorsque son maitre part, l'éléphant refuse de travailler et le fait avec beaucoup d'astuce : d'abord il se rebelle, trotte à travers le champ à défricher en se moquant des autres éléphants qui étaient assez bêtes pour travailler, et il charge, les oreilles dressées, l'homme blanc qui prétend le mettre au pas. « Puis il resta devant la maison, tout secoué par un rire intérieur, heureux de cette plaisanterie, comme peut l'être un éléphant »
Lorsque les éléphants dressés à battre les récalcitrants avec des chaines, mais dont on a coupé les défenses, sont dirigés vers lui, il cherche où faire entrer ses propres défenses et fait fuir les deux monstres.
Kipling s'extasie sur le coté rebelle de Moti Gul , qui se moque de ses compères arrachant les souches. « Il disait des bêtises à propos du travail et des droits inaliénables des éléphants à une longue sieste ». et quant à la mesure de rétorsion, lui couper les vivres, il la détourne en prenant dans ses pattes un bébé, sachant que la peur ferait plier le blanc.
Fin heureuse, son maitre revient, et Moti Gul reprend le travail.
Les éléphants , dont
Aristote disait qu'ils surpassaient tous les animaux en sagesse et en intelligence, sont aussi de grands farceurs, de tendres amis, des rebelles futés. Des personnes particulières.