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EAN : SIE261075_945
J'ai lu (30/11/-1)
3.38/5   13 notes
Résumé :
" Bataillon disciplinaire " nous restitue, pendant la seconde guerre mondiale, la morne atmosphère de l’immensité des steppes russes où la vie humaines avait le moins de prix pour les soldats ordinaires. Alors dans les bataillons disciplinaires…
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Etoiles Notabénistes : *****

Die Nacht der Generale
Traduction : Pierre Kamnintzer

ISBN ; Non usité à l'époque (Edition J'ai Lu - 1965)

Avant tout, je tiens à prévenir tous ceux qui tomberaient sur la même édition que l'exemplaire que j'en possède se singularise par un nombre de coquilles plus élevé qu'à l'habitude. Ce qui peut parfois agacer. ;o)

Ce roman de H. H. Kirst, par ailleurs créateur du caporal Asch et auteur de "La Fabrique des Officiers", a donné naissance à un film d'Anatole Litvatk qui, si mes souvenirs sont bons, date de 1967 et vaut essentiellement par l'interprétation, glaciale, imposante, dérangeante parfois et bien dans le ton du roman, de Peter O'Toole dans le rôle du général Tanz. Hollywood oblige, le film s'attarde complaisamment sur l'intrigue criminelle - l'assassinat, particulièrement sadique, de prostituées en temps de guerre. Les cinéphiles préféreront sans doute le conflit qui oppose le personnage joué par O'Toole à celui interprété par Omar Sharif. Là encore, O'Toole domine.

Le roman, lui, apparaîtra sans conteste à la fois plus subtil ainsi que plus ambitieux. Au reste, il est plus que jamais d'actualité. Il possède même une sorte d'intemporalité dont Kirst, qui espérait sans nul doute avoir assisté à la "der des der", n'avait peut-être pas conscience. L'auteur a pour volonté évidente de démontrer que la guerre est, pour tout être humain, et en particulier les individus de sexe mâle, l'occasion rêvée de donner libre cours à leur sadisme. Mais Kirst n'entend pas par là le sadisme occasionnel, cette manifestation de notre personnalité qui gît au plus secret de notre cerveau reptilien et que la folie du sang et du combat est capable de réveiller chez le plus pacifique des hommes (et la plus douce des femmes). Non, ce qui l'intéresse, c'est le sadisme pathologique qui, pour une raison ou pour une autre, a émigré du cerveau reptilien vers des zones de plus en plus étendues du cerveau tout entier. Ce qui se résume à ceci : rien ne vaut la guerre pour les psychopathes, qu'il s'agisse du menu fretin ou, comme ici, d'une haute personnalité, par ailleurs, stratège impeccable et combattant valeureux.

Le premier meurtre recensé par les Services de Sécurité allemands se déroule à Varsovie, en 1942. La victime : une prostituée qui cherchait à survivre. L'assassin ? Ah ! là, c'est plus compliqué. On sait qu'il était seul et l'on a écarté les souteneurs et les gens de la pègre. de fil en aiguille, l'enquêteur Grau, alors major, resserre sa nasse autour de sept généraux. Parmi ceux-ci, quatre ont des alibis en béton armé. Ne restent plus que le général von Seydlitz-Gabler (Herbert de son petit nom, comme ne cesse de l'appeler sa tendre épouse, Wilhelmina ), un militaire de la vieille école et qui est toujours, ainsi qu'il le souligne plus d'une fois avec une finesse qu'on n'attendrait guère du personnage, "au service de l'Allemagne" (vous noterez la différence, qui lui permettra, malgré son passé au service du Führer, de retomber très habilement sur ses bottes en RFA) ; le général Kahlenberge, spécialisé dans les relations entre les divers services de sécurité militaire (et policière), un chauve élégant, sarcastique et qui goûte une joie sans mélange à son rôle d'éminence grise ; et enfin le général Tanz, raide et droit comme la Justice incarnée, chef de la division Nibelungen, adoré jusqu'au fanatisme par certains ses soldats, haï par d'autres - au point qu'ils aimeraient bien le voir rester sur le champ de bataille - en raison de ses manies obsessionnelles, de son caractère impitoyable et du manque total d'empathie dont il semble souffrir. Tanz sera d'ailleurs l'un des responsables de l'opération de "nettoyage" du Ghetto de Varsovie.

Mais le goût pour l'alcool et la pleutrerie de von Seydlitz-Gabler, la jouissance de tirer les fils de ceux que, quel que soit leur grade, il ne considère que comme des pantins qui caractérise Kahlenberge et enfin la personnalité, indéniablement charismatique mais tout aussi sombre de Tanz, ne suffisent pas à déterminer avec exactitude lequel des trois est l'auteur du crime ...

Et il en sera de même lorsqu'un nouvel assassinat est commis, cette fois en juillet 1944, alors que les trois généraux sont réunis par le hasard à Paris. de même que la liquidation de Varsovie et de son Ghetto servait de toile de fond au premier assassinat, le second prend place en plein complot de certains généraux contre Hitler. Kahlenberge eût souhaité voir y participer von Seydlitz-Gabler, lequel, toujours prudent, élude avec une grâce éléphantesque des appels du pied aussi compromettants. Demander la même chose à Tanz serait par contre tout à fait impossible. D'ailleurs, en ce moment, le général n'est pas en service mais en vacances dans la capitale française. Ce bourreau de travail a en effet été sommé par ses chefs de prendre un peu de repos. le lecteur réalise alors que Tanz, bien que dûment cité en exemple sur le plan du courage et de l'intelligence au combat, est aussi l'objet d'une étrange sollicitude de la part de l'Etat-Major suprême dont les membres, représentés ici par le colonel Sandauer, semblent toujours redouter plus ou moins qu'il ne "craque" et ne se mette à se comporter de façon excentrique ...

Bizarre, c'est plutôt le mot qu'appliquerait à Tanz son nouvel ordonnance, le caporal Hartmann qui, entre parenthèses, entretient depuis Varsovie, avec Ulrike von Seydlitz-Gabler, une correspondance amoureuse suivie et la rejoint désormais à Paris dans des "caves" plus ou moins branchées, comme on ne le disait pas encore à cette époque. Bizarre, difficilement compréhensible, voire inquiétant et peut-être même malade ...

En entrant aux ordres de Tanz pendant le temps de congé de celui-ci, Hartmann ne sait pas qu'il met alors son avenir en jeu. Pas plus que Tanz, de son côté, ne sait qu'il vient de rencontrer le grain de sable qui, à long terme, le conduira à sa perte ...

Je ne vous raconterai pas le reste de l'intrigue. Ce qu'il est important de retenir de ce livre, c'est la démonstration qu'a tentée, avec plus ou moins de réussite, d'y faire Kirst : son Général Tanz est une personnification de la Guerre et, bien qu'il n'appartienne pas à la S. S., de la Guerre dans tout ce qu'elle a de plus atroce et de plus pervers, c'est-à-dire lorsqu'elle perd complètement la raison. L'auteur nous met en garde car, des Tanz, il est clair qu'il y en a toujours eu et qu'ils n'ont pas été le monopole de l'Allemagne nazie.

Mais le pire, c'est qu'il y en aura encore et encore. Efficaces, d'un sang-froid à toute épreuve, souvent plus intelligents que le commun de la troupe, n'hésitant pas à montrer l'exemple par leur courage du moment qu'il s'agit de tuer l'ennemi, goûtant à l'acte de mort non pas le soulagement en quelque sorte "normal" que peut ressentir un adversaire voyant s'écrouler devant lui ceux qui risquent de l'emporter sur l'avancée ou la défense de sa patrie, mais la volupté immense et à mille lieues de toute contingence humaine de tuer et de tuer encore pour le seul plaisir, en s'abritant derrière un uniforme et une idéologie dont, en réalité, ils ne se soucient absolument pas, ces gens-là ne sont que des psychopathes qui, sans la guerre, auraient sans nul doute trouver un autre moyen de céder à la seule passion qui les anime : voir couler le sang, faire le mal, entailler et découper le plus profondément possible. La Guerre les attire comme un cadavre attire les vautours. La Guerre les protège et les absout sans en avoir conscience ou, pire, en détournant les yeux de leurs actes tant que ceux-ci peuvent la servir. Que de parfaits innocents, qui ne sont pas des combattants ou des ennemis à proprement parler, en fassent aussi les frais, cela n'est grave ni pour la Guerre, cette abstraction qui agit pour L Histoire, ni pour ceux qui la déclarent et la dirigent et qui, eux, malheureusement, sont bel et bien des humains comme vous et moi.

Certes, de temps en temps, s'élèvent, pour essayer de contrer ces psychopathes privilégiés, des hommes comme Grau (récompense : une balle dans la tête), comme Kahlenberge ou encore comme Hartmann, bien sûr. Mais, dans ce tourbillon qu'est la Guerre, combien de psychopathes comme celui dont vous avez deviné le nom (je vous signale que celui-ci est révélé dès l'assassinat de Paris) échappent aux mailles du filet et filent se chercher un nouvel abri, quelque part, là-bas, dans l'un des coins de ce monde où, si la Guerre s'est endormie pour un temps, la Corruption la plus absolue peut les protéger avec autant d'efficacité et leur permettre de s'adonner, encore et toujours, à leur obsession de tuerie et de torture ? ...

La prose de Kirst n'est peut-être pas à la hauteur de l'ambition qu'il avait pour son roman. Il n'en parvient pas moins à nous faire passer le message - un message qui ne cessera jamais d'être d'actualité. Bonne lecture ! ;o)
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Qui se souvient du long métrage qu'Anatole Litvak adapta en 1967 de « La nuit des généraux », un roman signé Hans Hellmut Kirst en 1963 ? Dans une atmosphère trouble, malsaine, presque nauséabonde on trouvait, dans les rôles principaux, un Peter O'Toole rien moins qu'inquiétant voire effrayant, dérangeant et glacial ; un Omar Sharif aux intentions énigmatiques, obstiné, téméraire et obsédé par la Vérité et la Justice ; un Philippe Noiret (Prévert dans le roman, Morand dans le film) opportuniste, mais semble t'il du côté clair de la Force. J'avais vu (et revu) le film, me promettant de lire le roman dès que l'occasion se présenterait. Si le synopsis est peu crédible (quoique certains lui accorde un pan d'authenticité), de gros morceaux de suspense collent au récit, le tout vire au page-turner frénétique, on a hâte d'enfin savoir. La belle trouvaille est d'avoir habillé le récit de la Grande Histoire en marche. Voici le livre enfin sous mes yeux, en édition française originale qui plus est, paru chez Robert Laffont, collection « Pavillons » (1963).

Qu'en est t'il, à mon goût, du parallèle roman/long métrage ?

Le film est assez fidèle au roman, si ce n'est que la partie finale (même si la mise en abime finale est inchangée) est remodelée, heureusement simplifiée via une tournure autre des évènements. Là où Hans Hellmut Kirst a, pour conclure, convoqué la RDA de la Guerre Froide et son appareil policier, militaire et diplomatique complexe, Anatole Litvak nous invite post WW2 au traditionnel banquet nazi à l'issue fatale, à l'heure où se règlent les comptes. Ma préférence va au choix brutal du réalisateur quand le romancier se perd dans des circonvolutions inutiles de roman d'espionnage.

Premier niveau de lecture. C'est un thriller historique. Les uniformes allemands de la seconde guerre mondiale sont de sortie. Version état-major supérieur s'entend, ou presque, on suit des hauts gradés, la piétaille n'étant que chauffeurs, ordonnances, coiffeurs, serveurs, téléphonistes, grooms … point de combattants, ou presque. Les lieux : des palaces réquisitionnés, des boites de nuit, des boites de jazz, des restaurants huppés, des musées … A Varsovie (1942), à Paris (1944) et à Dresde (1956, à Hambourg dans le film), trois généraux allemands, Tanz, von Seydlitz-Gabler et Kahlenberge sont suspectés d'avoir lardé de coups de couteaux trois prostituées, à trois dates différentes et dans trois villes distinctes. Lequel des trois à chaque fois ? le major Grau, de la Sécurité Militaire, mène l'enquête contre vents et marées ; mais tout se complique quand tout se brouille dans l'espace guerrier omniprésent et que le pouvoir militaire est souvent synonyme d'auto-impunité totale.


_ « Voici les noms de trois généraux. Je veux les renseignements complets sur eux.
_Complets, c'est peut-être trop demandé. Sur quoi en particulier voulez-vous être fixé ?
_L'un d'eux a commis un meurtre.
_Un seulement. Mais le meurtre est l'occupation de tous les généraux.
_Alors disons que ce qui est admirable sur une grande échelle est monstrueux sur une petite. Comme il faut que les meurtriers de masse soient décorés, essayons d'appliquer la justice aux petits entrepreneurs ».

(Court dialogue extrait du film ; je ne sais plus si on en trouve l'équivalent dans le roman, ni aussi où l'y chercher quand les deux médias ne suivent pas, à coups de flashbacks, la même linéarité scénaristique)

Un rapprochement est à faire avec les « âmes grises » de Philippe Claudel: pourquoi rechercher un assassin de fait-divers quand la Boucherie de masse des tranchées est légitimée par l'état de guerre ?

Von Seydlitz-Gabler (sa femme, sa fille) est un aristocrate à l'ancienne, il mène grand train (comme le veut son rang) dans les pays occupés ou annexés ; pleutre, jouissif et opportuniste, il avance sans cesse dans le sens du vent. le second, Kahlenberge, plus effacé, prend discrètement part au complot visant Hitler le 20 juillet 1944. le dernier, Tanz, cruel et fanatique, est l'archétype de l'officier supérieur de la Wehrmacht, obnubilé par le respect des ordres qu'il reçoit et ceux qu'il donne ; il est en constante recherche de la Gloire militaire qu'il se sent mériter (peu importe le prix que paient les soldats sous ses ordres).

« La Nuit des généraux » (le roman) est surtout, en deuxième niveau de lecture plus subtil, une étude de moeurs militaires en temps de guerre. Luttes d'influence de salon (la défaite se profile, comment parer aux conséquences). Intrigues (comme) de cour royale où règnent le mensonge, l'hypocrisie, les phrases à double sens, les sous-entendus complexes à décrypter, les mots-clés, les discussions en « trompe-l'oeil ». Partout, derrière les faux-semblants d'actes et de paroles, se sent la défaite à venir. Agir, pourtant, comme si de rien n'était et que le Reich vivait encore ses plus beaux feux. le milieu décrit est vérolé, usé par toutes ces années perdues, à bout de souffle ; on le sent suspendu dans l'instant, en attente fataliste de l'inévitable, comme si de rien n'était.

On a reproché à O'Toole de trop en faire. Au final, il ne sur-joue que peu quand, au fil du roman, il charrie le même charisme inversé et que le lecteur frémit tout autant au rythme des mots que le spectateur sur le fil des images. Noiret, doucereux (çà lui va si bien), nonchalant et prudent, avance ses pions entre Collaboration et Résistance ; on ne lui en veut pas, il est au final le glaive de la justice. Omar Sharif emporte l'empathie malgré son jeu trouble et ambigu.

Seul bémol, la prose à l'oeuvre ne coule pas de source, elle se mérite parfois. Servant un thriller page -turner fébrile, on s'attend à plus de fluidité. Elle est heurtée quand se faufilant dans les lentes arcanes du pouvoir elle demande plus de subtilité. L'auteur, au service de son projet ambitieux, a suivi tant de lièvres à la fois (une intrigue policière sur les traces d'un sadique, un fragment complexe de l'Histoire européenne, une étude de moeurs militaires) qu'il semble parfois perdre le fil de ses ambitions d'origine ou du moins ne plus en avoir vraiment les moyens.

N'empêche, c'est du bon ; la lecture vaut le détour. le fil aussi, tout autant.

Lien : https://laconvergenceparalle..
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1942. Varsovie. Un major de la police militaire est amené à enquêter sur l'assassinat d'une prostituée polonaise. Un témoin affirme avoir vu l'uniforme d'un général allemand. de surcroît, la victime travaillait pour les renseignements nazis. A ce moment, quatre généraux officiaient dans la ville. malgré diverses pressions, l'officier décide de mener ses investigations, tandis que la guerre fait rage de tous côtés et que les exactions se multiplient. Un livre qui mélange deux genres et qui réussit à merveille à entretenir le suspense.
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Varsovie, en 1942. le major Grau, de la police militaire, enquête sur l'assassinat d'une prostituée. La victime était un agent des services de renseignements allemands. Un témoin affirme que le meurtrier portait un uniforme de général allemand. Il identifie bientôt trois suspects. la 1 vint de repasser le film qu'en a tiré Anatole Litvak entre film de guerre et thriller. Un récit porté sur les épaules de Peter O'Toole et servi par la musique obsédante de Maurice Jarre.
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Film tiré en partie du roman de Chase (la culbute)....
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... - "De quoi avez-vous peur, gamins ?"

Le major Sandauer traduisit la question posée en allemand. Les enfants n'osèrent bouger.

- "Je suppose qu'ils ont faim," expliqua le major Sandauer après les avoir dévisagés quelques secondes.

Tanz se tourna vers l'ordonnance.

- "Qu'est-ce que nous avons comme vivres ?

- Deux sandwiches seulement, mon général, au salami hongrois. Votre collation de midi, mon général !

- Le général," expliqua Sandauer, "est invité à midi chez le général commandant le corps d'armée.

- Même s'il n'en était pas ainsi," coupa le général, "je serais disposé à renoncer à ma ration si les circonstances l'exigeaient. Montrez-moi les sandwiches."

Le deuxième ordonnance du général ouvrit d'un doigt fébrile une sacoche de cuir et en retira une serviette blanche. Dans cette serviette se trouvaient enveloppés les deux sandwiches préparés conformément aux ordres. L'ordonnance les présenta au général.

Mais celui-ci n'avait d'yeux que pour les mains qui lui tendaient les pains. Les yeux du général prirent l'éclat d'une couche de neige fraîchement tombée dans un région arctique. Les mains qui tendaient les sandwiches étaient gercées, rugueuses, peu soignées et sales. Le bout des ongles avait une teinte noirâtre et les plis de la peau retenaient de la crasse mêlée de sueur.

- "Sale cochon !" prononça le général.

De sa main gauche, il frappa un coup énergique et dur sur la serviette contenant les sandwiches. Ils roulèrent par terre, sur le pavé de cailloux poussiéreux. Ils dessinèrent dans la grisaille une nature morte aux couleurs vives, le salami, d'un rouge rouillé, le beurre crémeux, le pain blanc bordé d'une croûte brune. Des yeux d'enfants anxieux et pleins de convoitise contemplaient les dégâts.

- "Sale cochon !" répéta le général. "On n'ose même pas offrir ces sandwiches à des enfants polonais !"

Le major Sandauer fit un signe de tête aux gamins en guenilles. Ils se précipitèrent sur les victuailles, se bousculèrent, en remplirent leurs bouches, léchèrent le beurre sur les cailloux. Personne ne leur prêta la moindre attention.

- "Notez : du pain," lança le général à Sandauer. "Peut-être quelques autres vivres. Des sucreries. Ces enfants ont certainement faim. Ils pourront nous fournir des renseignements précieux.

- Tout est noté, mon général !" dit Sandauer.

- "Quant à cet individu malpropre," continua le général en désignant d'un geste méprisant l'ordonnance, "il sera remplacé. Je n'ai aucune envie de garder à mon service un cochon. La semaine dernière déjà il a osé m'offrir un verre malpropre qui avait déjà servi. Il a égratigné mon ceinturon et essayé de graisser mon masque à gaz. Il ne sait distinguer le haut et le bas de mes couvertures. Et voilà qu'il me présente des sandwiches avec des mains d'une saleté telle qu'on dirait qu'il vient de déterrer sa grand-mère.

- Il sera remplacé," se dépêcha d'affirmer Sandauer, toujours plein de zèle.

- J'attends de mes hommes la propreté physique et morale," tonna le chef de la division. "Est-ce clair ?

- Oui, mon général !" répondit l'ordonnance dont les heures au service du général étaient comptées. Il avait l'air soulagé d'échapper à l'honneur de servir ce chef de guerre peu commode. ... [...]
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[...] ... Paul-Victor Magron, à l'époque inspecteur à la police criminelle de Paris, sous les ordres de M. Prévert. Actuellement commissaire, quelque part dans le midi de la France.

La guerre a le même effet sur la criminalité que le printemps sur la croissance des plantes.

Ne me demandez pas, après tant d'années, de vous fournir des détails sur cette affaire. A cette époque, le nombre de filles publiques était énorme. La mortalité parmi elle était également très grande.

On assassine bien plus souvent une prostituée qu'une maîtresse de maison ou qu'une employée de bureau. Les mobiles de ces meurtres sont en général l'assouvissement d'une vengeance ou la cupidité. Il existe aussi des crimes passionnels qu'on ne doit pas assimiler à des crimes sexuels. Bref, nous avons eu à traiter des centaines de ces cas. Cependant, la découverte du crime de la rue de Londres a fait sensation. Tous les crimes, monsieur, ont un côté inhumain mais celui-là était bestial.

A quoi s'ajoute le fait que certains indices nous amenaient à croire que ce crime avait été commis par un membre de la Wehrmacht allemande. Par conséquent et fort heureusement, l'affaire, de ce fait, n'était plus de mon ressort. Conformément aux instructions reçues, j'ai donc signalé ce crime aux services qui assuraient la liaison entre les autorités françaises et allemandes.

Vous avez nommé Prévert. Je tiens à vous faire remarquer que ce n'est pas moi qui ai parlé de ce personnage.

Le médecin-major Dr Martin Volges, à l'époque affecté à la division des Nibelungen - aujourd'hui directeur d'une clinique à Hambourg.

Je suis interne des hôpitaux. J'ai quelques connaissances en matière de chirurgie. Mais je ne me suis jamais sérieusement occupé de psychiatrie ou de psychanalyse. J'insiste particulièrement sur ce fait.

On ne peut pas dire que l'ancien général Tanz ait été l'un de mes malades. Si mes informations sont exactes, le général refusait systématiquement toute assistance médicale. Dans quelques cas isolés - cinq au maximum - le général Tanz a eu recours à mes services. Aucun examen approfondi n'a été pratiqué à ces occasions. Le général Tanz se plaignait simplement de maux de tête et d'insomnies. Je lui ai prescrit les remèdes usuels. Je ne peux rien dire d'autre. Je n'ai jamais examiné le général Tanz. Sous réserve du résultat éventuel d'un tel examen, je ne puis qu'affirmer que l'état de santé du général Tanz était ce qu'on peut appeler normal.

Je déclare en outre que je n'avais aucune raison précise de supposer que le général Tanz pouvait être affecté de quelque maladie rare ..." ... [...]
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