Naruto, tome 26 : Séparation

"Naruto" c'est vraiment le manga de la génération 2000 (bien plus que "One Piece" car on peut difficilement s'identifier à un homme caoutchouc à chapeau de paille), mais il est autant acclamé comme héritier de "Dragon Ball" que décrié comme manga pour kikoos. Et au final, tout le monde a raison…

Masashi Kishimoto rafraîchit, modernise et améliore le mythe du ninja en piochant dans la boîte à outil léguée aux mangakas shonens par Akira Toriyama, mais avec un style graphique propre plutôt plaisant pas très éloigné de celui de Yoshihiro Togashi. Et je crois même que plus on connaît sa culture ninja, et plus on apprécie le côté rafraichissant de Naruto qui puise plus dans les grands romans de Fūtarō Yamada et les grands gekida des années 60/70 que dans "Le Collège des ninjas" (remember Nicolas, le ninja adolescent ayant des problèmes de surpoids)… Mieux, Naruto ce héros auquel personne ne croit, marche dans les pas de Kamui, le ninja aïnou d'Hokkaido qui bien que haï par les siens s'était fait le défenseur de le veuve et de l'orphelin (et des oubliés du Japon du boom Izanagi, le miracle économique japonais, mais ceci est une autre histoire).
Je n'ai jamais eu de problème avec les furyos et les bozokus des années 80, les voyous et les racailles des années 90, mais les branlous je-m'en-foutistes des années 2000, appelés yankees au Japon, m'ont toujours prodigieusement gonflé… Et là aucun souci avec Naruto le cancre de la classe qui cherche à attirer l'attention sur lui avec ses pitreries : il est parfait pour le public ciblé, car le héros grandit en même temps que ses lecteurs ce qui fait de Naruto un chouette émule d'Harry Potter (sauf que la saga "Harry Potter" s'étend sur 10 ans et que la saga "Naruto" s'étend sur 15 ans… 5 ans de différence c'est beaucoup quand on a 18 ans). D'autant plus qu'on nous refait le coup du Héros aux mille et un visages avec un adolescent orphelin qui se bat pour les forces du Bien ! Et puis on prend plaisir à faire connaissances avec les personnages et leurs pouvoirs, et à les voir évoluer. Pour ne rien gâcher, l'apparition de chaque méchant est un petit événement…

Les tomes sont initialement bien remplis, bien rythmés et bien dosés. Là je redécouvre les premiers tomes et j'ai vraiment envie de me sentir narutard, mais je sais comment se termine la saga : en eau de boudin avec des ninjas zombies, un grande guerre ninjas qui se résume à 3 personnages, et un combat final de 14 tomes avec le méchant le plus débilement compliqué de l'histoire du manga et le pire boss à tiroir de l'histoire du manga… VDM
Du coup je ne pas m'empêcher qu'avec un tel désastre le ver était dans le fruit dès le départ, et effectivement dès le tome 1, Masashi Kishimoto vend la mèche : il est influençable donc se laisse dicter son histoire par ses éditeurs... Donc dès le tome 1 on adjoint au héros Naruto deux compagnons d'armes qui comme ils ne viennent pas de son imaginaire peut difficilement échapper aux stéréotypes :
- Sasuke… le beau gosse ténébreux et mystérieux au lourd passé, OK c'est un cliché. Il n'est pas raté mais on ne peut pas aller bien loin avec ça. Pour rattraper le coup, Masashi Kishimoto a voulu en faire un Végéta inversé et l'idée était bonne (allié puis ennemi au lieu d'ennemi puis allié), mais force est de constater que c'est complètement raté, Sasuke geignant comme un ado en crise et changeant d'avis comme de chemise aux moments critiques.
- Sakura… J'ai pitié pour elle parce que malgré tout elle est sympathique, et puis elle rencontre son petit moment de gloire dans la forêt de la mort. Son rêve : emballer le BG de la promo, juste parce qu'il est BG… (soupirs) Elle suit un régime parce qu'elle se trouve trop grosse, mais déplore de ne pas avoir ce qu'il faut là où il faut et fait de la dysmorphophobie au sujet de son front. (soupirs) Elle passe son temps en retrait à encourager ses compagnons, et marche à fond dedans à chaque fois qu'ils lui disent qu'elle douée et indispensable. C'est festival de clichés shonens sur les filles présentées comme fragiles et puériles : il y a du boulot pour en faire un personnage intéressant, et la comparaison avec ses paires dans les autres séries mangas fait vraiment très mal !
Après je ne suis pas fan des univers achroniques, ici des ninjas en survêtement Adidas qui écoutent de la musique sur leur lecteur mp3 avant de prendre une bière au frigo ou de réchauffer un ramen au four micro-onde… Pour être efficace ou tu fais du ninja classique ou tu fais du ninja moderne (comme les action movies des années 80/90, mais en mieux s'il vous plait). le mangaka essaie de faire un parallèle entre le monde des ninjas et celui du terrorisme / contre-terrorisme en faisant de ses personnages les membres de commandos d'élite au service des grandes puissances. Mais tout cela est hors-sol tellement l'univers développé tient sur un post-it. Ce n'est pas gênant en soi mais cela limite grandement le potentiel d'évolution d'un manga de 72 tomes !

Univers de Potemkine, héros archétypal, personnages stéréotypés puis clonés… On n'aurait pas dû aller très loin avec cette formule, pourtant le miracle eut lieu puisque le manga est cool est fun pendant une tripotée de tomes, mais il aurait vraiment dû s'arrêter sur la confrontation finale entre Naruto et Nagato (comme "Dragon Ball" aurait dû s'arrêter sur la confrontation finale entre Gohan et Cell).


Dans ce tome 26 la confrontation entre Naruto et Sasuke se poursuit et se conclue :
- Naruto veut prouver qu'il est le plus fort pour obliger Sasuke à retourner au village caché de Konoha et n'hésite pas à piocher dans le chakra rouge de Kyubi pour alimenter ses « rasengan »
- Sasuke veut prouver qu'il est le plus fort pour montrer qu'il a raison de quitter Konoha pour rejoindre Orochimau et n'hésite pas à recourir au pouvoir de sa marque pour alimenter ses « mille oiseaux »
Et Masahi Kisihimoto met du pathos avec un Sasuke hanté par les derrière paroles de son frère Itachi : « si tu veux devenir plus fort, il te faudra tuer ton meilleur ami ! » Sasuke va-t-il tuer Naruto ? Suspens !
Tout est fait pour mettre en parallèle les destins de Naruto et Sasuke, mais si cela avait très bien marché avec Gaara du désert ici c'est un peu bancal pour la simple et bonne raison que les deux personnages n'ont ni la même histoire, ni les mêmes motivations, ni les mêmes objectifs… (Raillés par leur clan respectif, Naruto et Gaara veulent gagner la reconnaissance de leurs pairs alors que Sasuke veut juste buter son frère Itachi)

Le tome se finit par un épilogue à l'infirmerie de Konoha. Shikaku Nara est définitivement le personnage le plus censé de la série puisqu'il passe un savon à Tsunade d'avoir jouée à l'apprentie sorcière en ayant envoyé des ninjas aussi jeunes et inexpérimentés à la poursuite des champions d'Orochimaru. Sinon début d'une idylle entre Shikamaru et Temari ? ^^

Sans surprise, ce tome est vraiment dans l'émotionnel du début à la fin. Je n'en attendais pas moins et j'ai été servie. Je ne voyais pas de toute façon comment Masashi Kishimoto pouvait faire autrement, surtout après tant de tensions. Et le tout est vraiment très bien géré surtout à la fin. C'était d'ailleurs sur ce point là que j'attendais le mangaka au tournant. Pour moi, cette séparation devait être traité avec finesse mais surtout sans "coupure" définitive. Sans une ombre d'espoir, je voyais mal comment tout cela pouvait être développé par la suite. Rien ne sera facile, il y aura des moments qui seront sans aucun doute très difficile, mais dans l'ensemble, j'entrevois un futur, et c'est plutôt chouette.

Une très grande partie du tome est consacré à l'affrontement entre Sasuke et Naruto. Il y a quelques phases de discours et surtout de tentatives de raisonnement de notre héros, mais l'ensemble est surtout basé sur le combat. Et quel combat ! Ce n'était pas un moment de plaisir, voir les deux amis combattre est même assez douloureux, mais on peut voir aussi combien ils ont évolué et aussi de quelle puissance ils sont capables. Et entre Naruto qui exploite vraiment plus Kyubi et Sasuke qui passe en mode transformation, ça envoie du lourd ! J'ai surtout aimé cet affrontement pour Naruto. Kyubi n'est pas fou, et il sauve sa peau en même temps que celle de Naruto, mais voir les deux agir "ensemble" est super. J'aimerai maintenant qu'on exploite plus cette relation. A savoir est-ce que Kyubi a pu un peu "s'attacher" à son hôte, ou bien a-t-il seulement de la haine pour lui pour le retenir prisonnier, d'une certaine façon ? Personnellement, cela m'intrigue beaucoup, surtout que si leur relation tend vers la coopération... Naruto sera pratiquement imbattable.

La fin du tome est douce amère, avec comme je l'ai dit, un peu d'espoir mais aussi beaucoup de tristesse. Masashi Kishimoto gère très bien la transmission de ces sentiments à travers son dessin. Ce n'est pas évident, surtout dans un shonen, et qui plus est sans aller dans le pathos. Il arrive aussi à garder la personnalité de Sasuke "intacte". Ses actes tout au long de ce tome ne sont pas en contradiction avec ce qu'il est dans sa globalité. le passage à l'hôpital est aussi top. Il permet de clôturer complètement cet arc, en mettant en avant l'équipe médicale et du coup Tsunade et son assistante, mais aussi en voyant Shikamaru prendre conscience de cette mission avec ses succès et ses échecs.

Voilà, après les révélation dans le tome précédent, c'est enfin l'heure du combat le pus attendu de la série. Tout est parfait, les techniques sont toutes plus originales les unes que les autres, le dessin est absolument magnifique quoique un peu brouillon par moment, mais c'est très rare.

Le final est très triste car Narutot perd ici, celui qu'il avait longtemps considéré comme un ami, et qui au final rejoint le clan d'Akatsuki. Naruto se retrouve donc seul, une fois de plus.

On sent que le premier arc touche à sa fin, ce n'est pas plus mal car 26 tomes c'est énorme pour un arc. Encore un tome ou deux et on passera à autre chose.

Le moment est venu de l'affrontement entre Sasuke et Naruto.

Pour moi, un des plus beaux tomes de la série pour de multiples raisons.

Visuellement d'abord avec des vignettes de combats où nous sentons la puissance des deux personnages, où la tension monte mais aussi des vignettes où l'émotion est très bien représentée.

De l'émotion, cela ne manque pas et il fallait s'en douter.
Comment l'éviter avec un combat opposant deux rivaux mais surtout deux amis...deux frères.
Et puis Naruto a toujours le don de trouver les mots qui vous touchent.

Et enfin, ce combat que l'auteur a, pour moi, très bien maîtrisé.
Pas besoin de dire qu'il était attendu au tournant car c'est un duel important mais Masashi Kishimoto s'en est très bien sorti.
Visuellement comme je le disais plus haut mais aussi avec une coordination de la "danse" des adversaires, le maintien de la tension et la puissance qui monte graduellement jusqu'au final "éblouissant".

La mission "recuperer Sasuke" s'acheve enfin. Naruto et lui ont tranché leur lien. La pilule est dure à avaler, mais c'est sans compter sa résolution.

Après une course poursuite à vive allure, l'auteur insère un petit temps mort. Il dose vraiment bien son rythme.

Bon moment de lecture.