Aurore

Ampoulé, ça veut dire "compliqué, pas clair", contrairement à une ampoule qui, elle, éclaire, allez savoir pourquoi.

Mes parents ne se regardent pas trop. J'ai l'impression qu'ils ne se voient pas. Enfin si, ils se considèrent du coin de l'oeil comme on surveille une table ou une marche d'escalier. A mon avis c'est juste pour éviter de trébucher l'un sur l'autre.

Qu'il s'agisse de Slim an, si différent de moi, venu totalement d'ailleurs, avec ses coutumes à lui, sa façon de voir la vie ou de comprendre les étoiles, ou qu'il s'agisse de Constance ma soeur, élevée par les mêmes parents, dans la même maison, dans le même pays, ça revenait au même:l'autre, c'est tout le monde sauf moi. Et pour le monde entier, je suis l'autre. Donc moi, je suis l'autre; et par conséquent l'autre c'est moi. Tout le monde est moi. Je suis tout le monde.

Il y avait une telle gravité dans leurs voix que j'en ai lâché mon coton-tige .
J'ai vite posé mon pied dessus pour étouffer le bruit meurtri de la ouate et j'ai tendu mes oreilles encore un peu plus près des escaliers . P.26

Pa exemple , j'espère toujours que la boulangère va me donner la plus grosse tranche de tarte aux pommes . Je la regarde exprès en salivant . ( La tranche , pas la boulangère .) Mais cette mégère n'a aucune compassion pour l'ado constamment affamée que je suis .
J'aimerais bien lui faire avaler sa levure , pour voir si ça lui fait gonfler le coeur un peu . P. 14-15

Ma mère a respiré un grand coup et a changé de sujet :
_ Bon , les filles , vous voulez aller à la mer cet été ?
Là , c'en était trop , j'ai explosé :
_ Laquelle de mer ? La mer Méditerranée ou la mère adoptive ?
Mes parents sont restés bouche bée .
_ La mer comment ? a demandé Constance .
_ ADOPTIVE ! j'ai hurlé . P.54

C'est peut-être ça grandir. Plus la vie nous cabosse à l'intérieur, plus au-dedans, on s'adoucit.

Grand-papa parle bas et peu. Mais il écoute drôlement bien.

J'essayais de gagner du temps pour rester un peu dans cet entre-deux très agréable, calée entre mon désir grandissant de rentrer chez moi et la peur que chaque pas qui me rapprocherait de ma maison m'éloignerait un peu pus de ces moments passés avec Sliman. Ce mouvement de balance entre ces deux sentiments rendaient mon cœur et mon corps vivants, et j'aimais ça par-dessus tout.

Une rivière de douleur qui remontait de mes oreilles à mes tempes, de mes tempes à ma gorge, et allait se jeter violemment dans le puits trop étroit de mon coeur.