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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelle vie !
Ou plutôt, quelles vies !
Car ils sont deux et indissociables dans leur vie et dans leurs combats.
Une jeune Allemande et un Français juif, fils de déporté assassiné à Auschwitz.
Deux personnes qui n'étaient pas destinées à se rencontrer, encore moins à s'aimer.
Et pourtant, ils vont former un couple exceptionnel : deux êtres qui se complètent merveilleusement et vont accomplir des choses hors du commun.
Une magnifique synergie.
Serge : "Aucune autre femme ne m'aurait apporté ce que Beate m'a offert dans notre vie privée et dans notre vie publique. Ensemble nous sommes unis, forts et heureux ; l'un sans l'autre, nous n'aurions probablement pas produit grand-chose. Elle me doit beaucoup, et moi, je lui dois beaucoup plus encore..."
Beate : "Sans lui, sans son engagement total et discret à mes côtés, sans sa permanente énergie, qu'aurais-je pu faire ? Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne ; Serge m'a aidée à vraiment devenir une Allemande."
Ils racontent leur vie dans cet épais volume.
Ils rédigent à deux. Deux voix qui s'unissent à merveille.
Tout commence par une rencontre, improbable, et narrée par l'un et l'autre d'une façon touchante. Beate en tant que jeune Allemande est révoltée de voir que d'anciens nazis sont tranquillement reconvertis dans la vie politique de la RFA ; certains ont même de très hautes fonctions, à commencer par le chancelier Kiesinger.
Elle milite, elle écrit des articles qui ne plaisent pas à tout le monde : elle dérange, on préférerait mettre un couvercle sur la marmite et oublier.
La procédure disciplinaire pour "infraction grave aux obligations des agents de l'Office" engagée contre Beate par L'Ofaj (Office franco-allemand pour la jeunesse) qui l'emploie, est l'élément déclencheur. Celui qui va changer la vie des époux Klarsfeld.
Comment réagir ? Il n'y a que deux alternatives : rentrer dans le rang et mener une petite vie rangée et paisible, ou poursuivre le combat.
Le couple choisit sans hésitation la seconde option.
Beate raconte : "Cet instant a été le tournant de notre vie. Notre décision est prise. Nous allons nous battre, et ce combat sera prioritaire. Nous avons décidé de tout sans une hésitation, presque sans un mot. Au même moment, pour chacun de nous, cela s'est imposé irrémédiablement. Nous nous battrons non pour nous donner bonne conscience, mais pour gagner, et nous savons que désormais notre combat sera un engagement total. La carrière de Serge, notre vie familiale, la sécurité matérielle passeront au second plan."
Serge et Beate Klarsfeld sont surtout connus pour avoir poursuivi sans relâche les anciens nazis dans le monde entier et en particulier en Amérique du Sud. On les surnomme les "chasseurs de nazis", mais cette traque acharnée qu'ils ont menée n'est pas leur seule activité, loin de là.
La lecture de leurs mémoires est passionnante de bout en bout. On découvre toutes leurs actions, et c'est vertigineux !
Ils ne comptent ni leur temps, ni leur argent. Ils prennent tous les risques.
Serge et Beate ont passé des jours et des nuits en prison dans différents pays, et dans des conditions matérielles quelquefois sordides. Ils ont été victimes d'un attentat, recevant à leur domicile un colis piégé.
Qu'importe, leur motivation est inébranlable, aucun obstacle, aucun danger ne les arrête.
Leur force ? Chacun la tire de l'autre.
Je suis admirative de ces vies consacrées à une si noble cause : la justice.
Parce que c'est bien de justice qu'il s'agit.
D'une part, faire en sorte que les anciens nazis soient retrouvés et jugés, comme ils le méritent.
D'autre part, rendre justice à chaque victime du nazisme, en faisant une oeuvre historique colossale. Un travail de fourmi. Répertorier chaque cas, et rassembler un maximum d'informations : où la personne vivait, quand elle a été arrêtée, où et quand elle est décédée.
Quoi de mieux pour faire échouer les nazis qui voulaient anéantir les Juifs en les rayant du monde ? Bien sûr, ça ne les ramène pas à la vie, mais ça leur redonne une existence.
Vladimir Jankélévitch a écrit à ce sujet : "Serge et Beate, mes amis, vous êtes les chevaliers de la bonne mémoire."
Ce qui force le respect, c'est que tout au long du livre, on ne ressent aucune haine, aucun désir de vengeance. Ce n'est pas ce qui motive le couple.
Ce qui motive Serge et Beate, c'est la volonté de faire ce qui leur semble juste. Leur récompense est le sentiment du devoir accompli.
Ils sont lucides et n'ont pas d'oeillères. Ils ne sont pas aveuglés par leur combat et restent objectifs.
La meilleure preuve de leur impartialité ? Ils sont souvent attaqués de tous côtés. Serge a même un moment été accusé par les milieux d'extrême gauche allemands d'être un agent de la CIA !
Ils ont l'honnêteté de reconnaître les bonnes actions de l'Église, que ce soit en France ou en Italie, le rôle du pape Pie XII et de la population catholique qui a caché, protégé et sauvé de nombreux Juifs, enfants ou adultes.

Voilà une lecture captivante à plus d'un titre.
Lire cet ouvrage, c'est faire une plongée saisissante dans l'Histoire. C'est entrer dans la vie d'un couple unique, de deux personnes extraordinaires. C'est partager leur histoire, leurs actions, leur vie. C'est passionnant.
Merci, merci, chers Serge et Beate pour tout ce que vous avez accompli, et ce que vous accomplissez encore. Car vous n'arrêterez jamais. Vous ne pourrez jamais cesser, parce que le combat pour la justice est devenu votre vie.
Et malheureusement, ces combats-là, il y en aura toujours à mener.
Particulièrement l'un d'entre eux, que Serge évoque en ces termes dans les dernières pages : "La collusion de tous ceux qui, de droite ou de gauche, se proclament antijuifs et antisionistes, et l'apathie d'une population qui ne parvient pas encore à croire à l'émergence d'un nouvel antisémitisme français me préoccupent beaucoup."
Par respect pour Serge et Beate, nous devrions tous nous sentir concernés.
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Le parcours exceptionnel de Beate et Serge Klarsfeld est retracé dans cet ouvrage historique. Ces deux êtres hors du commun ont décidé de consacrer leur vie à pourchasser les nazis sans jamais que le doute ou la peur prenne le dessus sur leur idéologie! Ils ont toujours été unis pour cette cause si noble et susciteront toujours une admiration sans borne !!
Leur quotidien est relaté page après page, ils nous font revivre des moments incroyables où le courage et la ténacité sont mis à rude épreuve.
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Après tant d'années de luttes, de brimades, d'incompréhension mais aussi de victoires contre l'oubli, Beate et Serge Klarsfeld ont raconté cette vie, loin d'être finie, dans un livre qu'il faut absolument lire d'abord pour ne pas laisser oublier tant de malheurs, tant de meurtrissures irréparables, ensuite pour que de tels cauchemars ne se reproduisent plus alors que tout pousse à le craindre.
Le récit est rythmé, alternant entre Beate et Serge, chacun dans son rôle mais tellement complémentaires. Fille de Kurt, fantassin dans l'armée allemande, et Helen Künzel, Beate est berlinoise. Ses parents avaient voté Hitler « comme les autres et ne se reconnaissaient aucune responsabilité dans ce qui s'était passé sous le nazisme. » Après 1945, ils se plaignaient de ce qu'ils enduraient : « Jamais un mot de pitié ou de compréhension à l'égard des autres peuples… »
C'est à Paris, en mai 1960, qu'elle rencontre Serge alors qu'elle est fille au pair : « Il me plaît tout de suite par son sérieux comme par sa fantaisie. » C'est lui qui lui apprend l'histoire de son pays et, reconnaît-elle : « C'est ainsi que j'entre en contact avec la réalité terrifiante du nazisme. » Elle voyage puis se marie, à Paris, le 7 novembre 1963. Elle travaille à l'OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) et Serge est assistant de direction à l'ORTF, la télé à l'époque.
À son tour, il raconte une enfance marquée par la traque des Juifs par la Gestapo, parle de Nice où sa famille a cru trouver la tranquillité, de son père, Arno, qui se sacrifie pour sauver les siens. Il est emmené vers la mort, à Auschwitz, le 2 octobre 1943. Son récit foisonne d'événements, d'anecdotes révélatrices sur les conditions de vie, comme à Saint-Julien Chapteuil, en Haute-Loire, où sa mère les a emmenés avant un retour à Paris, ville enfin libérée. Leur appartement a été pillé et il est occupé. L'errance reprend.
Lors des obsèques de Xavier Vallat, devant les grilles du cimetière de Pailharès (Ardèche), Serge et Beate Klarsfeld étaient bien seuls, en 1972, pour rappeler le passé du Commissaire aux Questions juives du gouvernement de Vichy, (1941-1942), ayant contribué à doter la France d'une législation antisémite la plus élaborée et la plus sévère d'Europe.
Ces deux vies se conjuguent et se complètent dans l'action et la recherche avec une Beate au courage incroyable lorsqu'elle réussit à hurler : « Kiesinger, Nazi, abtreten ! (démisssionne) » en plein Bundestag où l'ancien Directeur adjoint de la propagande hitlérienne vers l'étranger devenu Chancelier doit s'exprimer. Cette même année 1968, elle écrit : « La réunification est naturelle et souhaitable ; de plus, elle est inévitable… Nous voulons une réunification pacifique qui permette à l'Allemagne sans armes nucléaires d'être l'indispensable pont entre l'Est et l'Ouest. » Un peu plus tard, elle gifle cet homme en public pour « témoigner qu'une partie du peuple allemand, et surtout la jeunesse, est révoltée par la présence à la tête du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne d'un nazi… »
Lister toutes les actions entreprises ensuite par Beate et Serge serait beaucoup trop long mais c'est une histoire toute récente où l'on retrouve Kurt Lischka, Herbert Hagen, Aloïs Brunner, Josef Mengele, Klaus Barbie, Paul Touvier, René Bousquet, Maurice Papon... C'est surtout un combat acharné pour que les Fils et filles de déportés ne soient pas spoliés une seconde fois après avoir tout perdu.
Partisan d'une vérité historique impartiale, Serge Klarsfeld remet beaucoup de choses au point en basant toujours ses affirmations sur ses sources, citées précisément, après d'intenses et énormes recherches, luttant sans cesse contre les pesanteurs administratives et les collusions politiques. Ils l'affirment tous les deux : ils militeront jusqu'à la fin, bien relayés par leurs enfants, Arno et Lida. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah rappellera toujours que, si 3 millions de Juifs ont survécu, 6 millions ont été assassinés : « Il s'agit d'un drame de la civilisation occidentale… Il s'agit d'un drame de la nature humaine ouvrant de terribles perspectives sur l'infinie capacité de l'homme « civilisé » à faire le mal. »
Concluons cette trop courte chronique mais son but n'est pas de tout dire car il faut lire et faire lire "Mémoires" de Beate et Serge Klarsfeld en laissant la parole à ce dernier : « Comme historien, au lieu d'une mémoire floue, tronquée, mutilée, abîmée, dénaturée, bafouée, j'ai pu imposer une mémoire authentique, restituée, réhabilitée, précise et fidèle. »
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Beate et Serge Klarsfeld, deux pointures. Deux personnes aux destinées fortes, redoutables. Ils ont fait de la recherche des anciens nazis le combat de toute leur vie.

Elle, la petite allemande, aveugle aux tourments de son propre pays. Lui, le juif, complètement impliqué dans les tourments de l'Holocauste. Leur rencontre scellera leur destin.

Beate ouvre les yeux sur le comportement de ses compatriotes et devient une défenseuse acharnée : réveiller les Allemands sur l'impunité des anciens bourreaux nazis vivant comme si de rien n'était, dans leur pays, aux yeux de tous et pour certains briguant des postes à responsabilité. Elle n'hésite pas à gifler le chancelier Kiesinger, à créer un esclandre au Parlement, enlever des ressortissants allemands (Lischka), employer tous les moyens possibles pour éveiller la conscience des Allemands.

Et bien sûr sa démarche déplaît à certains. Elle est devenue une criminelle : " le cas Klarsfeld relève de la pathologie politique. " On dit d'elle qu'elle souffre d'une déficience d'esprit, qu'elle doit être vue par un psychiatre. Mais elle réplique que c'est la société qui réhabilite les assassins comme Lischka qui devrait se faire psychanalyser. Elle se heurte à la mauvaise volonté de la justice allemande. Elle trouble le repos allemand, elle ravive les plaies que tous aimeraient oublier.

Mais d'autres la soutiennent : "BK est à elle seule la conscience d'un pays inconscient". Extrait de l'article de Vladimir Jankelevitch dans le journal Combat. BK fait scandale par ses actes, mais pour elle, le vrai scandale est l'impunité des crimes.

Klaus Barbie, le criminel type nazi, est sans doute celui qui a donné le plus de fils à tordre. Elle s'est heurtée à la difficulté de faire bouger les autorités française et allemande. Barbie doit payer pour les crimes qu'il a commis en France où il a été condamné deux fois par contumace. En Allemagne, on est prêt à laisser tomber l'affaire et le parquet Bavarois a clos l'instruction et vise de ce fait à réhabiliter à travers Barbie tous les criminels qui ont opéré en France.

Bousculer les Allemands pour une prise de conscience lui demande de nombreux efforts et beaucoup de courage. La cas Barbie est très particulier : il est un des rares parmi les criminels à s'être expatrié, c'est un criminel fantôme. le faire extradé de Bolivie n'est pas une mince affaire. Là-bas, les exactions commises par les SS ne sont pas connues et puis le délai de recours contre le crime est largement dépassé.

De son côté, Serge aidé d'anciens déportés, a recours à de nombreuses manifestations illégales mais symboliques en Allemagne pour mettre en lumière la légitimité de sa protestation et son appel à la justice. Ils sont arrêtés, violentés, emprisonnés alors que le grand criminel, lui, reste libre parce que le Parlement allemand se refuse à voter une loi lui permettant de le juger. Et cette impunité a souvent assuré à ce dernier une place à un poste honorable.

Tout en continuant ces actions, Serge publié en 1978 son Mémorial de la Déportation des Juifs de France, liste qui regroupe les presque 80 000 personnes juives disparues, ainsi que leur destin.

Enfin en janvier 1980, lors du procès de Cologne, Hage, Lischka et Heinrichsohn sont jugés et condamnés à des peines de prison. Soulagement ! " Soulagement est le mot qui s'impose, car on ne peut pas parler de satisfaction. Il n'y a pas de commune mesure entre une sanction, quelle que soit sa gravité, et l'ampleur des crimes auxquels ont participé Lischka, Hagen et Heinrichsohn. "

Les Klarsfeld ne peuvent affronter directement Bousquet qui a déjà été jugé à une peine insignifiante dont il est relevé pour " services rendus à la Résistance ". Alors ils tournent leur action vers Jean Leguay, interlocuteur privilégié des nazis dans l'organisation des convois. Serge dépose une plainte en novembre 1978 pour crime contre l'humanité et rend public un dossier concernant Bousquet.

Il travaille également sur le document Vichy-Auschwitz, document dont il se servira lors du procès de Leguay. " Il faut que le niveau de connaissance de ce rôle de l'Etat français soit suffisamment élevé dans le peuple français pour qu'il pénètre dans la conscience et qu'il condamne à jamais ce régime qui a osé livrer à l'occupant hitlérien au nom de la France des milliers d'enfants juifs. " Ce document servira également lors du procès de Barbie.

Grâce à la loi de 1964 sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, il peut à nouveau porter plainte contre Barbie, au vu de nouveaux éléments (assassinat des enfants d'Izieu). Barbie a été inculpé à Lyon en 1982. Enfin, ce document servira également de toile de fond lors du procès de Maurice Papon.

La lutte contre le crime continue. Beate se rend souvent auprès les dictatures sud-américaines qui protègent les criminels nazis. Au Chili pour Rauff. Au Paraguay pour Josef Mengele. Beate et Serge Klarsfeld s'engagent aussi contre la Syrie pour faire extrader Brunner. Ils sont aussi au côté des Tziganes en 1992 à Rostock, descendants des roms gazés par les nazis et qu'on veut expulser vers la Roumanie.

Les actions contre Bousquet et Touvier ont lieu aussi grâce à leur ténacité et leur pugnacité. Arno, leur fils, les a rejoints maintenant dans leur combat. Et c'est toujours la recherche de la vérité historique qui guide leurs pas. En février 1996, Serge se rend à Sarajevo pour essayer d'expliquer aux Serbes de Bosnie les avantages que constituerait le jugement de leurs responsables politiques et militaires. Parce qu'un jour ou l'autre, ceux-ci devront répondre de leurs actes face à la communauté internationale.

Ainsi, leur combat est multiple, mais chacun a sa place : " Serge agissait au nom des Juifs ; moi, je n'ai jamais agi au nom des Juifs, mais au nom des Allemands." Serge va encore plus loin dans la recherche sur la vérité. Il s'attaque aussi à la spoliation des Juifs. Cette quête lui permettra d'obtenir pour tous les orphelins des déportés juifs menacés dans leur vieillesse par la pauvreté d'échapper à la misère grâce à une modeste rente.

Au bout de cette lecture, harassante il faut bien le reconnaître parce qu'elle ne supporte pas les demi-mesures mais une pleine et entière attention, je ne peux que saluer le courage et le mérite de Beate et Serge Klarsfeld. Ils sont bien au-delà des honneurs qu'ils ont largement mérités et reçus. Ils sont la conscience de tout un pan de l'Histoire.

Pouvaient-ils entrevoir ce que serait leur vie au moment de leur rencontre ? Peut-être sans le nommer vraiment, Serge en percevait-il déjà les contours. Mais c'est Beate qui résume le mieux leur parcours :
" Poétise ta vie, hausse-la au niveau d'une expérience exaltante " écrivait-il à la jeune Allemande qu'il venait de rencontrer au printemps 1960. Sans lui, sans son engagement total et discret à mes côtés, sans sa permanente énergie, qu'aurais-je pu faire ? Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne : Serge m'a aidée à vraiment devenir une Allemande. "

Je ne sais pas si leur vie commune a été un poème, une épopée sûrement. Mais une chose qu'ils peuvent déjà dire fièrement à leurs petits-enfants est : voilà ce que nous faisons et non pas voilà ce que nous sommes...

Challenge PAVÉS 2015/2016

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Un pavé de près de 700 pages qui se lit comme un thriller … voilà ce que je retiens des mémoires croisées de Beate et Serge Klarsfeld. J'ai abordé ce livre avec une certaine réserve, car le genre est naturellement empreint d'un souci d'autojustification, de plaidoyer pro domo. Mais ici, ce reproche n'est pas fondé : cette autobiographie - fort bien écrite même si certains chapitres en sont très techniques - constitue une double épopée individuelle doublée d'une extraordinaire histoire d'amour.

La rencontre, le 11 mai 1960, sur le quai du métro, de ce jeune juif français orphelin d'un père mort en déportation et cette jolie fille au pair d'origine modeste, allemande et protestante, tient du prodige. Leur complémentarité dans l'action aussi. C'est, à peu d'années près, l'histoire de ma jeunesse qui défile … et je me souviens qu'en 1957, quand le choix d'une première langue vivante s'est posé à l'entrée en 6ème, mon père m'a encouragée à apprendre l'Allemand, lui qui avait fait la guerre et fut prisonnier !

Leur propos est double : d'une part, débusquer les anciens nazis qui se sont fondus dans la société silencieuse du miracle économique allemand et sont devenus d'éminents juristes ou responsables d'entreprises, faire connaître à tous l'horreur de leurs crimes, les faire juger par les autorités allemandes pour redonner à l'Allemagne la dignité d'un pays qui regarde son passé en face, d'autre part, retrouver les traces de chacun des 80 000 déportés français – en particulier les enfants – afin que nul n'oublie leur existence, leur identité, comment ils ont été arrêtés, dans quel convoi ils furent transportés, où et quand ils ont été assassinés.

Beate n'a pas fait d'études supérieures, mais Serge va l'aider à se former et elle apprend vite. Surtout, elle est animée d'une résolution absolument inébranlable. Elle va tout risquer et faire montre de qualités hors du commun : rigueur, courage physique, ingéniosité, témérité folle, abnégation, culot monstrueux, persévérance, patience, astuce, sang froid, oubli de soi …

Sa vie est un manuel pratique d'agit-prop antinazi. Elle commence par une gifle monumentale sur la joue du Chancelier d'Allemagne fédérale, l'ex-nazi Georg Kiesinger, dont elle va provoquer la chute … Avec le soutien de Serge et ses recherches méthodiques inlassables, elle prend tous les risques, voyage seule ou avec lui et même son petit garçon, sans cesse, en Europe, en Israël, à l'Est, dans les dictatures d'Amérique du Sud où sont réfugiés de nombreux anciens responsables de l'Holocauste. Klaus Barbie, Bousquet, Touvier, Leguay et Maurice Papon vont devoir rendre des comptes en France, Kurt Lischka, Heinrichsohn et Hagen seront jugés en Allemagne. Entre deux missions qu'elle s'est auto attribuées, elle revient s'occuper de son ménage, est toujours tirée à quatre épingles, comme une jeune bourgeoise, elle qui acceptera d'être candidate à la présidence de l'Allemagne sous les couleurs du parti de gauche : Die Linke. Entre deux séjours en cellule, elle retrouve ses deux enfants, Arno et Lida, confiés dans l'intervalle à sa belle-mère, qui vont prendre bientôt le relais, et ses animaux.

Serge est historien, journaliste puis, à 37 ans, devient avocat pour défendre les parties civiles : les Fils et Filles de déportés juifs de France. Sans trève, il harcèle les dirigeants de tous bords pour faire triompher la vérité historique, assurer la subsistance des orphelins de déportés tombés dans le dénuement, influence les discours politiques, critique ouvertement ceux qui font tout pour retarder la justice, quitte à rectifier à la baisse les chiffres des martyrs du nazisme secondés par l'Etat français du Maréchal Pétain, dont il met en lumière l'implication personnelle dans le statut des Juifs. Il est un des rares à souligner la réaction bienveillante de la majorité de la population française et des catholiques envers la population juive pendant la guerre. Dans cet ouvrage passionnant, on sent qu'il laisse la place d'honneur à son épouse et à ses enfants, tout particulièrement à Arno, avocat brillant et charismatique.

L'émotion est intense à cette lecture … en particulier l'évocation de quelques trajectoires interrompues du chapitre « Des voix qui toujours portent ». Je défie quiconque les lit de ne pas essuyer une larme …

Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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« Je ne suis pas un chercheur de nazis ; je suis surtout chercheur des âmes juives disparues dans la Shoah. » S.K

« Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne ; Serge m'a aidé à vraiment devenir une allemande » B.K

Ils les ont tous eus…ou presque. Les grands ordonnateurs de la déportation des juifs de France, planqués en France, ou à l'autre bout du monde auront fini par répondre de leur actes, et être condamnés par la justice de leur pays.

Charité bien ordonnée commence par soi-même, dit l'adage. La société Allemande finira par regarder son passé en face, non sans mal, mais elle y parviendra..
De la lutte acharnée contre un ancien nazi devenu chancelier, à la défense sans relâche de la mémoire des déportés, ce couple singulier au départ n'aura de cesse de défendre ce qu'ils croient être juste.
A lui le travail d'historien, et souvent de" petite main", à elle les grandes démonstrations publiques et coups d'éclat. A un magazine, elle répondait il y a peu :« Je n'ai pas agi par culpabilité, mais par sens de la responsabilité historique et morale. de nombreux nazis étaient encore en liberté. Dès qu'on le sait, on ne peut plus fermer les yeux. J'ai agi, voilà tout. »
Ce récit est écrit à quatre mains ; les points de vue de l'un et de l'autre se succèdent sans que l'on puisse y déceler de blancs ni de sauts temporels. Tout s'enchaine avec fluidité et clarté. Si de nombreux passages peuvent sembler "techniques " et donc objectivement assez ardus, parce que les auteurs ont voulu restituer la justesse historique nécessaire, la lecture de cet ouvrage est à plus d'un titre passionnante et historiquement instructive. Les personnalités de chacun se distinguent au fil des pages. Lui posé, déterminé, méthodique, et fouillant inlassablement dans les archives, assurant l'intendance. Elle activiste, courant le monde, et parfois emprisonnée. Eux deux, complices, et unis dans une même quête, et un même idéal. Ajoutons à cela, une personne pilier, sans qui rien n'aurait été possible, la mère de Serge Klarsfeld, veillant inlassablement sur les enfants du couple.

Sans doute que l'aspect littéraire de l'ouvrage aurait pu être un peu plus "fignolé" …sans doute…mais sa valeur se situe nettement ailleurs. Il y encore de nos jours des hommes et des femmes capables d'aller bien au-delà d'eux-mêmes pour redonner vie à des millions de leurs semblables pour lutter contre l'oubli, la banalisation, et la répétition.

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Deux personnalités, deux histoires hors du commun...
Elle, l'allemande, lui le juif rescapé de l'Holocauste....
Ils feront de leurs différences une force et du refus de l'impunité un combat.
Ils sont les visages de la chasse aux nazis... enlèvements, extraditions, campagnes d'information, combats législatifs... leur vie est une épopée, la lecture de ce joli pavé (un peu plus de 1000 pages) est longue mais tellement riche et chargée d'intensité que je ne saurais que la conseiller...
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J'avais en tête quelques repères de l'action militante de Serge et Beate Klarsfeld, mais pas la continuité, la cohérence, la persévérance incroyable de leur engagement pour la mémoire et la vérité.
Il y a aussi dans ce livre un esprit de sacrifice (d'une vie écrite et évidente vers une vie d'aventure) tout à fait incroyable !
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C'est un livre à la fois remplit d'histoire, de larmes, de sueur, de combats, de difficultés, de volonté, de courage et d'exemplarité. Serge et Beate Klarsfeld sont deux acteurs engagés dans la lutte contre l'antisémitisme et la chasse aux criminels de guerre nazi. Ils ont une volonté de fer pour faire valoir leur cause et rallier autrui afin de réussir à condamner le mal qui a été fait. Un livre à lire, et relire, qui nous apprends l'humilité et à quel point tout un chacun peut réaliser de grandes choses, s'il le désire et qu'il a le courage de se lancer.
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Mémoires du couple Klarsfeld.. de leur rencontre à la fin de leur combat. Leur est l'histoire de leur engagement pour la justice et le devoir de mémoire...serge et Beate se sont donnés pour objectif de traquer les principaux nazis et collaborateurs ayant exercés en France durant la guerre...Un exemple à suivre afin que la justice passe, que les victimes ne soient pas oubliées et que le fascisme ne puisse pas renaître.. Un livre à lire absolument !
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