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Critique de motspourmots


On les connait en général en tant que "Chasseurs de nazis". Expression qui a certes le mérite de donner un sens concret à leurs actions mais Ô combien réductrice. Ces Mémoires, ils ont longtemps hésité avant de les coucher sur le papier tant ils ont toujours refusé de braquer les projecteurs sur eux, sauf si cela pouvait servir leur action. Et puis ils ont raconté, en poursuivant toujours le même but, celui de la clarté, de la vérité, de l'accessibilité de l'information, de la justice et de la pédagogie. Au fil de la lecture très vite un mot s'impose : respect. Et puis un second : merci.

Auraient-ils accompli autant s'ils ne s'étaient pas rencontrés ? Leur couple est à lui seul un symbole, union du fils d'un juif roumain mort à Auschwitz et de la fille d'un soldat de la Wehrmacht ayant voté Hitler. Un coup de foudre sur un quai de métro, en 1960 à la Porte de Saint-Cloud alors que Beate est jeune fille au pair et encore si peu au fait des réalités historiques de son pays (elle est née en 1939). Serge va éveiller sa conscience politique. Ensemble, ils vont se poser très vite la question des futures relations entre la France et l'Allemagne, convaincus que pour bâtir un avenir solide il faut d'abord apurer le passé. Regarder les faits en face, les faire connaître. Faire en sorte que les nations assument. Puis, très vite, chacun saura quel rôle il veut jouer. Beate refuse que des anciens nazis apparaissent désormais aux responsabilités en Allemagne, négation insupportable de leurs responsabilités dans la machinerie de mort hitlérienne. Serge veut redonner corps aux dizaines de milliers de juifs déportés de France, leur rendre hommage et identité. Leur engagement ne se démentira jamais, le travail accompli est colossal. Encore aujourd'hui, ils veillent et agissent.

On est estomaqué par la volonté de cette femme et de cet homme et surtout par leur droiture. Ils n'ont qu'une obsession : la vérité. Cela passe par des recherches ardues et assidues (si l'on devait chiffrer les tonnes de papier remuées...), la traque de documents officiels, de signatures, le recoupement d'informations. Il leur faut un matériel inattaquable car les réticences, les bâtons dans les roues sont nombreux. Tout le monde n'a pas envie de remuer le linge sale. On s'est dépêché d'enterrer, de pousser la poussière sous les tapis. On a évité d'être trop regardant sur certains passés. Et puis les cadres juridiques doivent être renforcés, il faut notamment trouver des accords entre les justices française et allemande qui évitent aux criminels de passer entre les mailles du filet. Il faut surtout interpeller l'opinion, éviter que certains crimes ne soient définitivement engloutis sous une chape de plomb et de silence. Alors Beate et Serge n'hésitent pas à payer de leur personne, provoquant scandales et manifestations destinés à attirer l'attention sur tel ou tel criminel nazi, devant les domiciles où ils coulent des jours tranquilles en Allemagne. Arrestations, emprisonnement. La vérité est à ce prix. Plus tard, il y aura la traque des nazis protégés par les dictatures d'Amérique du sud mais également la Syrie et la famille Assad. le procès Barbie, les affaires Bousquet, Papon, Touvier.

En lisant les Mémoires de Beate et Serge Klarsfeld, on sent monter une réelle reconnaissance pour leur travail de pédagogie guidé par la volonté farouche de faire toute la lumière sur l'une des périodes les plus cruelles et sombres de l'humanité et surtout de permettre à chacun d'en être parfaitement informé. Leurs armes sont juridiques, parfois médiatiques, toujours non violentes. L'idée de vengeance est totalement absente. Seule l'idée de transmission domine. Dans ces Mémoires, ils parlent peu d'eux, même si l'on sent l'importance de la famille qu'ils ont construite. Ils parlent surtout de leurs actions avec ce même souci du détail et de véracité. S'ils ont su rassembler progressivement autour d'eux des forces militantes et agissantes, on est frappé par leur solitude des débuts et l'on se surprend à se demander ce qui se serait passé s'ils n'avaient pas agi, eux contre tous.

Grâce à eux et à ceux qui se sont mobilisés avec eux, on peut accéder à la vérité historique. Savoir qui a agi, comment, où. Prendre conscience de la mécanique implacable mise au service de la destruction du peuple Juif. Savoir pour une meilleure vigilance ? C'est ce que voudrait ce couple remarquable pourtant rempli de doutes sur l'avenir. Et nous, on aimerait que cet immense travail, l'oeuvre de toute une vie puisse servir de bouclier dans le futur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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