"Rentrer, c'est comme respirer pour la première fois après avoir failli se noyer. Même si ça fait mal, c'est bon"
Un camp d'entrainement militaire, ce n'est pas le bon endroit pour les subtilités.
Écoutez, Falloujah a connu des périodes bien pire que celles-là. Al-Qaida abandonnait les cadavres dans la rue, ils coupaient les doigts des gens parce qu'ils fumaient. Dans tous les quartiers, ils avaient un local à torture, toutes sortes de saloperies complètement dingues, et vous pensez que les enfants ne voient rien de tout cela ?
Levin avait été touché au cou. Son gilet pare-balles n'aurait rien changé. Mais j'imagine que pour le sergent-major, comme pour la plupart des gens, il fallait qu'il y ait une certaine rationalité dans la mort. Une raison pour chaque victime. J'avais vu la même piètre théodicée lors d'enterrements civils. En cas de maladie pulmonaire, le défunt était certainement fumeur. En cas de maladie cardiaque, c'était un amateur de viande rouge. Il fallait une sorte de causalité, même la plus ténue, pour aseptiser tout cela. Comme si la mortalité était un jeu avec des règles, où l'univers était rationnel et où le Dieu qui le supervisait nous manœuvrait comme des pions sur un échiquier, les doigts enfoncés dans les flancs du monde.
- Dites lui que nous voulons de vraies veuves,cette fois.
...
- Ce ne sera pas un problème dit-il.L'Irak manque de beaucoup de choses, mais pas de veuves.
On a tiré sur des chiens. Pas par accident. De façon délibérée. On avait appelé ça Opération Scooby. Moi, je fais partie des gens qui aiment les chiens, alors, forcément, ça m’a fait gamberger.
Tout le monde présumait que mon âme était profondément marquée par ma rencontre avec le Réel : le monde-tel-qu’il-est, dur, sans fard, violent, loin de la bulle protectrice de l’Amérique et du monde universitaire, un séjour au Cœur des Ténèbres qui, s’il ne vous détruit pas, vous rend plus triste et plus sage. C’est des conneries, bien sûr.
La fin d'une guerre est un moment vraiment bizarre pour faire la guerre.
Quelqu'un a dit la guerre, c'est 99% d'ennui absolu et 1% de pure terreur. Il n'a pas été MP en Irak. Sur la route, j'étais effrayé en permanence. Ce n'était peut-être pas de la terreur pure. Ça, c'est quand l'EEI explose. Mais une sorte de terreur secondaire qui se mêle à l'ennui. C'est donc plutôt 50% d'ennui et 49% de terreur ordinaire, qui n'est autre que le sentiment général que vous pourriez mourir à tout instant et que tout le monde dans ce pays veut vous tuer.
- Vingt siècles de christianisme. On pourrait penser qu'on a retenu quelque chose. (Je tripotais la petite croix). Dans ce monde, Il ne nous promet qu'une seule chose ; que nous ne souffrions pas seuls.