En suivant ponctuellement les tours et détours des événements récents de la vie de l'auteure, le livre se déploie sur les interrelations perçues par
Naomi Klein entre le système économique sur lequel repose les liens entre les industries, les Etats et les individus et la complexité du changement climatique. J'ai été tout d'abord surpris de ces longues références à sa vie et même un peu décontenancé. Beaucoup plus loin dans son livre, les raisons profondes qui ont tissé des liens entre cette recherche et son intimité émergent. Selon sa nouvelle conception du monde, ces liens s'avèrent en définitive pertinents, du moins dans une certaine mesure. Entre les projections sur les futurs possibles de son enfant et de la planète et les problèmes de fertilité des êtres humains et des autres êtres vivants, son implication personnelle dans cet essai le rend au final puissant.
Sans forcément que je remette en cause le changement climatique, cet essai donne pour acquis que le changement climatique est un fait. Ainsi aucune information scientifique de base n'est donnée à part pour dire que 97 % des climatologues sont en accord avec le changement climatique (mais d'où sort donc cette information??). Cela me semble dommageable puisque l'essai ne s'adresse de ce fait qu'à un lectorat convaincu. Or il me semble nécessaire d'expliquer, même succinctement, sur quelles bases matérielles l'essai se développe pour qu'un plus large public y ait accès. En effet si l'on suit la réflexion de
Naomi Klein, l'un des objectifs de la lutte est que les populations prennent à bras le corps cette problématique. Cela me paraît très difficile lorsque l'on ne s'adresse qu'à une fraction de la population. D'autant qu'elle cite au début comme à la fin la sociologue Kari Norgaard pour qui le déni du changement climatique est « comme le produit de notre faculté d'empathie, de compassion, et comme une conscience sous-jacente de l'impératif moral de réagir, et ce, même si nous ne parvenons pas à passer à l'action. »
Il n'empêche que la réflexion menée sur les interrelations entre capitalisme et changement climatique est éclairante à de nombreuses reprises. Par exemple, les mécanismes qui président aux difficultés -voire aux impossibilités- d'établir des dispositifs écologiques de production d'énergie dans de vastes zones géographiques liées par les traités de libre-échange sont finement relevés. Je me suis senti brusquement cerné ne serait ce que par les entraves au libre choix citoyen. En outre la critique de la montée à partir des années 1980 d'un écologisme de négociation dans les lieux de pouvoirs politiques et financiers montrent les travers qui se dessinent quand les compromis deviennent insoutenables voire se muent en compromissions.
Les deux derniers aspects qui m'ont intéressé soulèvent plusieurs problèmes. L'auteure s'appuie en effet sur les méthodes mises au point par les différents rassemblements qu'elle propose de regrouper sous le terme de « blocadiens ». Si certains exemples proviennent d'Asie, d'Europe, d'Océanie, d'Afrique et d'Amérique du Sud, la majeure partie des groupes dont les actions et les discours sont étudiés est localisée en Amérique du Nord. Or il y a là un contexte tout à fait particulier puisque les groupes qui ont pu ou qui peuvent juridiquement le plus influer sur les politiques locales sont les premières nations autochtones. La relecture des anciens traités ou leur absences permettent de nos jours à ces groupes de revendiquer un certains nombre de territoires. Ainsi certaines entreprises d'extraction de minerais ou d'hydrocarbures n'ont pu déployer leurs projets comme elles le souhaitaient. Or cette particularité géopolitique n'est, premièrement, pas tant répandu sur le globe -il semble donc nécessaire d'opérer différemment dans les autres régions du monde- et, deuxièmement, constitue potentiellement une manoeuvre qui, si elle était transposée dans une autre région, pourrait ouvrir la voix à des formes de communautarismes autarciques.
Le second aspect -que l'on retrouve au treizième et dernier chapitre- est le rapprochement tenté par l'auteure comme par d'autres entre la période esclavagiste en Amérique du Nord et la crise climatique. A SUIVRE !!!!