- Crois-moi, Lolek, je ne savais pas que les juifs n'avaient pas le droit de venir icI.
- Qu'est-ce que tu racontes ? m'interrompit mon ami en fronçant les sourcils avant de se diriger vers la femme qui se tenait près de la porte. Ne sait-elle pas que les juifs et les catholiques sont tous enfants du même Dieu ?
Il avait parlé de façon très sonore, et la question résonna haut et fort dans l'église. La plupart des fidèles se retournèrent, y compris la femme, qui fit un signe de croix et sortit.
- Les juifs et les catholiques descendent d'un Dieu unique, Jurek, qui est le Dieu d'Abraham, dit Lolek, en se retournant vers moi. Tu peux venir si tu veux.
A cette époque, Lolek avait à peine dix ans.
La troisième cession de Vatican II était en cours, et l'article qui avait attiré l'attention de Kurt rapportait le discours d'un jeune archevêque polonais, d'une teneur très différente de ce qui avait été dit jusqu'alors.
Je découvris que les légendes qu'on m'avait racontées sur le NKVD, la police secrète russe - des êtres pratiquement indestructibles, qui pouvaient rester éveillés des jours entiers sans jamais oublier leur tâche une seule seconde - étaient vraies.
Leurs yeux étaient impénétrables, ils parlaient très peu, mais lorsqu'ils ouvraient la bouche, l'air était aussitôt imprégné de la lourde odeur de leur haleine, aussi impressionnante que les relents aigres de leurs uniformes.
Le personnel de l'armée parti, un silence inhabituel tomba sur la ville.
Même si j'avais honte d'avoir quitté l'université, j'avais envie de le revoir. Je résolus de lui écrire dès que possible, lorsque j'aurais trouvé sa nouvelle adresse.
L'une des choses qui obsédait Kurt était que le Vatican n'avait pas encore reconnu officiellement Israël depuis sa création en 1948. Une anecdote très célèbre racontait que lorsque le pape Paul VI était allé en Israël et avait rencontré le président Shazar à Megiddo, il avait expliqué qu'il n'était venu que pour prier, et il avait appelé Shazar "Votre Excellence", pour ne créer aucun incident diplomatique. Il ne pouvait dire "président" si selon lui, Israël n'existait pas. Mais certaines personnes, dont Rosenberg espérait que Jean-Paul II ferait enfin ce que ses prédécesseurs avaient omis, c'est-à-dire reconnaître une fois pour toutes l'Etat Juif d'Israël en Terre Sainte.
Cette partition avait dressé les Polonais les uns contre les autres lors de la Première Guerre mondiale. Elle les avait obligés à s'affronter dans les armées allemande, autrichienne et russe jusqu'à la fin du conflit et à la chute des pouvoirs centraux, lorsque le maréchal Jozef Pilsudski avait dissous le conseil de régence et proclamé l'indépendance de la Pologne.
Il ne faisait pas mystère que la Russie tirait les ficelles de tous les événements qui se produisaient dans le pays depuis la deuxième Guerre mondiale. Ainsi les élections de janvier 1947, remportées comme prévu par les communistes.
La déportation en camp de concentration avait commencé à la fin de juillet 1943. La première à y être envoyée fut ma grand-mère, Anna Huppert, mais tout ce que Kupferman avait appris, c'est que les nazis l'avaient emmenée à Belzec.