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Loup Maëlle Besançon (Traducteur)
EAN : 9782073017741
256 pages
Gallimard (26/10/2023)
4.02/5   26 notes
Résumé :
C'est le printemps. Le moment de l'année où "le paysage donne l'impression de s'ouvrir de toutes parts", avant que le vert explose pour de bon. Dans une voiture, un père et son bébé de trois mois parcourent la campagne suédoise, traversent des champs plantés d'éoliennes. Ils semblent heureux. Mais, au fil des heures, une réalité moins douce se dessine.Épicentre du "Quatuor des saisons", cycle autobiographique conçu autour du nouveau-né de l'auteur, Au printemps est ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
« Tu comprends, la beauté de ce monde ne signifie rien si tu es seule sur terre ».

Connaissez-vous Karl Ove Knausgaard ? Il est l'auteur coqueluche norvégien dont les livres se vendent en nombre, autant que la Bible, 500 000 exemplaires rien qu'en Norvège qui compte 5 millions d'habitants…Né en Norvège en 1968, cet auteur a accédé à une reconnaissance internationale (particulièrement aux Etats-Unis) avec son cycle autobiographique en 7 volumes intitulé « Mon combat ». Mêlant réflexions, digressions, faits vécus, Karl Ove Knausgaard est parfois comparé à Proust ou à Kundera, c'est dans tous les cas un auteur qui marque son temps, qui marque les lettres norvégiennes. «La mort d'un père» a même reçu le Prix Brage en 2009 (l'équivalent du Prix Goncourt en Norvège). Et c'est l'auteur préféré de mon libraire. Ce cher Yann me parle aussi de sa femme, Linda, qui a écrit quelques livres dont le très sombre « Fille d'octobre », lente descente aux enfers marquée par sa dépression dont il est tant question dans les livres de son mari.

Avant d'aborder le cycle de « Mon combat », j'ai choisi de découvrir cet auteur avec le quatuor vivaldien des saisons, autre cycle autobiographique, publié plus récemment, conçu autour du dernier nouveau-né de l'auteur. Nous avons là un récit bouleversant d'un jour dans la vie d'un père confronté à un drame familial. Celui de l'internement de sa femme, de la jeune et fragile maman, et d'un père resté seul avec ses quatre enfants. de plus ce livre est un magnifique objet enrichi des illustrations d'Anna Bjerger, artiste suédoise. A l'image de la couverture du livre, des tableaux bucoliques de fleurs, d'arbres, d'oiseaux parsèment le livre telles des fleurs sauvages venant d'éclore. Un tableau en particulier me plait beaucoup : nous sommes sous un arbre, à l'ombre, nous devinons le ciel bleu, le soleil étincelant derrière les épaisses branches brunes auréolées de fleurs mauves en éclosion. Ces respirations printanières apportent beaucoup de sérénité au milieu des réflexions de ce père qui, bon an mal an, tente de garder le cap familial et d'apporter de la lumière à ses petits en absorbant les ténèbres qui rôdent. C'est un peu à l'image de ce tableau évoqué d'ailleurs que j'aurais volontiers mis en couverture du livre.

« En règle générale nous levions le camp vers neuf heures et nous partions explorer les petites routes gravillonnées qui subsistent par endroit, sans autre but que de découvrir des choses que nous ne connaissions pas encore. Je glissais un CD dans le lecteur et je laissais mes pensées vagabonder, car parfois, c'est aussi simple que cela : les corps statiques engendrent des pensées statiques ; si le corps se met en mouvement, les pensées commencent elle aussi à bouger ».

C'est donc le printemps. le moment de l'année où "le paysage donne l'impression de s'ouvrir de toutes parts", avant que le vert explose pour de bon. Un entre deux entre le grand sommeil et le grand bond. Dans une voiture, un père et son bébé de trois mois parcourent la campagne suédoise, traversent des champs plantés d'éoliennes, aperçoivent la mer, pendant que les trois autres enfants, plus grands, sont à l'école. Ils semblent heureux. le bébé bercé par la voiture, alternant siestes et observation d'un ciel bleu étincelant. le papa alternant réflexions, pensées philosophique et observation de la nature qu'il parcourt. Nous déambulons dans les méandres de ses pensées, dans son histoire, notamment dans son histoire de couple, dans ses angoisses, ses faiblesses, ses espoirs…Mais, au fil des heures, une réalité moins douce se dessine.

Il est étonnant de constater combien l'auteur peut mêler les choses les plus animales et intimes aux pensées les plus nobles et philosophiques. Ainsi décrit-il ce qu'il ressent en allant à la selle, sensations assorties immédiatement de réflexions profondes sur le sens de la vie. C'est par ailleurs un récit bien ancré dans la société suédoise et norvégienne, tant par les paysages caractéristiques qu'il nous est donné à contempler, que par la culture évoquée, les films de Bergman notamment sont régulièrement convoqués tant le couple aime ce réalisateur.

« Un après-midi pendant que ta mère dormait à l'étage, je fis la vaisselle. Par la fenêtre au-dessus du plan de travail, je regardais la pluie légère qui tombait en continu, la lumière grise donnait au vert cette intensité particulière typique des étés pluvieux de l'Europe du Nord que j'aimais tant, sûrement parce qu'elle me rappelait des étés dans l'ouest de la Norvège où il pleuvait en permanence et où le paysage d'une luxuriance froide était aussi vert que la jungle, l'exubérance et le voile de chaleur humide en moins ; son caractère sauvage était plutôt empreint de sobriété, ressemblait davantage à une extase froide. Les truites, les cascades écumantes, l'herbe moirée sur les flancs des collines, le ventre des nuages frôlant la surface de l'eau. Gris, vert. Vert, gris ».

Un récit touchant, un petit road-movie d'un père et de son nourrisson de trois mois à qui il raconte une journée au sein de cette famille marquée par le drame de l'hospitalisation de la mère, lors de son premier printemps parmi eux. Un récit dans lequel ce père s'adresse directement à sa petite fille, cadeau fait car elle ne gardera aucun souvenir de cette période. Touchant et tendre, pudique et profondément intime.

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« À toute chose gaie, chose triste, le printemps est là,
Il est trop tard pour pleurer, ce n'est vraiment pas le moment,
J'ai redécouvert le temps perdu ».

Ces paroles de Véronique ne peuvent rester sans son dans la mesure où l'air de sa chanson ressemble étrangement à une autre de Donovan, « Sunny Good Street ».
Mais ces mots retentissent avec ceux de l'auteur de ce livre. L'association entre la gaieté et la tristesse pour exprimer la douceur et la douleur de la vie.

« Tu ne sais pas ce qu'est l'air, cela ne t'empêche pas de respirer. Tu ne sais pas ce qu'est le sommeil, cela ne t'empêche pas de dormir. Tu ne sais pas ce qu'est la nuit, cela ne t'empêche pas d'être cernée par celle-ci. Tu ne sais pas ce qu'est le coeur, cela ne l'empêche pas de battre tel un métronome dans ta poitrine, nuit et jour, nuit et jour, nuit et jour ». (Incipit)

Karl Ove Knausgaard, je viens de passer avec toi des moments sublimes, entre questionnement et certitude, entre vide et plénitude.
Je ne sais si tu permets que je m'adresse à toi, qui plus est en te tutoyant. Mais j'ai décidé de le faire, peut-être pour te remercier d'avoir instauré cette forme de communication que tu as choisie pour expliquer à ta petite fille dernière-née les soubresauts de l'existence.
Tu vois, KOK, - désolé c'est plus court et percutant que les trois mots de ton identité graphique – j'ai essayé de comprendre en te lisant ce besoin de te mettre en scène de cette façon. Il a fallu que j'arrive au bout de ma lecture pour arriver à l'évidence. le « tu » est direct et sans emphase, c'est un « tue » sans e, sans eux, les autres, qui pourraient te répondre, avec des arguments que tu ne pourrais réfuter, alors que ce petit bout de chou te laisse toutes les possibilités de t'exprimer sans retenue, de mettre tes pensées à nu.
Un « tu » sans e pour combattre la mort, pour encenser la vie.

Ton épilogue commence ainsi.

« Nous sommes aujourd'hui le 13 avril 2016, il est onze heures moins dix et je viens juste de finir d'écrire ce livre pour toi ».

Etonnant, non ? Même date, même heure, huit années plus tard.
Bon, d'accord, quand on choisit de lire un roman qui s'intitule « Au printemps », on s'arrange pour choisir l'époque correspondante. Mais la probabilité de tomber juste est infime. D'aucuns diront c'est le destin.
Mais pas que. Tu vois, KOK, tes mots me percutent, en plein coeur.

« Je ne maîtrise pas assez l'art de la conversation pour avoir des amis proches, d'autant plus que, étant en permanence dans l'introspection, ce que les gens ne manquent pas de remarquer, personne ne tente de pousser trop loin nos discussions. Pour peu que quelqu'un s'y essaie, en général, je rentre dans ma coquille ».

Faire l'escargot, c'est prendre le temps de sentir le monde, surtout quand on en bave. Alors, KOK, je comprends que tu te rattaches à des détails pour exprimer ta pensée, à de minuscules fragments qui peuvent sembler insignifiants, une observation minutieuse et une description parfaite de ton ressenti.

« En cette saison, l'ensemble était encore assez ténu, le paysage n'avait pas cette opulence que lui apportait l'été, le vert des arbres commençait tout juste à poindre, car le mois d'avril, c'est cela : des bourgeons, des germes, l'incertitude, l'hésitation. Avril se trouve entre le grand sommeil et le grand bond. Avril, c'est l'envie de passer à autre chose, sans que l'on parvienne à définir ce qu'est cette autre chose ».

C'est fou ce que le temps change ! En à peine une décennie, mars a pris la place d'avril. Aujourd'hui, tout est déjà en fleurs, la chaleur est arrivée, mais le dérèglement ne nous augure rien de bon, l'incertitude et l'hésitation sont toujours de mise.
Oui, KOK, tu as raison, c'est le sel de la vie de ne pas savoir à l'avance ce qui va se produire dans les secondes qui suivent. Entre hasard et nécessité, entre bazar et cécité. Heureusement, la nature nous promet chaque année le même renouvellement, bien que décalée qu'elle est.

« Au printemps, durant quelques jours, le paysage donne l'impression de s'ouvrir de toutes parts, dans les semaines qui précèdent le moment où la verdure explose pour de bon, quand les arbres sont encore dépourvus de feuilles, quand le sol demeure nu, ce qui pourrait laisser croire que l'on est toujours en hiver, tandis que le soleil brille avec l'abondance de l'été, sans buter sur le moindre obstacle, sans être absorbé par toutes ces choses qui poussent et qui, dès lors qu'elles sont là, forment des petits espaces à part entière. le paysage durant ces quelques jours au printemps ne semble plus rattaché à aucun lieu et le volume d'air sous le ciel traversé par cette lumière est intense ».

J'aurais aimé, KOK, ajouter plein d'autres extraits, pour montrer à quel point tu atteins la perfection descriptive. Par exemple, les quelques minutes passées dans le cabinet de curiosités, la minuscule pièce que toute personne normalement constituée visite plusieurs fois par jour. Il te faut deux pages et demi, de la 40 à la 42, pour exprimer ce qu'est ce moment intime. C'est pousser l'envie jusqu'au paroxysme, mais c'est un régal de sensations, visuelles surtout, faudrait pas croire que…
Alors, je choisis un autre extrait. Tu te souviens, lorsque tu as décidé de parler de ton voisin, celui qui habite au milieu de nulle part.

« Je levai les yeux vers lui alors que, au-dessus de moi sur les marches du perron, il tendait son visage vers le soleil. Il avait un foulard élégant noué autour du cou, un pull fin bordeaux et un pantalon de costume marron foncé trop large ; chez lui, l'élégant côtoyait l'élimé, et il en allait de même du dos droit et du corps affaissé, de la détermination et de l'hésitation, de l' enjouement et de l'inquiétude. Quand il se tenait ainsi sur les marches, droit comme un I et la tête levée vers le soleil, il émanait de lui une sorte de douce autorité naturelle, tandis que dans la cuisine, quand il préparait le café, son langage corporel exprimait plutôt l'incertitude, la fragilité, avec sa nuque courbée, son dos voûté, ses mains qui dévissaient la cafetière avec lenteur et hésitation, comme s'il se rappelait à peine comment faire ».

J'en profite, cher KOK, pour féliciter ta traductrice française, Loup-Maëlle Besançon, qui a su trouver les mots justes pour transcrire ta prose poétique.
Puisque c'est le moment des honneurs, quel délice de découvrir au fil des pages les illustrations d'Anna Bjerger, traits et couleurs tout en nuances, un accompagnement exquis.

Je sais, KOK, que tu t'es lancé dans un cycle autobiographique, le « Quatuor des saisons ».
Et que tu avais précédemment consacré six volumes à ta vie tumultueuse.
Et bien je vais te dire, cher KOK, que je vais m'en tenir là. D'abord, histoire de rester sur une bonne impression, et aussi parce qu'il y a tant à lire… J'espère que tu me comprendras, que tu ne m'en voudras pas d'avoir préféré le printemps pour te découvrir, juste un fil de ta vie, celui d'avril. Mais ne dit-on pas « en avril, ne te découvre pas d'un fil ».

Et bien, si, toi, tu t'es découvert, dans tous les sens du terme. Sous couvert d'explorer les merveilles de la nature au printemps, la lumière et la chaleur qui arrivent progressivement, tu t'es dévoilé à ta manière. Tu as retiré, au fur et à mesure de ton écriture, des couches de vêtements qui engonçaient ton corps. Oui, je sais, c'est difficile de parler de soi, de ses proches, de ses tourments. Sache, KOK, que tu l'as fait avec délicatesse et subtilité qui m'ont procuré de l'émotion.
Arrive le moment où je me dois de parler de l'histoire, de ton histoire.
Rassure-toi, je saurai moi aussi rester pudique. Je pense que tu accepteras que j'écrive que ça se passe en Norvège et Suède. Ces pays où le froid et la nuit occupent une bonne partie de l'année. Ce manque de lumière et de chaleur qui engendrent la mélancolie, au départ, la déprime, par la suite.
Tu as choisi de raconter une journée avec ton bébé, cette promiscuité indispensable, ce lien indéfectible, afin de te sentir moins seul pour exprimer ton ressenti sur l'incommunicabilité des êtres.
La difficulté des pères à exprimer leurs émotions, celle des hommes en général, surtout sur des sujets douloureux, car intimes.
Ce petit bout de vie à qui tu t'es confié, à qui tu souhaites une vie belle et accomplie, au milieu des autres, pas à côté.

« Tu comprends, la beauté de ce monde ne signifie rien si tu es seule sur terre .
Vivre est parfois douloureux, mais il y a toujours une raison de vivre.
Crois-tu que tu réussiras à t'en souvenir »?

Voilà, KOK, je n'en dis pas plus. Suggérer, pour inciter à te lire, à te comprendre.
13 avril 2024, la lumière et la chaleur sont avec nous. J'espère, KOK, que tu profites de ce moment.
Comme toi, « j'ai grandi dans un milieu qui a toujours usé des mots avec circonspection ».
Prendre la plume est parfois plus facile que prendre la parole.
Les deux s'envolent, au gré du vent.



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Comme chaque jour, un père prend la route avec sa fille, désormais âgée de trois mois, pour aller rendre visite à sa mère, internée en maison de repos pour cause de dépression sévère. Cette routine quotidienne est l'occasion pour le narrateur de prendre des chemins de traverse et d'arpenter la campagne suédoise pour favoriser la découverte chez son nourrisson. Mais c'est aussi l'occasion de s'offrir un moment d'introspection et de partage avec son enfant, de créer un lien avec elle, tout en l'intégrant et en la préparant au monde qui l'attend…

Ce nom vous dit peut-être quelque chose… Bien que ne l'ayant jamais lu, j'avais pour ma part déjà entendu parler de Karl Ove Knausgaard et de son ambitieux projet autobiographique intitulé “Mon combat”. Désormais achevé et formant la bagatelle de six tomes constitués de plusieurs milliers de pages, le célèbre auteur norvégien s'attaque maintenant à un nouveau cycle, dédié cette fois à sa fille à naître et intitulé “Quatuor des saisons”.

Il s'avère que “Au printemps” est le troisième volume du cycle, ce qui n'est absolument pas gênant pour découvrir l'oeuvre de l'auteur, chaque tome pouvant se lire indépendamment des autres et ce en dépit de la chronologie. Dans “Au printemps”, sa fille est née. gée de trois mois, Karl Ove Knausgaard revient sur la grossesse difficile de sa femme, mais aussi sur l'arrivée de sa petite dernière au sein de la fratrie déjà composée de trois enfants. Il évoque toutes ces petites choses qui nourrissent la parentalité et qui constituent la famille, s'adressant directement à sa fille. Ainsi, le “je” et le “tu” sont les deux sujets de cette lettre ouverte d'un père à sa fille. Pour autant, loin d'être exclusive, cette narration nous fait une place de premier choix au coeur de l'intimité de cette famille et le résultat, sans jamais être barbant, m'a paru très réussi!

J'avais rarement lu une écriture d'une telle précision, capable de décortiquer et de dépeindre une scène quotidienne tout à fait banale avec tant de justesse et de beauté au point d'en devenir poétique! Il y a chez Knausgaard une force et une intensité dignes des plus grands peintres. Un peintre littéraire certes, mais un peintre tout de même. Cette “écriture du vrai”, qui parle sans langue de bois, fait ressortir une impression d'absolue sincérité chez l'auteur qui ne peut que toucher et émouvoir. Knausgaard nous offre un regard à la fois poétique et acéré sur le monde, mais aussi plein d'humour et d'autodérision lorsqu'il s'agit de parler de lui et de se mettre en scène. On navigue au gré de ses pensées, tantôt philosophiques, tantôt plus triviales, et l'on se délecte de ces embardées qui invitent à la contemplation et à l'introspection. Un pur bijou de littérature!
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Si j'ai accordé quatre étoiles, c'est que la lecture m'a plu. Je ne saurais dire a priori si c'est l'écriture — qu'on a comparée à celle de Proust, sans doute à cause de la longueur de certaines phrases dans lesquelles j'avoue m'être quelquefois perdue— le rythme plutôt lent ou tout simplement le thème qui semble largement inspiré du vécu de l'auteur. Je crois a posteriori que ce que j'ai aimé le plus, en effet, c'est cette saveur d'authenticité que l'auteur nous fait partager à travers le récit d'une de ses journées. Tout tourne autour de sa vie qu'il tente de vivre normalement en dépit de l'état de dépression de la mère de ses enfants. On comprend son impuissance à l'aider et il se réfugie héroïquement dans les tâches du quotidien telles la réalisation du biberon de sa dernière-née, la conduite en auto sur des chemins qu'il connaît et ce faisant, il nous entraîne dans le méandre des ses pensées, avec ses retours vers le passé, ses projections dans l'avenir, ses actes manqués et ses angoisses qu'il tente de cacher à ses aînés, s'efforçant de leur paraître fort et protecteur… Il ne se passe rien d'autre et pourtant ça m'a fascinée.
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Surprise … Karl Ove Knausgaard … pour moi c'est l'auteur norvégien à succès d'un cycle autobiographique « mon combat », passionnant disent certains (dont je suis), d'autres parlent d'un auteur nombriliste.
Après avoir menacé d'arrêter l'écriture, il a écrit un autre cycle composé de quatre livres correspondants chacun à une saison … ces romans sont destinés à donner mémoire à sa fille dernière née, de ce qu'elle n'a pas vécu, ou de ce qu'elle ne se souviendra pas.
Le hasard me fait débuter la quadrilogie par le troisième.
Un récit de quelques jours de la vie d'un père de famille s'occupant de ses quatre enfants, un emploi du temps détaillé au plus fin, heure après heure, minute après minute pendant l'hospitalisation de sa femme.
Un récit au plus près des petits riens qui occupent notre vie quotidienne avec la magie de son récit qui nous tient en haleine page après page alors qu'il ne se passe rien. C'est peut être ce qui fait l'attrait de l'écriture, ce mélange entre des détails à priori sans intérêt et des réflexions profondes sur le sens de nos vies.
Le printemps est le chef d'orchestre de cet écrit, la nature explose jour après jour jusqu'à la nuit de Walpurgis.
Je suis à la recherche des autres saisons !
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
L'hiver, nous marchions dans le noir, loin de tout éclairage, la lumière la plus proche apparaissant parfois comme un trait pâle à l'horizon et, pour peu que le ciel soit dégagé à ce moment-là, j'avais l'impression de me trouver quelque part dans l'univers, parmi les étoiles et les planètes, tandis qu'à la belle saison la lumière semblait rehausser le monde autour de nous : les champs, les arbres, la terre et l'herbe, plus drue et plus grasse à mesure que nous approchions de la Saint-Jean.
En cette saison, l'ensemble était encore ténu, le paysage n'avais pas cette opulence que lui apportait l'été, le vert des arbres commençait tout juste à poindre, car le mois d'avril, c'est cela : des bourgeons, des germes, l'incertitude, l'hésitation. Avril se trouve entre le grand sommeil et le grand bon. Avril, c'est l'envie de passer à autre chose, sans que l'on parvienne à définir ce qu'est cette autre chose.
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Tu ne sais pas ce qu'est l'air, cela ne t'empêche pas de respirer. Tu ne sais pas ce qu'est le sommeil, cela ne t'empêche pas de dormir. Tu ne sais pas ce qu'est la nuit, cela ne t'empêche pas d'être cernée par celle-ci. Tu ne sais pas ce qu'est le cœur, cela ne l'empêche pas de battre tel un métronome dans ta poitrine, nuit et jour, nuit et jour, nuit et jour.
Tu as trois mois et tu es comme emmaillotée dans une routine, couchée dans un lit d'événements qui se répètent quotidiennement, car, à la différence des larves, des kangourous, des blaireaux ou des ours, tu n'as ni cocon, ni poche, ni tanière.
(Incipit)
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Quand ta vie a-t-elle débuté ?
Quand deux gamètes issues de deux corps différents s'unirent en une seule cellule qui elle-même commença à se diviser. Cet événement se produisit à un instant précis dans un endroit précis du monde. Mais au-delà de ce chapitre biologique silencieux et autonome, une autre histoire se déploie, sociale celle-ci, qui n'a ni début ni fin, et le début de ton histoire, ce qui allait devenir ta vie, pourrait tout aussi bien être le jour où naquit ta mère, ou celui de notre première rencontre par un après-midi ensoleillé de l'été 1999 sur une île suédoise à l'intérieur des terres, ou encore lorsque pour la première fois nous évoquâmes la possibilité d'avoir un autre enfant.
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Tu passais le plus clair de ton temps à dormir, et quand tu ne dormais pas, le plus souvent tu regardais ailleurs. Je ne me rappelais pas que ton frère et tes sœurs aient agi pareillement ; au contraire, il me semblait qu’ils croisaient mon regard avec de grands yeux curieux. Or c’est un contact qui ne s’oublie pas, car j’avais alors l’impression de les voir, de voir qui ils étaient, de distinguer leur personnalité au fond de leurs yeux. Si leur monde intérieur était comme une forêt de sentiments indissociés, ces instants s’apparentaient à une clairière, une subite trouée.
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Par le travail de la terre ? Les rares fois dans ma vie où je m’étais prêté à cette activité, je n’avais rêvé que d’une chose : fuir, retourner au chaud, parmi les livres ou devant la télévision.
Ce n’était pourtant pas tout à fait vrai, car ces dernières années j’avais travaillé à intervalles réguliers dans le jardin et, passé la réticence et l’ennui des premières heures, c’était comme si je perçais un mur et trouvais un rythme qui devenait presque obsessionnel pour ne m’arrêter qu’aux environs de minuit.
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