Je suis amoureux jusqu’aux dents. J’en ai mal partout.
Je voulais être une bonne personne, pleine d'empathie pour les défavorisés, mais quand ils approchaient trop, je n'éprouvais que du mépris et de la colère, comme si leur déficience touchait quelque chose de profond en moi.
Ecrire n’avait rien de honteux, au contraire, c’était le nec plus ultra à la faculté de littérature, mais il ne fallait pas s’en vanter car presque tout le monde écrivait, et tant que ça n’avait pas été publié dans une revue ou, ô bonheur, une maison d’édition, ce n’était fondamentalement rien, ça n’existait pas, et à le montrer mal à propos on perdait la face, on indiquait qu’au fond on souhaitait être ailleurs, qu’on avait un rêve qui, et c’était là le point essentiel, ne se réaliserait probablement jamais. Ce que les étudiants en littérature écrivaient était destiné à rester dans les tiroirs, jusqu’à preuve du contraire. Pour moi, la situation était un peu différente car mon passage par l’Académie d’écriture me donnait le « droit » d’écrire, mais si je montrais mes textes et qu’ils étaient mauvais, je perdrais aussitôt toute crédibilité.
Pour un écrivain, l’essentiel n’était peut-être pas d’écrire mais de lire. Lisez autant que vous pouvez car il ne faut pas croire que vous vous perdrez vous-même ou deviendrez impersonnel, bien au contraire, c’est à travers la lecture que vous vous trouverez. Plus vous lirez, mieux ce sera.
Je restai avec elle toute la nuit. Nous nous cherchions , tout ouverts l'un à l'autre, et tout n'était que clarté. J'avais mal de bonheur car je l'avais. Elle était là, tout le temps. Tout le temps elle était avec moi, et j'avais mal de bonheur et tout n'était que clarté.
La célébration commença. Le vieux cantor que nous avions engagé avait la voix cassée et la sonate au violoncelle ne fut pas exécutée avec beaucoup de virtuosité non plus, mais c'était approprié, la vie n'est pas parfaite, seule la mort l'est, et c'était la vie qui regardait la mort, le petit garçon qui pleurait sur le cercueil.
C'était une vieille coutume. Je sortis sous la pluie, déposai les branches sur le gravier, levai les yeux vers la maison aux fenêtres illuminées dans la grisaille du matin. Je pleurai. Non pas sur la mort et sa froideur mais sur la vie et sa chaleur. Je pleurai sur la bonté existante. Je pleurai sur la lumière dans le brouillard, je pleurai sur les vivants dans la maison du mort, et je pensai : je ne peux pas gâcher ma vie.
Il n'y a aucune différence entre un roman de divertissement et un roman intellectuel, l'un est aussi bon que l'autre, la différence ne tient qu'à l'aura qu'ils récoltent, et ce sont les lecteurs qui en décident, par le livre en soi. Le livre en soi n'existe pas.
La vie était un jeu, la vie était un passe-temps, et la mort n'existait pas. On riait de tout, d'elle aussi, et ce n'était pas complètement insensé car finalement le rire avait toujours le dernier mot, ce rictus de tête de mort que nous aurions un jour, la bouche pleine de terre. (p.705)
La vie était un jeu, la vie était un passe-temps et la mort n'existait pas.