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Citations sur Un homme amoureux (53)

Ces interminables nuits d’été, claires et ouvertes, où nous passions d’un bar à l’autre, d’un café à l’autre, d’un quartier à l’autre dans des taxis noirs, seuls ou avec d’autres, où l’ivresse n’était pas menaçante, pas destructrice, seulement comme une vague qui nous élevait toujours plus haut, ces nuits-là commençaient lentement et imperceptiblement à s’assombrir, comme si on avait accroché le ciel à la terre, comme si la légèreté et la fugacité perdaient leur marge de manœuvre, plombées par quelque chose qui les maintenait en place jusqu’à ce qu’enfin la nuit s’immobilise, tel un mur d’obscurité qui descendait le soir et remontait le matin, et soudain, on n’arrivait même plus à imaginer la nuit d’été vaporeuse et changeante, tel un rêve qu’on essaie en vain de récapituler au réveil.
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En Suède, obtenir un bail est très difficile car il dure toute la vie et pour en avoir un comme le nôtre, en plein centre-ville, il fallait soit rester sur une liste d’attente une bonne partie de sa vie, soit en acheter un sous le manteau pour près d’un million. Linda l’avait hérité de sa mère et le perdre aurait signifié perdre le peu que nous possédions. Il ne nous restait donc plus qu’à être très attentifs, à tout faire correctement. Les Suédois, eux, ont ça dans le sang, ils paient tous leurs factures en temps et en heure, sinon ils sont inscrits sur une liste et peu importe le montant dû, la banque ne leur accordera pas de prêt, ils ne pourront pas prendre d’abonnement de portable ou louer une voiture. C’était évidemment incompatible avec moi qui ne faisais pas très attention à ce genre de choses et qui étais habitué à quelques petites affaires de recouvrement par an. J’en compris l’importance quelques années plus tard, lorsque j’eus besoin d’un prêt et qu’on me le refusa tout net. Moi, un prêt ! Mais les Suédois, eux, serrent les dents et vivent méticuleusement tout en méprisant ceux qui n’en font pas autant. Oh comme je détestais ce petit pays de merde. Et de surcroît tellement suffisant. Ils considéraient ce qui se faisait chez eux comme normal, et comme anormal ce qui était autrement. Et tout ça en se targuant de chérir la diversité culturelle et les minorités ? Je plains tous les Ghanéens et Éthiopiens de Suède qui s’inscrivent deux semaines à l’avance pour faire leur lessive dans les buanderies et s’en prennent plein la gueule quand ils oublient une chaussette dans le séchoir ou qui ouvrent leur porte à une personne apparemment bienveillante chargée d’un de ces maudits sacs IKEA et venue demander si par hasard ce ne serait pas le leur ? La Suède n’a pas subi la guerre sur son propre territoire depuis le dix-septième siècle et combien de fois ne me suis-je pas dit qu’il faudrait l’envahir, bombarder ses monuments, appauvrir sa terre, fusiller ses hommes, violer ses femmes et puis laisser un pays lointain quelconque, comme le Chili ou la Bolivie, accueillir gentiment les réfugiés suédois en leur disant qu’ils aiment la culture scandinave et en les mettant dans des ghettos, à la périphérie des villes, juste pour voir ce qu’ils diraient.
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La littérature n’est pas seulement des mots, c’est aussi ce que les mots évoquent chez le lecteur. C’est ce dépassement-là qui justifie la littérature et non les dépassements de formes comme beaucoup le croient (...) C’était pour la même raison que les peintures, et en partie aussi les photographies, avaient autant d’importance pour moi. Il n’y avait pas de mots en elles, pas d’idées, et c’était l’expérience que j’en faisais en les regardant qui les rendait remarquables, même sans idées.
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Le spectacle changeait sans cesse. D’un instant à l’autre, on passait d’un amas de nuages flottant mystérieusement dans le bleu du ciel, pareil à une montagne avec ses gouffres et ses pentes raides, ses vallées et ses grottes, à un front pluvieux qui avançait depuis l’horizon tel un énorme édredon gris foncé, et, si c’était l’été, on pourrait voir quelques heures plus tard les éclairs les plus spectaculaires strier le ciel sombre à quelques secondes d’intervalle et on entendrait le tonnerre rouler sur les toits. Mais j’aimais aussi les ciels les plus ordinaires, y compris les plus uniformes, les plus gris et pluvieux, quand les couleurs dans les cours en contrebas éclataient en se découpant nettement sur cet arrière-plan massif. Le vert-de-gris des toits ! Le rouge orangé des briques ! Et le jaune métallique de la grue ! Comme ça brillait dans toute cette grisaille claire ! Ou encore les ciels bleu intense des jours d’été quand le soleil cognait, où les rares nuages qui passaient étaient si vaporeux qu’on distinguait à peine leurs contours, faisant chatoyer la masse des bâtiments qui s’étendait devant moi. Et quand le soir venait, on voyait d’abord l’horizon rougeoyer, comme s’il embrasait la terre, puis une pénombre douce et bienfaisante s’étaler sur la ville comme pour l’apaiser, après une journée entière passée au soleil, harassante mais heureuse. Au firmament, les étoiles brillaient, les satellites passaient et les avions décollaient et atterrissaient à Kastrup et Sturup.
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Un jour, il y avait eu un incendie de forêt le long de la voie de chemin de fer. Ca aussi, c'était fantastique. Tout un flanc de coteau embrasé, à quelques mètres seulement du train. Les flammes léchaient juste certains arbres tandis que d'autres en étaient entièrement la proie. Des langues orange serpentaient dans les champs et sortaient des buissons, dans la clarté du soleil d'été qui, sous un ciel bleu pâle, rendait la scène comme transparente
Oh ça me comblait, c'était sublime, c'était le monde qui s'ouvrait à moi
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Je réfléchissais à tout ça, envahi de tristesse et d'impuissance, et je me tournai en pensée vers les seizième et dix-septième siècles, leurs vastes forêts et leurs grands voiliers, leurs moulins et leurs châteaux, leurs bourgs et leurs monastères, leurs peintres, leurs penseurs, leurs navigateurs, leurs inventeurs, leurs prêtres et leurs alchimistes. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où tout était fait à la force du poignet, du vent ou de l'eau. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où les Indiens d'Amérique vivaient encore en paix. O la vie représentait une véritable possibilité. Où l'Afrique n'était pas conquise. Où l'obscurité venait avec le coucher du soleil et la lumière avec son lever. Où les êtres humains étaient trop peu nombreux et leurs outils trop simples pour influer sur les populations animales, et encore moins pour les exterminer. Où on ne pouvait aller d'un endroit à l'autre sans efforts et où le confort était réservé aux riches, où la mer regorgeait de baleines, les forêts de loups et d'ours, et où il y avait encore des endroits si inconnus qu'aucun monte ne les avait imaginés, comme la Chine qu'on atteignait qu'au péril de sa vie, au bout de plusieurs mois d'un voyage dont seule une infime minorité de marins et de négociants pouvaient s'enorgueillir. Certes, ce monde-là était grossier et assez indigent, il était sale, infesté de maladie, alcoolique, ignorant et pétri de souffrances, l'espérance de vie y était courte et les superstitions nombreuses, mais il donna naissance à Shakespeare, le plus grand des écrivains, à Rembrandt, le plus grand des peintres, et à Newton, le plus grand des scientifiques, tous restés inégalés dans leur domaine respectif. Comment se fait-il que cette époque-là ait atteint une telle plénitude? Était-ce que, la mort étant plus proche, la vie était plus intense?
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- La sainteté. Aucun homme moderne ne veut etre un saint. Quelle vie que celle d'un saint? Souffrance, sacrifice, mort. Quel est le con qui veut une bonne vie intérieure sans avoir de vie extérieure? Les gens ne pense à l'introspection que quand elle peut les faire avancer dans leur vie extérieure. Que pense l'homme moderne de la prière? Pour lui, il n'en existe qu'un seul type, la prière de demande. On ne prie que quand on veut quelque chose.
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Stockholm est une des capitales les plus belles mais pas le moins du monde décontractée. Et, en ce sens, la Suède est un formidable paradoxe, d'un côté réputée pour ses frontières ouvertes mais de l'autre, le pays d'Europe à la plus forte ségrégation.
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[...] mais aujourd'hui le lien entre égalité et capitalisme, entre État-providence et libéralisme, et entre matérialisme dialectique et société de consommation est manifeste car le plus grand générateur d'égalité c'est l'argent, il efface toutes les différences.
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- Non, loin de là. L'innocence et la pureté sont devenues symboles de bêtise seulement à notre époque. Nous vivons dans une culture où c'est celui qui a accumulé le plus d'expérience qui gagne. Et c'est insensé. Tout le monde sait quel chemin prend la modernité, c'est en rompant avec une forme qu'on en crée une nouvelle, dans un perpétuel mouvement en arrière, et ça va continuer, et tant que ce sera comme ça, l'expérience dominera. L'unique acte qui soit pur et autonome à notre époque, c'est de renoncer, de ne pas accepter. Accepter est trop simple. On n'y gagne rien. C'est là quelque part que je te situe. Tu vois, c'est presque la place d'un saint.
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