Demain, c'est Noël. Demain, Ingrid, ma fille aux boucles blondes va m'assaillir de mille questions. Pourquoi je suis resté absent si longtemps, pourquoi des hommes méchants font encore la guerre, pourquoi je marche si lentement...
Pourquoi... Pourquoi... POURQUOI...
Si malgré cette disproportion tragique, l'ennemi a subi des pertes sensibles, ce résultat est dû uniquement au moral extraordinaire de nos pilotes, à leur volonté tenace, à leur esprit de sacrifice.
Mais le moral ne peut, à lui seul, assurer la victoire. Il nous faut des avions perfectionnés, des moteurs plus puissants. Et aussi un homme décidé à pratiquer des coupes sombres dans le personnel des bureaux !
Une pauvre épave, marchant à l'aide de deux béquilles, j'ai entamé le voyage qui doit me conduire à la maison. La guerre continue. Pour moi, pour l'estropié que je suis, elle est bel et bien finie.
Ici, les gens vivent comme si la guerre se déroulait dans une autre planète. Pendant que le soldat du front mène son existence primitive, exposant chaque jour sa santé et sa vie, les Berlinois, authentiques ou d'adoption, s'entassent dans les endroits où l'on s'amuse. Partout règne l'esprit de l'arrière, la mentalité du tire-au-flanc, de l'embusqué, du jouisseur.
Il ignore, ou il fait semblant d'ignorer, qu'au point de vue technique, la supériorité de l'adversaire est écrasante. Depuis les succès initiaux des campagnes de France et de Pologne, notre ministère de l'Air se repose sur ses lauriers. Ces messieurs dorment même si bien qu'aucun bombardement ne peut les tirer de leur sommeil.