De nouveau, je me suis laissée guider par les critiques de mes amis de Babelio. Mais cette fois-ci, c'est leur perplexité qui m'a attirée vers cette lecture.
Devant leurs questionnements, j'ai eu envie moi aussi de prendre ce taxi et voir où il me conduirait. Je l'ai lu différemment de mes lectures habituelles, très lentement, essayant de décortiquer cette petite nouvelle pour déterminer les "accrocs" dans le récit, vérifiant les dates, essayant de trouver les passages vers l'irréalité, le fantastique.
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Cette petite nouvelle commence très simplement.
Utako se rend au mariage de sa soeur cadette. Comme la jeune femme est en retard, elle prend un taxi. Pendant le trajet, elle s'assoupit. A son réveil, elle n'est plus très loin de l'hôtel
Impérial où doit se tenir la cérémonie.
Le chauffeur semble préoccupé, il soliloque. Il ne cesse de répéter comme un leitmotiv que dix ans ont passé depuis le séisme de 2011.
La jeune femme focalisée sur son retard, son rouge à lèvres qui a coulé pendant son
sommeil, n'est pas très attentive aux propos de l'homme, jusqu'au moment où les incohérences de l'homme vont la sortir de ses pensées.
Et c'est à ce moment-là que je me suis perdue dans ce récit, entre rêve et réalité, entre passé et présent. Je pense que l'auteure a délibérément entretenue ce trouble.
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L'écriture de l'auteure est très plaisante, mais déroutante car on ne s'attend pas à passer d'un monde ordinaire, très réaliste à un monde confus, désordonné, décousu, aux accords dissonants, illogiques.
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Je finis cette courte nouvelle décontenancée.
Les paroles que prononce la jeune femme à la toute fin de cette nouvelle semble répondre aux paroles du chauffeur de taxi au début du texte.
« Je n'arrive pas à croire que cela fait déjà dix ans… Je n'arrive pas à croire ce qu'il se passera dans un peu plus de dix ans. »
Chacun des deux protagonistes se réfère à des évènements différents, comme si malheureusement, les tragédies de l'Histoire étaient vouées à se répéter.
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Que s'est-il réellement passé pendant ce trajet en taxi ?
Comment la jeune femme a-t-elle réussi à voyager sur la ligne du temps ?
Qu'est-ce que je n'ai pas compris ?
Je suis revenue en arrière à plusieurs reprises pour comprendre le déroulement de la trame de l'histoire, les intentions de l'auteure.
J'ai eu l'impression qu'Utako avait été propulsée dans un vortex temporel.
Tout se mélange, s'embrouille.
Les dates des séismes, 1923, 1933, 2011, et 2021.
Les époques aussi se confondent, les bombardements de Tokyo pendant la seconde guerre mondiale, l'hôtel
Impérial de son inauguration à sa destruction, les tremblements de terre qui ont meurtri le Japon.
Les propos de la jeune soeur s'immiscent également dans l'intrigue, entretenant la confusion et soulevant de nouvelles questions.
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Chacun pourra interpréter cette histoire à sa manière.
Est-ce que la jeune femme, encore assoupie dans la voiture, a rêvé tout cela ?
Est-ce un songe éveillé, ses pensées sautant d'une idée à une autre, suite aux propos étranges du chauffeur de taxi ?
J'ai aussi pensé à la trilogie de
Haruki Murakami « 1Q84 ». Au moment où elle s'endort, peut-être bascule-t-elle dans un univers parallèle où le temps n'est plus soumis aux mêmes lois. Mais au contraire de Murakami qui aime l'étrange et le surréalisme, Erika Kobawashi elle, se concentre sur les grandes tragédies qui ont bouleversé le Japon.
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Pour conclure, c'est une nouvelle bien étrange que nous raconte Erika Kobawashi. J'ai passé quelques minutes agréables à la lire et à tenter de la déchiffrer.
Je ressors du taxi, comme Utako, un peu perdue, désorientée, ne sachant pas trop ce qui m'est vraiment arrivée.
Le chauffeur de taxi m'a ouvert la porte, me ramenant dans le présent, au contraire d'Utako, restée dans le passé.
J'espère que cette critique sera un passage de témoin à un autre lecteur qui apportera sa vision personnelle de l'histoire.