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1937, l'état d'Israël n'existe pas encore mais une centaine de villages communautaires juifs se sont déjà implantés sur la terre palestinienne. C'est à la création de l'un d'eux que nous convie ce roman. Une poignée d'haloutzim, de jeunes pionniers animés par l'idéal sioniste prennent possession de six cents hectares de pierres acheté aux villageois arabes des alentours par le Fond national juif. Au travers du regard de l'un d'eux , Joseph, on découvre la vie de la petite communauté. Ce Joseph, probablement le double littéraire de l'auteur, est un bien curieux personnage. Motivé par un idéal réunissant l'attrait "d'un pays exotique au charme d'une renaissance romanesque" et la séduction d'une utopie sociale, il éprouve cependant quelques difficultés à adhérer totalement au fonctionnement de la communauté. Pas suffisamment révolutionnaire pour lui. De plus, pas totalement juif, puisque né d'un père juif mais d'une mère goy, il semble surtout mal vivre sa judéité. Son mal-être transparaît au travers regard peu amène qu'il porte sur ses pairs. Il trouve les juifs venus d'Europe hypersensibles et névropathes, laids, reptiliens et arrogants. Les sabras, nés et élevés dans le pays, ne trouvent pas plus grâce à ses yeux, Il les considère comme des rustres incultes puisqu'ils sont dénués de traditions et ne parlent que l'hébreu. Un de ses compagnons lui dit "Tu te passionnes pour le judaïsme, mais tu n'aimes pas les Juifs. Tu aimes l'idée de l'humanité, mais non l'homme réel". Voilà qui résume bien la complexité de ce personnage peu sympathique, du genre à reprocher aux autres ce qu'il est lui même. Ce roman écrit en 1946 s'inspire de l'expérience vécue par Koestler qui a passé quelque temps dans un kibboutz alors qu'il était tout jeune et adepte du mouvement sioniste le plus radical mené par Vladimir Jabotinsky. On sent bien dans ce texte que l'expérience ne l'a pas du tout convaincu et qu'il en garde une certaine aigreur.. C'est une lecture provocante, troublante mais toujours passionnante car elle contient les germes des dissidences au sein du mouvement sioniste mais aussi ceux des désaccords qui perdurent entre d'une part, une communauté arabe qui sortait à peine du joug de l'Empire ottoman, vivait encore sous l'influence des clans familiaux et dans une grande misère économique et d'autre part, une communauté juive qui amenait avec elle les valeurs de la culture européenne ainsi que des capitaux importants. Un fossé qui peut expliquer l'impossible entente... Un livre à conseiller à tous les curieux intéressés par le sujet ! NB: Dans sa première édition ce roman est paru sous le titre "La tour d'Ezra". + Lire la suite |