La problématique de savoir comment de simple numéro on peut échapper aux réquisitoires foudroyants de la machine à penser à notre place préfiguree par la toute puissance que lui confère le pouvoir
Machine à broyer toute identité voulant essayer de se démarquer
la question de la place de l'individu sa problématique culpabilisation dirigée intentionnellement
Un livre abordant sous un angle terrifiant les faits et actes des sociétés des dirigeants notamment outrepassant leur pouvoir pour imposer leur domination parfois au détriment des peuples c.
Puissant réquisitoire en vérité de la liberté, ce livre nous livre comme un cri des libertés bafouées
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Roubachov, un ancien commissaire du peuple est emprisonné pour être jugé selon la technique en vigueur dans l'Urss de l'entre deux guerres. Selon la technique de l'arroseur arrosé, Koestler nous livre une vraie réflexion sur le pouvoir et la chose politique.
Sans vraiment s'en cacher, il critique le système soviétique poussé à sa plus absurde logique. Dictature du peuple, mais dictature tout de même.
Le propos peut se résumer à cette simple question : sacrifieriez-vous dix personnes si cela peut en sauver un million ? Posé comme cela, la réponse est évidente, tel un contre-feu obligatoire pour juguler l'incendie. Soit. Maintenant, je repose la question : accepteriez-vous de voir toute votre famille abattue si cela doit épargner toute la nation.
Non, évidemment, non.
On sera toujours plus touché par la mort d'un proche que par l'ensevelissement sous un tsunami ou l'anéantissement par un virus de milliers d'inconnus au bout du monde.
Roubachov reconnait ce crime aux yeux des soviets : il a placé un moment l'humain au-dessus de l'humanité. Sacrilège. Et d'écrire sa confession sous la forme d'une thèse sur la maturité politique des masses, passionnante par ailleurs, qui veut que le peuple ne peut jouir d'une réelle démocratie que s'il maitrise le progrès technique. Pure chimère depuis l'ère industrielle : l'évolution technique va si vite qu'il nous est impossible de simplement suivre le train en marche. Nous serions donc tous condamnés à vivre sous une dictature.
Seulement, nous sommes des mammifères supérieurs, placés tout en haut de la chaine alimentaire et notre mode d'évolution est la stratégie K, selon les écologues McArthur et Wilson, développée en 1967 (soit 22 ans après le bouquin de Koestler) qui s'oppose à la stratégie R.
Dans le premier mode de civilisation, l'espèce mise tout sur le développement dans un cadre un tant soit peu sécurisé : une grande part est donnée à l'éducation. Nous partageons avec les primates et les prédateurs cette façon de perpétuer l'espèce. Dans le second mode, tout est basé sur une forte reproduction, à la croissance rapide et à la maturité précoce. C'est le système mis en place notamment par tous les insectes. Ces sociétés finalement assez proche du système soviétique (fourmilière, ruche). Et cela marche parfaitement : certaines espèces n'ont plus évolué depuis des dizaines de millions d'années, preuve que leur société est parfaitement équilibré et insérée dans leur environnement. L'humain ne peut et ne pourra jamais fonctionner de cette façon. Koestler en donne une preuve sans détour : le besoin qu'ont les prisonniers de communiquer entre eux, par un système de code.
D'aucuns vont penser que cela est d'un autre temps et d'un autre pays. En êtes-vous vraiment sûr ? le monde libéral et globalisé ne participe-t-il pas de la même logique ? Sous des dehors de totale liberté, nous sommes enfermés dans nos propres cellules en possédant même la clé mais ne pouvant s'en servir, ne le désirant même pas. A grand renfort de marketing et de publicité, ce monde libéral nous conditionne mieux que toutes les polices de Staline ou d'Hitler. le constat est simplement moins visible. Mais il est là : afin de gouverner les foules, on doit faire abstraction de l'individu. Machiavel n'est pas loin.
Cependant, à l'heure où refont surface dans toute l'Europe des nationalismes érigés sur des idées nauséabondes, ce libéralisme destructeur n'est-il pas le seul rempart face à une douloureuse répétition de l'Histoire ? Serions-nous condamnés à devoir choisir entre la peste et le choléra ? N'y a-t-il pas de troisième voie possible, souhaitable ? L'humain ne peut-il triompher de l'humanité ?
Notons, au passage, l'excellente idée du titre en français – chose rare – puisque l'original (ténèbres de midi) ne fait aucunement allusion au dilemme central du roman et se concentre uniquement sur l'interrogatoire qui se poursuit, par tranches, sans plus aucune notion du jour ni de la nuit.
Outre qu'il nous est bien difficile de nous identifier à Roubachov (n'a-t-il pas ce qu'il mérite, après tout ?), on ressort de ce roman avec un désenchantement qui nous colle à la peau comme une chemise glacée.
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Un roman, dense et complexe, sur l'écrasement des individus et sur l'échec des processus révolutionnaires.
Derrière la critique du régime de l'est dénoncé par Koestler, on peut faire un parallèle avec tous les systèmes totalitaires; non seulement politiques ou religieux, mais également ceux issus d'une idéologie institutionnalisée en organismes défenseur d'une cause quelconque.
En soi toute cause, même bonne, se radicalise par effet de groupe et d'institutionnalisation. L'intégrisme n'est jamais loin, et tout contradicteur, même pragmatique, sera à bannir.
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J'ai dû lire ce bouquin à 17-18 ans, et je n'ai jamais oublié Roubachov, victime des purges staliniennes après en avoir été lui même l'instrument.
Dans sa geôle, les crimes et les trahisons qui lui reviennent en mémoire lui paraissaient nécessaires, quand il éliminait en toute bonne foi ses anciens compagnons d'armes, autant qu'elles doivent paraitre aujourd'hui à celui qui est chargé de lui faire avouer à lui, Roubachov, ancien dignitaire du parti, des crimes imaginaires.
J'ai toujours en tête la dernière phrase, une des plus belle fin jamais écrite, qui me flanque encore les frissons ...
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Cinquante ans après l'avoir lu, je me souviens de l'escadre de cargos soviétiques qui vient briser une grève, de Roubachof emprisonné, du système qui, obéissant à une logique qui échappe au militant de base, broie dans sa progression infernale les humains et leur enthousiasme (ceci me rappelle « les dieux ont soif », d'A. France, qui se déroule un siècle et demi plus tôt).
J'encourage les jeunes lecteurs à lire ce livre.
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Livre un peu ardu à lire décrivant avec beaucoup de justesse un simulacre de justice sous une dictature… ces 2 mots étant par nature opposés! Les débuts de l'ère soviétique sont évidemment en filigrane derrière ce texte.
Le zéro de l'individu dans un régime totalitaire s'oppose à la vision humaniste dans laquelle l'individu est infini.
L'auteur détaille avec précision cette fiction grammaticale où le 'je ' se perd au profit de la collectivité.
Un livre qui comptera dans mon parcours de lecteur.
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