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EAN : 9782702158708
368 pages
Calmann-Lévy (20/04/2016)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Dans ce roman inédit écrit en 1934, Arthur Koestler met en scène des enfants allemands placés dans un foyer français, L’Avenir. Leurs parents, déjà emprisonnés dans les camps de concentration ou eux-mêmes exilés, ont dû se séparer d’eux, ne pouvant plus subvenir à leurs besoins. Ces petits héros – Dédé le Voleur, Ullrich l’Opposition, Mathilde aux Polypes – ont des jeux bien étranges : ils s’amusent à reproduire les débats qu’ils ont connus dans leurs familles. Ils ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un cas étrange, ce livre… Répudié par son auteur pour divers motifs plus ou moins solides, il n'a jamais pu bénéficier d'une couverture éditoriale en rapport avec ses qualités. Car c'est un véritable plaisir de lire cet ouvrage. L'histoire fait la part belle à des enfants de réfugiés communistes allemands, placés dans un foyer en banlieue parisienne, peu après l'accession de Hitler au pouvoir . Plus ou moins abandonnée de tous, sans beaucoup de ressources financière, la structure peine à leur offrir nourriture et enseignement pédagogique de qualité. Pour autant, les enfants s'organisent et vont jusqu'à reproduire ce qu'ils ont connu avec leurs parents : ils animent un journal populaire au sein du foyer, organisent un collectif qui prend peu à peu position sur tous les sujets possibles et débattent de la compétence de leurs éducateurs. Beaucoup de rire dans cet ouvrage, notamment lorsque le collectif décide après une longue discussion qu'il ne faut pas punir l'un d'entre eux, coupable d'avoir volé du chocolat à une de ses camarades, au motif qu'il est d'abord une victime du grand capital. Lorsqu'il apprendra qu'en URSS le chocolat est distribué quotidiennement par kilo et qu'il n'y a donc aucun vol possible de cette matière, un des petits s'exclamera en pleurant qu'il ne pourra jamais vivre dans un pays communiste, se sentant incapable d'en consommer une telle quantité chaque jour.
Alors que le camarade Lepiaf n'est en réalité qu'un second rôle qui occupe le titre par effet de dérision de l'auteur, plusieurs personnages d'enfants prennent de l'épaisseur au fil du récit. Au final, c'est surtout l'affrontement entre le plus âgé d'entre eux, un leader dogmatique intraitable, et le fils d'un grand psychologue, coupable de filiation bourgeoise et futur intellectuel critique, qui va scénariser le livre jusqu'à un dénouement abrupt. Un très bon moment de lecture, un style ciselé, jouant à la fois sur le langage des enfants et les codes marxistes, avec d'exquises citations qui font mouche : « Les parents, dit Gustav, sont en lutte contre le fascisme, et nous, les enfants, nous devons les soutenir ». Il n'y avait certes rien à objecter à cela, mais rien à y ajouter non plus. Il y eut donc quelques « tout à fait » avant que les gens ne s'affalent de nouveau sur leur chaise »...
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Dans la réalité historique, un foyer d'enfants fut effectivement fondé en 1934 à Maisons-Laffitte, près de Paris, destiné à accueillir des petits allemands dont les parents, Juifs et/ou militants anti-nazis, étaient soit déjà déportés soit engagés dans la lutte clandestine soit émigrés dépourvus des ressources nécessaires à subvenir à leurs besoins. Ce roman-enquête fut rédigé en cette même année et présenté au jury d'un concours en Suisse, mais n'ayant pas été retenu, Koestler refusera toujours l'édition de ce premier ouvrage qui ne trouvera jamais grâce à ses yeux, sans doute pour les raisons suivantes : ce fut l'unique roman qu'il ait « mené à son terme en tant que communiste », il le jugeait « amateur et inégal », trop inspiré par le foyer réel où l'auteur séjourna pendant quelques mois et par un livre paru à Berlin en 1929 intitulé : Chkid, La République des chenapans, et enfin parce « le manque de temps [avant le concours] ne [lui avait] pas permis un dernier peaufinage de certains chapitres ».

Le récit est donc celui d'un foyer d'enfants d'émigrés allemands, âgés entre 3 et 17 ans, qui reproduisent les discours et accomplissent leur « éducation politique » réciproque selon un modèle qui est à la fois celui qu'ils ont reçu de leurs parents et qui est encouragé par les éducateurs de l'institution : un modèle où l'on se partage les tâches ménagères et la pitance toujours plus maigre, où l'on débat de tout en Collectif et l'on rédige le Journal mural, où l'on se tutoie tous et se donne des petits noms pas toujours aimables (adultes comme enfants), où la notion de punition est bannie comme la propriété privée, où en somme les individualités sont secondaires, contrairement à ce que laisserait supposer le titre (surtout vu que le camarade Lepiaf est parmi les personnages les plus secondaires...), sinon pour le fait qu'elles représentent encore assez clairement (malgré les décennies) les différentes sensibilités du Front populaire allemand. Ainsi en est-il du personnage très touchant de l'intellectuel bourgeois esseulé (Ullrich l'Opposition), du leader communiste incontesté (Piete le Grand), du prolétaire juif manquant tragiquement d'estime de soi (Peter le Solitaire).

J'ai trouvé cette lecture encore plus agréable que je ne l'espérais, et certains des défauts que l'auteur lui trouvait m'ont paru, à l'opposé, les marques d'une modernité de style tout-à-fait inattendue. D'abord l'insertion de textes hétérogènes : les lettres et les autobiographies d'enfants, les extraits du journal intime d'Ullrich, des articles du journal mural, des courriers et autres documents administratifs ; ensuite une certaine gaucherie dans le plan narratif : les trois premiers chapitres se passent en dehors du foyer, et ils sont décidément centrés sur le personnage de Peter, qui sera en suite assez secondaire ; les quatre derniers sont aussi focalisés sur des personnages individuels, de plus en plus éloignés du foyer, et en particulier le dernier, intitulé « Points d'interrogation » qui se termine de façon tellement abrupte que le qualificatif de « conclusion ouverte » est un euphémisme ; globalement il n'y a pas d'unité stylistique entre les chapitres, qui pourraient presque constituer, pour certains, des nouvelles : le ton est parfois très humoristique, parfois très grave ; les ch. que l'auteur trouve inaboutis (IX, XII et XXI) sont très précisément mes préférés – auxquels j'ajouterai le XI et le XIV qui sont tout en finesse psychologique. La dialectique asymétrique entre collectif et individuel me paraît très réussie, et si Koestler s'en est voulu d'avoir écrit « en communiste », il peut s'absoudre d'avoir été à aucun moment dogmatique, et j'en veux pour preuve le très drôle laïus sociologisant du ch. IX, « La même nuit – Moll pontifie », ainsi que le personnage très « réaliste soviétique » de Lampel, qui n'est jamais un héros, avec son tic de remonter sa casquette, et qui se trompe aussi souvent qu'il a raison... L'humour facile qui aurait résulté de l'abus du décalage entre l'univers infantile et le « discours » marxiste des petits protagonistes n'est jamais forcé : les multiples facettes des caractères des personnages les rendent, malgré l'intention emblématique, des enfants plutôt que des symboles politiques !
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« - Les parents, dit Gustav, sont en lutte contre le fascisme, et nous, les enfants, nous devons les soutenir.
Il n'y avait certes rien à objecter à cela, mais rien à y ajouter non plus. Il y eut donc quelques "tout à fait" avant que les gens ne s'affalent de nouveau sur leur chaise.
- Jusqu'à ce que nous soyons adultes, releva ensuite le Bonze, nous voulons nous aussi lutter contre le fascisme.
Le Fourmilier se moucha. Puis on resta sans rien dire.
[…]
Il y eut un éclat de rire et soudain Peter le Solitaire prit la parole. Peter n'avait encore jamais osé parler ainsi, publiquement, devant tout le monde. Mais, depuis que le Collectif avait admis Peter dans ses rangs, sa confiance en lui avait augmenté ; et maintenant, face à tout le foyer, il se sentait dans une position nettement supérieure à celle de la piétaille.
- Moi, mes parents me font toujours de la peine, dit Peter, mais c'est différent depuis que je suis au foyer. N'allez pas croire pour autant que je n'aime pas mon père.
Il rougit, il ne savait plus vraiment ce qu'il voulait dire ; il est vrai que c'était une histoire très difficile et que les mots ne suffisaient pas à raconter. Peter bredouilla et fur encore plus embarrassé. Certains se mirent à rire. » (pp. 185-186)
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« Tusnelda distribuait les tartines, les lèvres pincées, chacun de ses mouvements témoignant de son savoir-faire et de la conscience d'accomplir une tâche surhumaine ; le fardeau de la responsabilité, le regard perçant d'un capitaine en haute mer, mais aussi la foi dans l'orthographe du dictionnaire Duden, dans le Capital de Marx, dans le système Montessori, dans l'impératif catégorique et dans le droit à l'avortement libre. » (p. 105)
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Le poème d'Ullrich :

« Hier j'étais encore au lycée
Aujourd'hui je suis émigré
Hier encore on disait : patrie
Aujourd'hui c'est une terre ennemie

Ici tout est différent, trop c'est trop
Pour dire U-Bahn on dit métro
Hier j'étais un écolier
Aujourd'hui je m'appelle 'émigré'

[…]

Hier j'étais dans mon lycée
Aujourd'hui je suis émigré
Demain je serai citoyen
D'un pays libre, et c'est le mien ! » (pp. 128-129)
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Une gare de la banlieue parisienne est aux gares ce qu'un bistrot est aux salons de thé.
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« La tolérance est une vertu acquise, l'indifférence un vice inné. » (exergue de la postface)
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