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Gabriel Iaculli (Traducteur)
EAN : 9782020978644
204 pages
Seuil (11/02/2010)
3.65/5   10 notes
Résumé :
Entre les murs du Colegio Nacional de Buenos Aires règne une discipline stricte, implacable et cruelle. Maria Teresa, vingt ans, toute nouvelle surveillante de la classe de troisième, a pour mission de veiller à ce qu'aucun élève ne déroge aux règles de bonne conduite. Son supérieur hiérarchique, M. Biasutto, lui a recommandé de ne laisser passer aucune faute et, mine de rien, d'avoir l'oeil à tout afin de tenir éloigné l'esprit de la subversion qui, en cette année ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
"Le Colegio Nacional a un jour été une école de garçons. En des temps lointains-ceux là où il s'appelait Collège des sciences morales, pour ne pas parler du temps encore plus lointain où il était connu sous le nom de Real Colegio de San Carlos- tout devait y être , par la force des choses, plus clair et plus ordonné."
Tout l'est toujours encore pour quelque temps.
Pour le Colegio Nacional de Buenos Aires, il y a l'intérieur et l'extérieur et l'extérieur n'existe pas. On est 1982 , à la veille de la guerre des Malouines et peu avant la chute du régime militaire. On entendra bientôt des bruits venant de la place d'à côté, et les consignes, très strictes à appliquer par tous seront de ne surtout pas ni écouter, ni voir ce qui pourrait se passer derrière les murs de cet espace clos où règne une discipline quasi militaire.
A l'extérieur, il y a aussi le lieu où habite Maria Teresa avec sa mère, très dépressive, qui ne fait qu'attendre des nouvelles du frère parti à l'armée .. Il y souffre beaucoup, et le manifeste en envoyant des cartes postales sur lesquelles il finit par ne plus rien écrire. Que son nom.
Maria Teresa est surveillante au Colegio nacional . Payée pour traquer le moindre signe de laisser aller chez les élèves qui représentent l'élite de la nation argentine.
Elle ne comprend pas tout, Maria Teresa, ni ce qui se passe avec son frère, ni le système politique, mais elle obéit. A son supérieur hiérarchique, le premier homme qui l'a regardée? Et elle fait même un peu plus qu'obéir, elle imagine et traque un élément subversif au sein de ses élèves, un garçon aurait, peut être ( odeur suspecte qui lui a rappelé le tabac que fumait son père..) fumé dans les toilettes. Suspicion, et traque, encouragée par la hiérarchie. Un nom, il faut un nom. le dénoncer lui attirera encore plus d'attention de la part de Mr Biasutto..Et peut être que quelque chose changera dans sa vie? C'est aussi bête et naïf que cela. le romancier ne juge pas, il décrit, et cela suffit.
Pour lui, elle va s'installer dans les toilettes des garçons et y découvrir bien des choses qu'elle ignore encore.
Maria Teresa a été fabriquée par le système et la violence de ce système va la broyer.
La force du roman tient bien sûr dans le fait du parallèle entre l'oppression , l'angoisse, mais aussi le plaisir ressentis dans ce lieu glauque et ce qui se passe au même moment dans le pays lui-même.

J'avais vu le film de Diego Lerman, L'oeil qui regarde, il y a quelque temps, je l'avais trouvé très bien fait ( et une merveille de cadrage, très étudié, qui traduisait très bien l'enfermement ) , c'est une adaptation fidèle . Film et roman sont brillants , mais infiniment tristes et assez sordides...
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Ce court roman argentin a été porté à l'écran l'an passé sous le titre "L'oeil invisible". L'action se passe entre les murs d'un collège aux heures les plus sombres de la dictature argentine. La jeune surveillante Maria Teresa a si bien intériorisé la discipline rigoureuse qui y règne qu'elle pousse le zèle jusqu'à traquer d'éventuels fumeurs dans les toilettes des garçons. Enfermée dans un WC, elle est troublée par les bruits qu'elle entend et les odeurs qu'elle capte.

Le film comme le roman rendent bien l'atmosphère oppressante de cette institution quasi-militaire où les jeunes gens sont privés de toute singularité. Tout tourne autour de l'héroïne qui habite chaque scène. le trouble qu'elle ressent face aux élèves dont la surveillance lui incombe et face au surveillant général est très bien rendu. Les rares excursions hors du collège la mènent dans le minuscule appartement qu'elle partage avec sa mère dépressive.
L'intrigue rappelle "La Pianiste" de Elfriede Jelinek. L'héroïne de "Sciences morales" a 20 ans de moins que celle du roman de Jelinek - adapté à l'écran par Michael Haneke avec Isabelle Huppert. Tout porte à croire qu'elle vieillira comme elle, transformant sa timidité et son ignorance en une sexualité malsaine.
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"Sciences morales" est une métaphore qui démonte le mécanisme transformant des gens ordinaires en oppresseurs et revisite au passage le statut de victime ou bourreau.

Le récit, qui se situe sous les dernières heures de la dictature militaire argentine (campagne des Malouines), en devient universel. Toute l'originalité de la démarche de Martin Kohan tient au fait qu'il nous permet de faire cette analyse uniquement en nous décrivant le quotidien de Maria Teresa, son travail de surveillante au Colegio Nacional, célèbre institut, ses veilles zélées cachée dans les WC hommes, son quotidien auprès de sa mère malade, contexte dans lequel on l'appelle d'ailleurs Marita, la dotant d'une autre identité.
Kohan écrit tout son récit au présent à la 3ème personne, tel un observateur extérieur qui nous dépeint ses personnages sans jugement. La sobriété de son style sied parfaitement à son récit plutôt grave.

Martin Kohan a reçu le Prix Herralde de Novela en 2007 pour ce roman.

Le réalisateur argentin Diego Lerman l'a adapté en 2010 au cinéma sous le titre "La mirada invisible".
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Une jeune surveillante dans un collège prend très à coeur la bonne conduite des corps, des tenues, la remise en ordre des moindres signes de subversion dans l'Argentine des années 80.

Perfectionniste à l'extrême, Maria Téresa sera amenée à rechercher la fumée d'éventuelles cigarettes dans les toilettes des garçons. Cette traque, considérée comme un devoir moral, dans des lieux si étrangers à son savoir, est particulièrement bien rendue par l'écriture et les sensibles variations de ces heures d'attentes.

De l'éveil de ses sens, de son corps, au viol par son supérieur, l'implacable discipline imposée aux autres se manifestera aussi, faut-il en être surpris-e, par la radicale violence d'un homme sur cette jeune femme.

Le style incisif mais jamais appuyé de Martin Kohan nous entraine, sans violence des mots, dans une implacable présentation de la spirale des dominations.

Un beau second livre après le déjà singulier Dix-sept secondes hors du ring (Seuil, Paris 2007)
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Les deux romans lus, à ce jour, de Martín Kohan, m'ont convaincue que cet auteur argentin maîtrise parfaitement l'art du détournement, d'exprimer indirectement un propos qu'il rend néanmoins limpide...

María Teresa est depuis peu surveillante au Colegio Nacional de Buenos Aires, qui accueille l'élite de la nation argentine. Anciennement baptisé "Collège des Sciences Morales", l'établissement s'honore d'avoir formé plusieurs célébrités de l'histoire militaire et politique du pays. On y enseigne une discipline rigide et patriotique.

Maria Teresa a vingt ans. Sa timidité naïve, sa méconnaissance des hommes et son physique insipide en font une sorte de vieille fille avant l'âge. Elle vit d'ailleurs toujours chez sa mère, qui flirte avec la dépression depuis que son fils a été mobilisé, et qu'il envoie des cartes postales de plus en plus lapidaires, témoignant de transferts de plus en plus lointains.

La jeune femme remplit sa mission avec zèle, désireuse de susciter l'admiration du surveillant général Biasutto, symbole d'une autorité omnisciente et intransigeante, sorte de héros parmi les autorités du collège, qui voit dans les geste anodins élèves des provocations, des actes témoignant d'un esprit de subversion qui couverait, appelant une extrême vigilance. Aussi, lorsqu'elle soupçonne certains élèves de fumer dans les toilettes du collège, les prendre sur le fait devient une obsession. Elle se dissimule des heures durant dans une cabine de W.-C., y devient l'invisible témoin de la vie dans ce qu'elle a de plus trivial, et y prend une sorte de plaisir inconscient, coupable d'un voyeurisme qui s'ignore, nourri d'ignorance plutôt que de perversion. Paradoxalement, son zèle s'accompagne d'une angoisse sournoise et croissante, qui s'exprime lors de la réalisation de certaines de ses missions quotidiennes, lui provoquant des vertiges, ou la plombant dès le matin d'une fatigue insidieuse.

Un jour, le piège qu'elle a créée en se dissimulant dans les toilettes se referme sur elle...

Martín Kohan n'évoque quasiment jamais le contexte de son récit, mais parvient à le rendre criant, et d'autant plus angoissant qu'il est tacite. Quelques indices sont essaimés : une année -1982, celle de la guerre des Malouines qui sonnera le glas de la dernière dictature argentine-, quelques allusions aussi brèves qu'obscures à des listes noires, à des désordres obligeant les collégiens à rentrer chez eux en contournant la Playa de Mayo, proche de l'établissement. Il recrée dans le microcosme du collège les conditions d'un système dictatorial, basé sur la délation, où personne n'est à l'abri des abus de pouvoir, pas même ses collaborateurs les plus empressés. le personnage de Maria Teresa est le symbole d'une obéissance aveugle : elle applique les consignes sans s'interroger sur leur sens, subit elle-même la violence du système, sans pour autant le remettre en cause...

Sous les apparences de la banalité, de l'anodin, l'auteur exprime une violence sourde, masquée par une chape de déni et de silence. Glaçant.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
- Pour une femme, vous tenez très bien votre poste imaginaire.
Maria Teresa ne comprend pas du tout ce que M. Biasutto a voulu dire par là, mais il lui semble préférable de l'accepter et d'approuver plutôt que de demander des explications.
- Je fais seulement mon devoir.
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Video de Martin Kohan (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Martin Kohan
Bande annonce en v.o. de la "Mirada invisible" de Diego Lerman, adaptation du roman "Sciences morales" de Martin Kohan
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