"Le Colegio Nacional a un jour été une école de garçons. En des temps lointains-ceux là où il s'appelait Collège des
sciences morales, pour ne pas parler du temps encore plus lointain où il était connu sous le nom de Real Colegio de San Carlos- tout devait y être , par la force des choses, plus clair et plus ordonné."
Tout l'est toujours encore pour quelque temps.
Pour le Colegio Nacional de Buenos Aires, il y a l'intérieur et l'extérieur et l'extérieur n'existe pas. On est 1982 , à la veille de la guerre des Malouines et peu avant la chute du régime militaire. On entendra bientôt des bruits venant de la place d'à côté, et les consignes, très strictes à appliquer par tous seront de ne surtout pas ni écouter, ni voir ce qui pourrait se passer derrière les murs de cet espace clos où règne une discipline quasi militaire.
A l'extérieur, il y a aussi le lieu où habite
Maria Teresa avec sa mère, très dépressive, qui ne fait qu'attendre des nouvelles du frère parti à l'armée .. Il y souffre beaucoup, et le manifeste en envoyant des cartes postales sur lesquelles il finit par ne plus rien écrire. Que son nom.
Maria Teresa est surveillante au Colegio nacional . Payée pour traquer le moindre signe de laisser aller chez les élèves qui représentent l'élite de la nation argentine.
Elle ne comprend pas tout,
Maria Teresa, ni ce qui se passe avec son frère, ni le système politique, mais elle obéit. A son supérieur hiérarchique, le premier homme qui l'a regardée? Et elle fait même un peu plus qu'obéir, elle imagine et traque un élément subversif au sein de ses élèves, un garçon aurait, peut être ( odeur suspecte qui lui a rappelé le tabac que fumait son père..) fumé dans les toilettes. Suspicion, et traque, encouragée par la hiérarchie. Un nom, il faut un nom. le dénoncer lui attirera encore plus d'attention de la part de Mr Biasutto..Et peut être que quelque chose changera dans sa vie? C'est aussi bête et naïf que cela. le romancier ne juge pas, il décrit, et cela suffit.
Pour lui, elle va s'installer dans les toilettes des garçons et y découvrir bien des choses qu'elle ignore encore.
Maria Teresa a été fabriquée par le système et la violence de ce système va la broyer.
La force du roman tient bien sûr dans le fait du parallèle entre l'oppression , l'angoisse, mais aussi le plaisir ressentis dans ce lieu glauque et ce qui se passe au même moment dans le pays lui-même.
J'avais vu le film de Diego Lerman, L'oeil qui regarde, il y a quelque temps, je l'avais trouvé très bien fait ( et une merveille de cadrage, très étudié, qui traduisait très bien l'enfermement ) , c'est une adaptation fidèle . Film et roman sont brillants , mais infiniment tristes et assez sordides...