Mariko Koike, je ne la connaissais pas du tout. Un rapide coup d'oeil sur sa biographie m'apprendra qu'elle est une auteure à succès d'un grand nombre de roman à suspense psychologique. Mais, c'est dans un recueil de nouvelles que je suis tombé sous le charme, « Je suis déjà venue ici ».
Le charme est le mot qui convient. Ici, point de suspense, mais beaucoup de passion et de psychologie. Ça tombe bien, je suis un grand romantique (non, je t'en prie, ne souris pas, je ne le mérite pas). Voilà dix petites nouvelles, toutes plus belles les unes que les autres. Un point commun, l'amour. Avec un grand A. En quelques lignes, la scène est posée, les personnages sont présentée, la trame se dessine. Les nouvelles sont courtes, une vingtaine de pages par nouvelle, et pourtant, je ne me sens pas perdu. Je me sens pénétré par chacune des histoires. Cette auteure a du talent pour exposer en peu de temps le destin de ses personnages.
Je ferai donc court, comme pour les nouvelles de Mariko. Si tu aimes la simplicité des histoires de Hiromi Kawakami, ce livre est fait pour toi. Si tu aimes les films de Kore-Eda Hirokazu, ce livre est fait pour toi. Si tu aimes les histoires d'adultères ou si toi aussi tu pratiques l'adultère, ce livre est fait pour toi. N'ais pas honte. Ce n'est pas sale ni grave. L'amour survient à l'improviste et fait fi des considérations de couples et d'âge. Ne te méprends pas : je ne fais pas l'apologie de l'adultère (par contre, si tu veux, je te file mon numéro de téléphone, on pourrait aller se prendre une coupe de saké à coté du « love-hôtel » dernière génération). Les histoires d'amour de Mariko se font autour de couples illégitimes, sans sombrer sur les éternelles questions du bien et mal. La différence d'âge n'est pas non plus un frein à cet amour naissant, juste un homme, une femme, une rencontre et un clin d'oeil, une bière et de-là, l'amour naquit. Avec l'amour survient une pointe d'érotisme, si charmant, si poétique que ce recueil acquiert une sensualité extrêmement profonde.
Onze nouvelles d'une vingtaine de pages qui apparaissent comme autant de facettes du lien amoureux et du rapport entre les hommes et les femmes dans le Japon d'aujourd'hui, un rapport complexe, voire compliqué. Les hommes travaillent beaucoup, sont peu présents à la maison, passent beaucoup de temps au bar avec les collègues le soir après le bureau. Les femmes longtemps confinées chez elle, essaient de s'émanciper, par le travail notamment, mais elles ont du mal à s'extraire d'une posture de séduction.
Les nouvelles de Mariko Koike mettent souvent en scène des couples illégitimes qui vivent des histoires fragiles, éphémères dont l'issue se joue parfois sur un coup de dés.
L'autrice nous décrit de manière subtile les variations du sentiment amoureux, les aléas qui peuvent faire basculer une vie, les incertitudes de la passion.
Elle décortique également les mécanismes de possession entre les êtres, possession des corps, de la voix. Certains collectionnent les conquêtes, comme un entomologiste les papillons.
Et comme toujours dans la littérature japonaise, on note l'omniprésence de la nature, des animaux et de la nourriture.
Je suis déjà venue ici est un recueil de petits contes aux tonalités étranges, cruels et tristes parfois, qui dégagent malgré tout une impression de calme et de sérénité. Les histoires ne se terminent pas forcément bien, la mort peut survenir, les visites au cimetière sont empreintes de nostalgie et de poésie.
Alliant gravité et douceur, ces nouvelles m'ont séduite, beaucoup plus que le chat dans le cercueil de la même autrice, qui me paraissait manquer de souffle.
Dans cette dizaine de nouvelles traduites du japonais, nous faisons connaissance avec les femmes japonaises aujourd'hui. Ni prudes, ni volages, elles essaient de vivre selon leur désir et bien sûr ce n'est pas facile. Que ce soit une serveuse et son client, une femme et son amant fou de ses petits plats, une belle-mère et son beau-fils, une femme et son amant d'un soir, toutes tentent de faire fi des modèles imposés et de vivre leur vie à elle.
Ces récits ont beaucoup de charme et nous montrent une réalité japonaise qui pourrait tout à fait être aussi une réalité européenne. La libération de la femme est passée par là mais, même si cela permet de vivre plus librement, on voit que ce n'est hélas pas non plus un passeport pour le bonheur !
Nostalgiques, tendres, passionnées, ... les onze nouvelles qui forment ce recueil sont autant de voix humaines cherchant à se faire entendre. Voix majoritairement féminines mais les hommes restent toujours à l'horizon.
Koike Mariko traite à travers ses récits des rapports entre les hommes et les femmes dans le Japon du XXIème siècle et les évolutions que ces rapports suivent en parallèle de l'évolution de la société. Pourtant les voix de ces femmes japonaises tendent à l'universelle puisqu'il est facile de s'identifier à elles, où que l'on soit.
Nouvelles japonaises,la plupart sur les relations hommes-femmes adultérins.Des hommes et surtout des femmes qui affrontent la vie et l'amour sans se soucier de la morale et des convenances sociales.Pas mal!
Debout dans la cuisine, elle coupe les légumes sur la planche pour les faire sauter ou cuire à la vapeur, grille la viande, plonge le poisson dans un court-bouillon, prépare un assaisonnement avec de fines lamelles de bonite fumée et des petites sardines séchées au soleil et cuites à l’eau, confectionne un potage de miso au tôfu et aux minces tranches de pate de soja fermenté frit, puis des haricots adoucis par du sésame, se lance dans un zôsui, en faisant cuire du riz dans un bouillon à base d’œufs et de légumes ou de poissons de saison…
L’adolescent était assis sur le matelas, bas du corps dénudé, les fesses à même la partie supérieure du pantalon de pyjama.
Dans ses mains il tenait quelque chose de dur, dressé, qu’il frottait frénétiquement de bas en haut, avec une expression de plaisir paroxystique, bouche bée, les yeux révulsés sous l’extase. […]
La chose dans sa main ressemblait à une belle plante, resplendissante, de la teinte pâle d’une fleur de cerisier. Turgescente, sur le point de gicler.
Quelle fertilité… Quelle éros… Quelle vitalité…
Elle ne savait pas très bien quels sentiments il lui portait. En la caressant, il murmurait parfois : « Je t’aime. » Elle aussi, dans ses bras, lâchait un « Je t’aime. »
Mais elle ne croyait pas à ces mots-là. Ni lui non plus, sûrement.
Le cas contraire ne l’aurait pas attristée pour autant. Dès lors qu’il répondait à son besoin de caresses, ici et maintenant, les mots « Je t’aime », « Moi aussi » ne pouvaient pas être totalement feints.
Cette voix sensuelle l’enivra. Il ressentit un chatouillement au niveau du pénis, et cela se transforma d’un coup en un violent flux sanguin qui parcourut tout son corps.
Malgré tous ses efforts, elle ne ressentait qu'un grand vide, avec l'impression d’être aspirée vers les entrailles de la terre. Comment faire pour échapper à cette sensation? Ses questions restaient sans réponse, puisqu'elle était incapable de se représenter l'avenir. Et cela l'effrayait d'autant plus.
Continuer à écouter dans ce wagon une histoire d'insectes racontée par un vieil homme lui parut soudain insupportable.
"Kantan et Haïkus"
"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :